Pourquoi les records de température à l'échelle de la planète, qui tombent les uns après les autres, sont exceptionnels

Lundi 22 juillet, la température moyenne mondiale à la surface de la Terre a atteint 17,15°C, dépassant le record établi la veille.
Article rédigé par franceinfo
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Une femme sous une ombrelle à Ankara (Turquie), touchée par une chaleur extrême, le 22 juillet 2024. (BINNUR EGE GURUN KOCAK / ANADOLU / AFP)

Deux records en deux jours. Selon les données provisoires de l'observatoire européen de la Terre Copernicus, notre planète a vécu ses deux jours les plus chauds de son histoire. D'après les chiffres de l'observatoire disponibles mercredi, la température moyenne mondiale à la surface de la Terre s'est élevée à 17,15°C lundi 22 juillet.

La veille, Copernicus montrait que le dimanche 21 juillet, avec une température globale de 17,09°C, établissait déjà un record, battant celui du 6 juillet 2023, à 17,08°C. Franceinfo vous explique pourquoi ces records sont hors du commun.

Parce que les records sont de plus en plus rapprochés

Copernicus a souligné, dès mardi soir, que le record quotidien de température pourrait être battu dans les jours suivants. Ce qui s'est vérifié dès le lendemain. Un tel rythme est inhabituel. Avant juillet 2023, le précédent record de température moyenne mondiale quotidienne avait tenu sept ans. Il remontait au 13 août 2016, avec 16,8°C. Selon les données de Copernicus, ce record de 2016 a été dépassé lors de 57 jours depuis le 3 juillet 2023. Rien d'étonnant : l'année 2023 a été la plus chaude de l'histoire au niveau mondial.

Auparavant, des records pouvaient tenir encore plus longtemps : celui de 16,58°C, établi le 6 août 1998, n'a été battu que 17 ans plus tard, le 2 août 2015, pour atteindre 16,60°C. Signe que le réchauffement s'intensifie : les dix journées les plus chaudes enregistrées en moyenne mondiale sur les cinquante dernières années sont toutes survenues depuis 2015.

Infographie du service changement climatique de l'observatoire européen Copernicus montrant, par année, les plus hautes températures moyennes mondiales. Sur les cinquante dernières années, les 10 journées les plus chaudes sont toutes survenues depuis 2015. (COPERNICUS CLIMATE CHANGE SERVICE / ECMWF)

"Nous sommes désormais en territoire inconnu, et comme le climat continue de se réchauffer, nous sommes tenus de voir de nouveaux records battus dans les mois et les années à venir", a prévenu dimanche le directeur du service Copernicus sur le changement climatique (C3S), Carlo Buontempo. Il est probable que le record du 22 juillet soit dépassé dans les jours à venir, d'après lui.

Pour la science, le lien entre ces records de chaleur et le réchauffement climatique, provoqué par les émissions de gaz à effet de serre des activités humaines, est clairement établi. "C'est exactement ce que la science du climat nous prédisait dans une situation où l'on continue à brûler du charbon, du pétrole et du gaz", a réagi mercredi Joyce Kimutai, climatologue à l'Imperial College de Londres. "Et cela continuera de s'empirer jusqu'à ce que l'on arrête de brûler des combustibles fossiles et qu'on atteigne le 'zéro émission nette'."

Parce que les écarts sont importants

Les records du 6 juillet 2023 et du 21 juillet 2024 ne se jouent qu'à un centième (17,08°C contre 17,09°C). Mais celui du 22 juillet se fait avec une "belle marge" par rapport au précédent (+0,06°C), a remarqué sur X l'agroclimatologue Serge Zaka. "Cette facilité à battre des records, qu'ils soient mondiaux ou locaux, est déconcertante", a-t-il également commenté.

Les températures records enregistrées en 2023, l'année la plus chaude depuis le début des relevés, rendent obsolètes les couleurs des warming stripes, les bandes de couleurs illustrant le réchauffement climatique, rapportait franceinfo en janvier 2024. En effet, la palette des rouges n'est plus suffisante pour rendre compte du phénomène.

Les anomalies de températures sont si importantes qu'elles nous éloignent de l'accord de Paris. Prenons la température moyenne mondiale entre juillet 2023 et juin 2024. C'est la plus élevée jamais enregistrée, se situant 0,76°C au-dessus de la moyenne 1991-2020 et 1,64°C au-dessus de la moyenne préindustrielle 1850-1900. Elle dépasse ainsi la hausse de 1,5°C par rapport à l'ère préindustrielle, qui est la limite la plus ambitieuse fixée par l'accord de Paris.

Parce que la série de records de chaleur se prolonge

L'emballement des températures à l'échelle planétaire s'étale sur une plage (très) longue. Le mois de juin 2024 a été le plus chaud jamais enregistré au niveau mondial, établissant un 13e record mensuel consécutif. Dans le détail, ce mois affiche une température moyenne de 16,66°C à l'échelle de la Terre, "soit 0,67°C de plus que la moyenne 1991-2020 pour le mois de juin et 0,14°C de plus que le précédent record établi en juin 2023", a précisé Copernicus.

Le climatologue Zeke Hausfather, qui travaille à Berkely, aux Etats-Unis, a déclaré au Guardian que ces records sur une journée étaient "certainement des signes inquiétants" à la suite de 13 mois consécutifs de chaleur record à l'échelle planétaire. Pour Carlo Buontempo, de Copernicus, cette série est "particulièrement stupéfiante"

Selon l'agence américaine Associated Press, des scientifiques estiment qu'il est "extraordinaire" que de tels jours de chaleur surviennent deux années consécutives. D'autant que le phénomène naturel El Niño, qui a tendance à réchauffer la planète, a pris fin dans la première partie de l'année 2024, et les températures ne devraient pas être aussi élevées. Karsten Haustein, climatologue à l'université de Leipzig, en Allemagne, indique auprès de l'agence britannique Reuters qu'il est remarquable que des records continuent d'être battus alors que nous sommes normalement dans une phase "neutre" entre la fin d'El Niño et son pendant froid, La Niña.

Pour Daniel Swain, climatologue à l'université de Californie cité par Associated Press, cette suite d'événements et de records est "une autre illustration de l'ampleur du réchauffement du climat de la Terre". De son côté, le climatologue Peter Thorne, de l'université irlandaise de Maynooth, juge dans The Guardian que "nous ne sommes pas du tout préparés aux extrêmes que ce monde plus chaud nous a imposés".

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