Environnement : on vous présente Copernicus, le programme européen devenu une référence pour l'observation de la Terre
Quel est le lien entre ces trois informations : le monde a vécu son mois de juin le plus chaud jamais enregistré ; les océans ont connu leur mois de mai le plus chaud depuis le début des relevés ; l'augmentation des températures de 1,5°C fixée par l'Accord de Paris est largement dépassée en Europe ? Nous les devons toutes aux données de Copernicus, le programme européen de surveillance de la Terre. Franceinfo vous présente cette entité, qui fête cette année ses 25 ans.
Un programme pour ausculter la planète
"L'actualité, malheureusement, a rendu le service 'changement climatique' quasi central", remarque auprès de franceinfo Jean-Noël Thépaut, directeur des services Copernicus. Mais il s'agit d'un "programme environnemental de manière générale", souligne-t-il. Pour illustrer son propos, le dirigeant utilise une image liée à la médecine, puisque Copernicus permet de connaître l'état de la santé de notre planète.
"Copernicus réalise en permanence une IRM ou un scanner de la Terre."
Jean-Noël Thépaut, directeur des services Copernicusà franceinfo
Le programme européen Copernicus compte six services, avec chacun un thème : le changement climatique, la surveillance des milieux marins, la surveillance de l'atmopshère, la surveillance des terres, la gestion des situations d'urgence – notamment en cas de catastrophe naturelle –, et enfin un service de sécurité. Ce dernier, lié à la politique étrangère et de sécurité commune de l'Union européenne, "est un peu à part", glisse Jean-Noël Thépaut. Une vidéo en français présente les différentes thématiques.
"Copernicus fournit des informations sur l'état de la planète Terre et tout ce qui est lié aux impacts des activités humaines", abonde auprès de franceinfo Anny Cazenave, chercheuse émérite au Laboratoire d'études en géophysique et océanographie spatiale (Legos) à Toulouse.
Des informations sur le climat d'hier, d'aujourd'hui et de demain
Les informations livrées par Copernicus ne portent pas uniquement sur le temps présent. Le climat passé peut être mieux connu grâce à la réanalyse, qui se fait à l'aide des données anciennes, de celles recueillies depuis et des modélisateurs climatiques actuels. En combinant tous ces éléments, et grâce à des calculateurs ultraperformants, il est possible de simuler le climat d'une zone de la planète à une période précise, un peu comme si l'on reconstituait la pièce manquante d'un puzzle, explique Copernicus dans cette vidéo.
Quant au climat futur, s'il est impossible de le prédire avec certitude, il peut être esquissé, au travers de diverses trajectoires possibles, grâce aux modélisateurs.
Un programme de grande envergure
Copernicus est une entité coordonnée et gérée par la Commission européenne. Tous les pays de l'Union européenne participent financièrement à ce programme doté d'un budget d'environ 2,1 milliards d'euros par an.
Le programme travaille étroitement avec l'Agence spatiale européenne mais aussi avec l'Organisation européenne pour l'exploitation des satellites météorologiques, Mercator Ocean International, le Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme, l'Agence européenne pour l'environnement, le Centre satellitaire de l'Union européenne, l'Agence européenne pour la sécurité maritime ou encore Frontex, l'Agence européenne pour le contrôle et la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures de l'UE.
Une flotte de satellites (mais aussi des outils sur Terre)
Copernicus utilise des satellites mais également des stations terrestres, qui font l'acquisition de données grâce à des capteurs au sol, en mer ou dans l'air. Toutefois, la composante spatiale est particulièrement importante, avec une flotte de satellites appelés Sentinel. Le premier d'entre eux a été lancé en 2014.
Sentinel-1. Les Sentinel-1A et Sentinel-1B s'intéressent aux terres et aux océans. Les images de Sentinel-1 ont notamment permis de suivre et retracer les inondations meurtrières qui ont frappé le Bangladesh en juin 2022.
