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Jour du dépassement : "Il faut qu'il y ait une prise de conscience importante, de la hauteur de la marche à gravir", alerte le chercheur Aurélien Boutaud

Le jour du dépassement, fixé cette année au 2 août, marque le jour où l'humanité a utilisé toutes les ressources que la planète peut produire en une année.
Article rédigé par franceinfo
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Une centrale à charbon en Rhénanie du Nord, en Allemagne, le 12 novembre 2022. (LEYLA VIDAL / MAXPPP)

"Il faut qu'il y ait une prise de conscience importante, par la population, de la hauteur de la marche à gravir et de l'urgence à aller très vite", a alerté mercredi 2 août sur franceinfo Aurélien Boutaud, chercheur associé à l'Unité mixte de recherche (UMR) environnement-ville-société du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) alors que le jour du dépassement planétaire est atteint ce mercredi. L’humanité a consommé l’ensemble des ressources que les écosystèmes sont capables de produire en une année.

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Il faut "calculer son empreinte écologique pour vraiment mesurer là où l'on a un impact le plus important", explique Aurélien Boutaud. Mais il pointe "la difficulté des décisions politiques" et "la question de la justice sociale" pour emporter "l'adhésion de la population".

franceinfo : Quel est le sens de ce jour du dépassement et est-ce que c'est un bon outil ?

Aurélien Boutaud : Le jour du dépassement est calculé sur la base d'un indicateur, l'empreinte écologique, qui mesure les surfaces de terre et de mer dites 'biologiquement productives' - les écosystèmes divers et variés - qui vont produire des ressources renouvelables ou assimiler certains de nos déchets, notamment le CO2. Ce que mesure le jour du dépassement, c'est le moment où, dans l'année, l'humanité a consommé davantage de services issus de la nature que la nature est capable d'en régénérer pour cette partie biologique de la nature.

C'est un bon outil pour ce qui concerne la prise de conscience de ce déficit écologique, de ce dépassement des limites planétaires. C'est essentiellement pour ça qu'il a été conçu à l'origine, pour concurrencer des indicateurs synthétiques comme le produit intérieur brut, ou d'autres indicateurs économiques qui ne prennent pas en compte ces enjeux de ressources planétaires.

Est-ce que nos gestes du quotidien, consommer moins d'eau, d'électricité, se servir de contenants réutilisables, sont utiles ou est-ce que c'est une goutte d'eau par rapport à ce que pourrait faire l'industrie par exemple ?

Les objectifs à atteindre sont tellement immenses, l'effort à faire est tellement immense, qu'il faut tous absolument participer à ça. Cela veut dire les individus, mais cela veut dire aussi l'économie, les industries et évidemment les gouvernements. La première chose à faire, c'est précisément de calculer son empreinte écologique ou son empreinte carbone pour vraiment mesurer là où l'on a un impact le plus important. Une fois que l'on a fait ce premier travail, cela permet de voir où l'on en est et où sont les enjeux les plus importants.

Ce n'est pas la peine de se dire, j'ai fait ma part des choses si j'ai coupé le robinet un peu plus tôt en me lavant les dents, alors qu'à côté de ça, le gros de mon impact environnemental ou carbone est lié à mon mode de consommation alimentaire ou le fait que je vais passer mes vacances à l'autre bout de la planète.

Comment est-ce que l'on passe à l'acte ?

Le point clé est là. À partir du moment où l'on a pris conscience de ce dépassement, de ce déficit, il faut avoir des outils clairs qui nous permettent de faire les bons gestes. Par exemple, consommer et manger moins de viande, cela a un impact qui est non négligeable dans l'empreinte écologique.

"Se déplacer autrement et éviter de se déplacer en voiture, éviter à tout prix l'avion, ce sont vraiment des leviers qui sont énormes en termes de gain."

Aurélien Boutaud

à franceinfo

Il faut vraiment essayer de privilégier les bons gestes les plus efficaces. Il faut aussi qu'ils soient relayés, non seulement par les gouvernements, mais aussi par les industriels. Parce qu'eux aussi ont un rôle à jouer dans le changement de mode de production. Il ne suffit pas seulement de consommer mieux et moins. Il faut aussi que de l'autre côté, ce que l'on va consommer soit également mieux produit.

Est-ce que cela veut dire qu'il faut des décisions politiques plus radicales ?

On sait qu'il va falloir aller beaucoup plus vite que ce que l'on pensait en termes de réduction de notre empreinte écologique, en particulier le volet carbone. Donc il faut qu'il y ait une prise de conscience importante, par la population, de la hauteur de la marche à gravir et de l'urgence à aller très vite, pour que, derrière, les décideurs aient la capacité, avec l'adhésion de la population, d'aller dans ce sens-là.

L'une des choses les plus importantes, c'est la question des inégalités. Parce que se pose systématiquement la question de la justice sociale quand on est amené à proposer aux gens de consommer moins et mieux. Si à côté, il y a des ultra-riches qui peuvent continuer à faire des choses complètement démesurées, cela n'a pas d'impact sur la population.

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