Poisson-lion, fourmi électrique, rat noir... Cinq espèces exotiques envahissantes qui menacent la biodiversité mondiale
Vous connaissiez sans doute le frelon asiatique, mais avez-vous entendu parler de la jacinthe d'eau ou de la moule zébrée ? Elles font partie des espèces exotiques invasives, qui constituent l'un des "facteurs directs de perte de biodiversité à l'échelle mondiale", selon un rapport de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (Ipbes), publié lundi 4 septembre. Franceinfo vous en présente cinq.
La jacinthe d'eau, une plante d'ornement devenue un cauchemar
C'est "l'espèce exotique envahissante terrestre la plus répandue dans le monde", explique l'Ipbes. Originaire d'Amérique du Sud, la jacinthe d'eau est désormais présente dans au moins 74 régions. "Exportée du bassin de l’Amazone comme plante d'ornement, la jacinthe d’eau a rapidement envahi les plans d’eau douce et rivières tropicales", détaillait fin 2022 l'Office français de la biodiversité dans un rapport (PDF).
Elle forme un épais matelas vert qui bloque la lumière, au détriment des espèces aquatiques (plantes et animaux) qui en dépendent. Lorsqu'elle se décompose, "de grandes quantités de nutriments sont libérées dans l'eau", explique Franck Courchamp, écologue au CNRS et coauteur du rapport. Ce qui provoque une concentration excessive d'azote et de phosphore, insupportable pour de nombreuses plantes et animaux.
La jacinthe d'eau gêne aussi les navigateurs et les pêcheurs de nombreux pays, notamment au Bangladesh ou au Kenya. Elle peut ainsi recouvrir jusqu'à 17 000 hectares du lac Victoria, causant le déclin du tilapia, poisson dont se nourrissent les populations locales. Présente en Europe, en particulier dans les mares des jardins, sa prolifération y est encore limitée, car elle ne supporte pas bien le gel. "Mais cela pourrait très bien changer au cours des prochaines années avec le changement climatique", avertit Sonia Vanderhoeven, chercheuse à la Plateforme belge pour la biodiversité.
La moule zébrée, une espèce qui a envahi l'Europe et l'Amérique grâce aux bateaux
Originaire de la mer Caspienne et de la mer Noire, la moule zébrée a envahi les lacs et les rivières d'Europe en se fixant sur des bateaux. Elle a envahi les Grands Lacs, en Amérique du Nord, à la fin des années 1980 "par l'eau de ballast évacuée des navires", précise Pêches et Océans Canada sur son site. Le média The Conversation rappelle les "ravages économiques et écologiques" que la moule zébrée a provoqués dans cette région. Elles privent notamment de nourriture des espèces locales.
Grâce à une rapide reproduction, des colonies "d’une densité supérieure à 700 000 individus par mètre carré" peuvent se constituer, selon le gouvernement canadien. Leur prolifération a été remarquée très rapidement, car elles obstruaient les tuyaux des usines de traitement de l'eau potable, les bouches d'incendie ou encore les centrales nucléaires. "Très souvent, il faut attendre que les espèces invasives causent des dommages majeurs à l'économie pour que l'on commence à s'en préoccuper, ce qui retarde considérablement la prise de conscience du problème" explique Franck Courchamp. Aujourd'hui, des politiques de prévention ont été mises en place, avec certains résultats encourageants.
Le rat noir, ennemi des agriculteurs, des oiseaux et des tortues
C'est l'une des espèces les plus envahissantes au monde. Originaires d'Asie, les rats noirs ont causé de redoutables dégâts dans les greniers des agriculteurs. Ils ont vraisemblablement joué un rôle dans la propagation de la peste en Europe, au XIVe siècle, même si celui-ci a probablement été exagéré, selon une étude publiée en 2015 dans la revue scientifique Pnas.
Présents désormais dans 60 régions de la planète, ces rats sont "extrêmement difficiles à éradiquer, car il s'agit d'espèces omnivores qui se nourrissent aussi bien des animaux que de végétaux" selon Franck Courchamp. Il semblerait néanmoins que l'on soit parvenu à en venir à bout dans certaines îles de la Polynésie française, l'éradication étant plus facile dans les milieux isolés, comme le souligne l'Ipbes. Le rat noir y bouleversait la biodiversité, notamment en mangeant les œufs d’oiseaux et de tortues marines.
Cette espèce ne doit pas être confondue avec le "Rattus norvegicus" (ou surmulot) que l'on aperçoit fréquemment dans les rues de France. Il est également considéré comme une espèce exotique envahissante.
Le poisson-lion, un prédateur qui inquiète
Originaire des océans Indien et Pacifique, le poisson-lion (ou rascasse volante) a été introduit par accident dans l'océan Atlantique par les navires de commerce. Il a colonisé les récifs coralliens des Caraïbes et de la Méditerranée. Il migre toujours plus au nord grâce au réchauffement des océans. "C'est l'une des invasions les plus rapides au monde", note Franck Courchamp.
Il "mange tous les poissons commercialisés, les crustacés mais aussi les poissons qui nettoient les coraux et récifs en mangeant les algues", expliquait en 2021 à l'AFP la chercheuse vénézuélienne Laura Gutierrez, spécialiste de cette espèce. Cette espèce s'avère aussi dangereuse pour l'homme, car ses épines dorsales sont venimeuses et peuvent provoquer des douleurs intenses, des nausées ou des paralysies.
En Méditerranée, un programme européen a été mis en place pour réguler cette prolifération. Il encourage notamment les restaurateurs à le cuisiner ou encore fait la promotion de la fabrication de bijoux avec leurs nageoires.
La fourmi électrique, minuscule mais redoutable
Elle mesure environ 1,5 millimètre. Détecté pour la première fois en Hexagone par un passionné d'insectes dans le Var à l'automne 2022, cette fourmi est originaire d'Amérique du Sud inquiète particulièrement les chercheurs. Elle tire son nom de la douloureuse décharge que provoque sa piqure.
"Mais à la différence du simple coup de jus, la sensation peut durer plusieurs heures !", avertit Franck Courchamp. Cerise sur le gâteau : lorsqu'elles sont à plusieurs, les fourmis électriques se coordonnent entre elles pour frapper toutes en même temps. "C'est une espèce extrêmement difficile à éliminer en raison de sa petite taille" poursuit Sonia Vanderhoeven.
Surtout, elle ravage la biodiverstié locale. En Nouvelle-Calédonie, "dans les forêts qu'elle a envahies, on n'entend plus aucun son d'insecte", racontait en octobre 2022 à l'AFP Olivier Blight, chercheur spécialiste de l'espère.
Une réunion est prévue mardi 5 septembre avec la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement Provence-Alpes Côte-d'Azur afin de mettre en œuvre le plan d'éradication français. "On espère qu'il pourra être financé d'ici au début de l'année prochaine", lâche Quentin Rome, expert au Museum national d'histoire naturelle. Selon lui, "plusieurs pistes ont été mises sur la table".
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