COP29 : comment l'Azerbaïdjan a fini par faire consensus pour organiser le prochain sommet pour le climat
Après les Emirats arabes unis cette année, un autre pays dont l'économie dépend des hydrocarbures va organiser la Conférence de l'ONU pour le climat en 2024. "Je suis heureux d'annoncer qu'il existe un consensus général autour de la candidature de l'Azerbaïdjan à l'accueil de la COP29", s'est félicité Mukhtar Babayev, le ministre azerbaïdjanais de l'Ecologie, lors d'un discours à la COP28 à Dubaï, samedi 9 décembre. Lundi, une décision adoptée à Dubaï, théâtre de la COP28, a confirmé ce choix, ainsi que celui du Brésil comme hôte de la COP30 en 2025.
"Nous sommes très reconnaissants du soutien de tous les pays, en particulier ceux du groupe des pays d'Europe de l'Est et de l'hôte, les Emirats arabes unis. Nous nous engageons à travailler de manière inclusive et collaborative avec tous, afin que la COP29 soit un succès", a ajouté Mukhtar Babayev samedi. Des propos appuyés par l'émissaire russe pour le climat, Ruslan Edelgeriev : "Nous saluons le compromis que nous avons atteint dans le groupe est-européen", a-t-il également déclaré samedi.
Ces annonces, inespérées il y a encore quelques jours, semblent marquer la fin de plusieurs mois de blocages autour de l'organisation de la COP29. Celle-ci doit être accueillie par un Etat d'Europe de l'Est, chaque COP étant organisée dans une région du monde différente d'une année à l'autre. Un consensus semblait jusqu'alors peu réaliste, notamment en raison du récent conflit armé entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, et de l'opposition de la Russie aux candidatures d'Etats-membres de l'UE.
Des tensions liées au Haut-Karabakh
Comme le rapporte le site ClimateChangeNews.com, l'Azerbaïdjan, l'Arménie et la Bulgarie ont défendu dès le mois de juin leurs candidatures respectives pour accueillir la 29e Conférence des Nations unies sur le climat. Un accord était nécessaire au sein du groupe des Etats d'Europe de l'Est – qui compte 23 membres – pour désigner le pays accueillant la prochaine COP. Or, Bakou et Erevan se sont mutuellement opposés à la candidature de leur voisin du Caucase, dans un contexte de conflit entre les deux pays, rapporte Politico.
Depuis plusieurs décennies, l'Arménie et l'Azerbaïdjan s'opposent au sujet de la région du Haut-Karabakh, habitée par une population très majoritairement arménienne. Bakou a reconquis cette région en septembre à l'issue d'une offensive éclair à l'encontre des séparatistes arméniens – poussant plus de 100 000 habitants de la région à fuir vers l'Arménie. Le territoire avait déjà été marqué par deux guerres, l'une au début des années 1990 et l'autre à l'automne 2020, qui ont fait plusieurs dizaines de milliers de morts.
Le veto russe pour un pays de l'UE
Face au blocage entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, la candidature de la Bulgarie se posait en alternative possible. La Russie s'est toutefois opposée à toute candidature d'un Etat d'Europe de l'Est membre de l'Union européenne, précise Politico.
Dès le mois d'avril, la délégation russe à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques a envoyé un e-mail aux représentants de pays d'Europe de l'Est, les prévenant de cette opposition. "Il est raisonnable de croire que les pays de l'UE, poussés par la politique de Bruxelles, n'ont pas la capacité de servir d'intermédiaires honnêtes et efficaces dans les négociations mondiales sur le climat", expliquait-elle dans ce message, consulté par Reuters.
En coulisses, l'argument des Russes "est qu'ils sont bloqués par les pays de l'UE sur diverses questions liées à la guerre en Ukraine", estime Julian Popov, ministre bulgare de l'Environnement, auprès de Politico. "En quelque sorte, ils ripostent."
Un réchauffement avec l'Arménie
Jeudi, cinq jours avant la fin de la COP28, une déclaration commune de l'Arménie et de l'Azerbaïdjan a marqué un tournant après des mois d'impasse. Dans ce communiqué commun, le Premier ministre arménien et l'administration présidentielle de l'Azerbaïdjan ont fait état d'une "intention de normaliser les relations" entre les deux pays, "et de parvenir à un traité de paix sur la base du respect des principes de souveraineté et d'intégrité territoriale". Une annonce surprise saluée par la communauté internationale, après des négociations qui patinaient ces dernières semaines.
Leur déclaration mentionnait aussi l'épineuse question de l'organisation de la COP29. Afin de montrer une "geste de bonne volonté", l'Arménie a assuré qu'elle soutenait désormais la candidature de l'Azerbaïdjan, "en retirant sa propre candidature". Dès le lendemain, un communiqué du ministère de l'Environnement a annoncé le retrait de la candidature bulgare, "dans un esprit de bonne volonté et dans l'intérêt d'une conférence sur le climat réussie organisée par le groupe d'Europe de l'Est".
"Nous apportons donc notre soutien à la candidature de la République d'Azerbaïdjan."
Julian Popov, ministre bulgare de l'Environnementdans un communiqué
Avec ce choix de la candidature azerbaïdjanaise, c'est un nouveau pays dont l'économie dépend des énergies fossiles qui accueillera les négociations sur le climat l'an prochain. En Azerbaïdjan, le pétrole et le gaz étaient en 2021 à l'origine de 90% des revenus des exportations, selon l'Agence internationale de l'énergie. Ces énergies finançaient aussi environ 60% du budget du gouvernement.
Sur ClimateChangeNews.com, l'analyste Tom Evans, du groupe de réflexion sur le réchauffement climatique E3G, juge cette candidature "inhabituelle et inattendue". L'Azerbaïdjan, membre d'une alliance avec les pays producteurs de pétrole, l'Opep+, "n'a pas une grande expérience en matière de diplomatie" climatique. Il est aussi considéré comme un pays autoritaire, mené d'une main de fer par Ilham Aliev depuis 2003.
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