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Le Haut Conseil pour le climat pointe les insuffisances de la loi "climat et résilience" face aux ambitions de l'Accord de Paris

Dans un nouvel avis publié mardi, l'instance indépendante chargée d'éclairer les politiques de lutte contre le réchauffement climatique estime notamment que le calendrier de la loi ne permet pas de répondre dans les temps impartis aux ambitions établies par l'accord mondial adopté fin 2015. 

Article rédigé par Marie-Adélaïde Scigacz
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
La ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, à l'occasion de la présentation du projet de loi "Climat et résilience", le 11 février 2021, à Lyon (Rhône).  (MARINE GONARD / HANS LUCAS / AFP)

De nouvelles voix s'élèvent pour pointer les faiblesses du projet de loi "Climat et résilience". Alors que les députés commenceront le 8 mars à étudier ce texte inspiré des travaux de la Convention citoyenne sur le climat, le Haut Conseil pour le climat (HCC) donne son sentiment dans un avis détaillé, mardi 23 février. L'instance indépendante, chargée depuis 2019 d'éclairer les politiques de lutte contre le réchauffement climatique, salue des "mesures qui constitueraient (...) une part importante de l'effort à engager" pour permettre à la France d'atteindre ses objectifs dans la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, "mais [qui] ne permettraient pas à la France de rattraper son retard dans la transition bas-carbone"

Conformément aux ambitions de la loi de transition énergétique pour la croissance verte, adoptée en 2015, la France vise un objectif de réduction des émissions nationales de gaz à effet de serre d'au moins 40% en 2030 par rapport au niveau de 1990. Mais alors que "la révision de l'objectif climatique européen, qui fixe une réduction des émissions de -55 % en 2030 par rapport à 1990, pourrait impliquer un relèvement de l'effort français", le projet de loi à discuter présente des lacunes, tant sur ses ambitions que sur la méthodologie proposée pour les mettre en place, prévient le HCC. 

Proposant une série de recommandations, il rappelle que "la dynamique actuelle de réduction des émissions continue par ailleurs d'être insuffisante". Et ce alors que "la décennie en cours est pourtant cruciale pour réaliser les changements structurels compatibles avec les objectifs de température de l'Accord de Paris."

Etablir une trajectoire "claire et précise" 

Le HCC est formel : la France est en retard sur sa trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre. "Les émissions ont baissé de 1,2% par an en moyenne sur les cinq dernières années, alors que la diminution attendue devrait être de 1,5% par an" entre 2019 et 2023, puis "de 3,2% par an dès 2024", souligne-t-il. 

Or, l'avis pointe des délais "manifestement incompatibles avec le rythme attendu de l'action contre le changement climatique et le rattrapage du retard pris par la France dans l'atteinte de ses budgets carbone". Le HCC regrette que "de nombreuses mesures du projet de loi prévoient des délais allongés de mise en œuvre" avec des échéances à 2024, 2025, 2030... Ainsi, il appelle le gouvernement et le Parlement à "raccourcir et clarifier les horizons temporels afin d'engager un rythme suffisant d'actions d'atténuation dans les différents secteurs". 

Concrètement, le groupe d'experts déplore par exemple que certaines mesures, déjà expérimentées, ne soient pas généralisées avant 2023 : la création de consignes pour le verre, des voies réservées aux transports collectifs et au covoiturage, ou encore le choix de menus végétariens dans la restauration collective publique. De même, il regrette que les mesures concernant le qualité des repas proposés dans les services de restauration collective publique n'entrent en vigueur qu'en 2025 pour la restauration collective privée. Et ce, alors que "toute mesure dont la mise en œuvre dépasse l'agenda des élections de 2022 est plus fragile car susceptible d'être remise en cause", rappelle le Haut Conseil. 

"S'il est compréhensible que des délais soient nécessaires pour le plein déploiement de certaines mesures", écrit le HCC, "une trajectoire claire et prévisible doit être définie pour permettre l'adaptation des acteurs impliqués." 

Elargir le champ de certaines mesures 

"De nombreuses mesures portent sur des périmètres d'application restreints couvrant une part insuffisante des activités émettrices de gaz à effet de serre en France", pointe encore l'avis du Haut Conseil pour le climat. Ce dernier déplore par exemple que l'article encadrant la publicité "ne porte que sur les énergies fossiles" et non "sur un ensemble de biens et services manifestement incompatibles avec la transition, tels que les véhicules lourds et peu aérodynamiques (SUV, etc.) ou certains produits alimentaires."

Pour ce qui est des mesures concernant la rénovation thermique des bâtiments, il regrette qu'elles ne s'appliquent pas aux propriétaires occupants, lesquels "représentaient 58% des occupants de passoires thermiques en 2018". Par ailleurs, "le projet de loi n'introduit aucune mesure incitative ou contraignante visant explicitement à décarboner le mix énergétique du chauffage des bâtiments", note-t-il. Il appelle, entre autres, à "définir une trajectoire d'obligation de rénovation cohérente avec la stratégie nationale bas-carbone et s'échelonnant jusqu'à 2050 (...)", ou encore à "étendre la trajectoire d'obligation de rénovation à l'ensemble des bâtiments tertiaires, y compris les surfaces de moins de 1 000 mètres carrés, en niveaux de performance énergétique et climatique à atteindre (...)."

Enfin, l'article 36, qui porte sur la fin du trafic aérien sur les vols intérieurs là où il existe une alternative bas-carbone en moins de 2h30 – soit seulement huit liaisons représentant 10% du trafic de passagers aérien métropolitain en 2019 – constitue encore un exemple de mesure qui "pourrait être largement rehaussée". "Cette limite fixée à 2h30 est beaucoup trop basse, et une partie de ce trafic pourrait par ailleurs être maintenue lorsqu'il s'agit de transporter des passagers en correspondance", relèvent les experts.  

Penser une stratégie cohérente

"Le projet de loi n'offre pas suffisamment de vision stratégique de la décarbonation des différents secteurs émetteurs en France", tranche le Haut Conseil pour le climat. Réalisé à partir des 146 mesures de la Convention citoyenne pour le climat, le texte de loi souffre, selon lui, d'un "manque de consolidation stratégique" que ne saurait excuser la diversité des propositions qu'il présente. Le HCC estime ainsi que les mesures doivent être systématiquement confrontées aux ambitions établies par la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC), la feuille de route de la France pour lutter contre le changement climatique. 

"Aucune analyse d'ensemble de ces contributions article par article n'est réalisée dans l'étude d'impact du texte de loi, déplore encore le HCC. La complémentarité des mesures entre elles et par rapport à l'existant n'est pas discutée, ni en termes généraux, ni en termes des orientations SNBC". 

Or, penser ces mesures en adéquation avec cette feuille de route devrait permettre un meilleur suivi de leurs potentiels résultats, suggèrent les experts, pointant les lacunes de l'étude d'impact et le manque de données chiffrées permettant d'évaluer précisément les mesures. "L'examen du texte par le Parlement devra permettre de compléter et améliorer la portée des mesures proposées, y compris sur le pilotage et la conduite de la transition, pour que les objectifs annoncés soient atteints", préconise le HCC.

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