Liste rouge de l'UICN : "Si on agit maintenant, on va en avoir les fruits assez rapidement", assure le président du Muséum national d'histoire naturelle
Selon Bruno David, nous sommes au début de la sixième extinction de masse : "on va cent à mille fois plus vite que lors des grandes crises du passé".
Plus des deux tiers des espèces de requins et des raies (37%) sont désormais menacées d'extinction dans le monde, en raison des pressions exercées essentiellement par la surpêche sur les espèces marines, constate samedi 4 septembre l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) dans une mise à jour de sa "liste rouge des espèces menacées".
"Si on agit maintenant, on va en avoir les fruits assez rapidement", a affirmé samedi sur franceinfo Bruno David, le président du Muséum national d'histoire naturelle, auteur de À l'aube de la sixième extinction. "On va cent à mille fois plus vite que lors des grandes crises du passé", alerte Bruno David, qui se veut optimiste : "la biodiversité est très résiliente".
franceinfo : Est-ce que cela correspond à la sixième extinction de masse que vous prédisez dans votre livre ?
C'est le début de cette extinction. Par rapport aux grandes extinctions de masse qui ont frappé la terre dans son histoire géologique, on est encore au tout début du processus. Cela pourrait nous rassurer. On pourrait se dire finalement qu'il n'y a qu'à continuer comme cela. Mais en fait, on va cent à mille fois plus vite que lors des grandes crises du passé. On est peut-être relativement au début du chemin, mais on s'engage très vite sur ce chemin et il faut absolument réagir. La bonne nouvelle, c'est que la biodiversité est très résiliente, c'est-à-dire qu'elle a une capacité de cicatrisation assez exceptionnelle qui fait que, si on agit maintenant, on va en avoir les fruits assez rapidement. Et c'est pour cela que c'est une très bonne initiative que l'UICN se penche aussi sur une liste verte pour montrer que, quand on fait des choses, quand on agit, la biodiversité réagit positivement.
Il y a des espèces qui se portent bien ou mieux que d'autres, à l'image du thon rouge. Tout n'est pas perdu ?
Oui, le thon rouge est un très bel exemple. Parce qu'on a mis un moratoire sur le thon rouge et on l'a mis suffisamment tôt avant que l'écosystème ne bascule dans un nouvel équilibre où il n'y aurait plus eu de thon. Il ne serait jamais revenu. On l'a fait suffisamment tôt, ce qui démontre qu'une politique forte dans une direction peut avoir un effet et un effet positif. Les Canadiens avaient fait une erreur en 1992. Ils avaient introduit le moratoire sur la pêche à la morue sur les Grands Bancs de Terre-Neuve. Ce moratoire est intervenu trop tard. Et la morue n'est jamais revenue sur les Grands Bancs de Terre-Neuve.
Que faut-il faire en priorité pour limiter la casse ?
La priorité, c'est la connaissance. Il faut comprendre que les constats sont appuyés sur de la recherche, sur des inventaires, sur des suivis où l'on fait appel à des citoyens dans des programmes de sciences participatives pour essayer de savoir où on en est. On a besoin de recherches pour dresser ces constats. Ensuite, on a besoin d'action. On a besoin de décision, de prise de conscience, pour voir comment on peut améliorer la situation. Et cette situation, on peut franchement l'améliorer. Parce que la biodiversité est résiliente. Elle cicatrise, elle est bonne fille, comme a l'habitude de dire Isabelle Autissier. Profitons-en. Agissons et ne nous contentons pas de regarder les conséquences de nos actes. Changeons notre manière de faire. Cela ira mieux et on en aura les fruits assez rapidement.
Qui doit prendre les bonnes décisions ? Les États ? Chacun d'entre nous ?
C'est un petit peu tout. C'est à la fois une prise de conscience individuelle où chacun peut faire un effort. Les États doivent prendre leur part dans la démarche, en s'associant entre eux, en établissant un certain nombre de règles, de principes, en se donnant aussi des jalons, des objectifs. Je pense que c'est très important de se fixer des objectifs et j'espère que le Congrès mondial de la nature fixera des objectifs, un peu comme la COP 21 l'avait fait pour le climat à Paris en 2015. Après, on peut regretter que ces objectifs ne soient pas atteints suffisamment rapidement. Mais néanmoins, c'est une façon de se fixer ses objectifs. Et puis, il ne faut pas oublier les entreprises. Les entreprises ont un pouvoir économique absolument gigantesque. Elles ont une capacité d'action énorme, souvent qu'elles n'utilisent pas suffisamment dans ce domaine-là. Il faut les amener à comprendre qu'elles peuvent améliorer leurs pratiques. Et qu'en améliorant leurs pratiques, en mettant des moyens dans la protection de l'environnement, en continuant de faire leur travail d'entreprise, elles peuvent considérablement améliorer les choses.
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