Sentinel-2. Les Sentinel-2A et Sentinel-2B scrutent plus particulièrement les terres, la végétation et les zones humides. Comme le montre l'Agence spatiale européenne, les images, avec une précision allant jusqu'à 10 mètres, permettent notamment de comparer la couverture neigeuse des massifs montagneux, de documenter les éruptions de volcans ou encore de suivre les sécheresses qui affectent des fleuves comme le Rhône à l'été 2022 ou le Yangtsé (Chine). Le plus grand fleuve d'Asie s'est retrouvé à sec à l'été 2022.
Sentinel-3. Sa mission principale consiste, entre autres, à mesurer la température des océans et des terres. L'image ci-dessous montre les températures de la France, de l'Espagne et d'une partie de l'Algérie et du Maroc, en juillet 2022, alors que sévissait une canicule particulièrement forte sur cette large zone.
Sentinel-4. Ce satellite s'intéresse à la qualité de l'air ou encore aux aérosols. Il doit être lancé avec un nouveau satellite météorologique de troisième génération, courant 2024.
Sentinel-5. Comme le Sentinel-4, le satellite Sentinel-5P se penche sur la qualité de l'air. Lancé en 2017, c'est le premier de la flotte Sentinel à traquer différents gaz, comme le méthane (le deuxième gaz à effet de serre), grâce à son instrument Tropomi.
Sentinel-6. L'une des principales missions de ce satellite lancé en 2020 consiste à faire de l'altimétrie. Depuis l'espace, il mesure le niveau de la quasi-totalité des océans de la planète (95% de leur surface) avec une précision de l'ordre du millimètre. Ses données servent au service de surveillance marine pour élaborer des cartes et des prévisions sur des paramètres océaniques tels que la température, la salinité ou encore les courants.
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Copernicus peut également s'appuyer sur des données provenant de programmes développés par des pays partenaires comme les Etats-Unis (et donc la Nasa ou encore l'Agence américaine d'observation océanique et atmosphérique), l'Australie, le Chili, le Brésil, le Canada ou encore l'Inde.
Des données accessibles à tout le monde
"La politique de Copernicus est 'full, free, open'", résume Jean-Noël Thépaut, c'est-à-dire que les données de Copernicus sont gratuites et libres d'accès pour tout le monde. Si vous souhaitez vous plonger dedans, c'est par ici ou par ici.
Le but premier est que le traitement et l'analyse des données de Copernicus, via des applications, aident les dirigeants politiques et les administrations dans leurs prises de décisions pour préserver l'environnement, limiter l'impact des activités humaines, atténuer le réchauffement climatique et s'y adapter au mieux. "C'est avant tout pensé pour les utilisateurs", insiste Jean-Noël Thépaut.
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Sans surprise, les scientifiques font partie des grands utilisateurs des données fournies par Copernicus. Mais les journalistes ne sont pas en reste. Début juin, franceinfo a ainsi publié des cartes montrant l'ampleur des inondations après la destruction du barrage de Kakhovka, en Ukraine. Des images satellite fournies par Sentinel-3 ont été utilisées pour analyser la présence d'eau grâce à des mesures infrarouges.
Un ensemble sans équivalent dans le monde
L'ambition posée par l'Europe avec ce programme était de devenir leader dans le domaine de l'observation de la Terre. Vingt-cinq ans plus tard, l'objectif est-il atteint ? "Oui", répond la chercheuse Anny Cazenave, "grâce à toutes ses composantes". "Mes collègues américains considèrent que ce programme européen est vraiment unique", glisse-t-elle. "Des initiatives existent un peu partout dans le monde mais il n'y a pas d'équivalent à Copernicus", abonde Jean-Noël Thépaut. Il met en avant la fiabilité des données de Copernicus et le fait qu'elles soient publiées en temps réel, ce qui est important pour surveiller l'état de la Terre au plus près et être le plus réactif possible, notamment en cas de crise et lorsque des questions de sécurité sont en jeu, comme lors des incendies en Grèce du mois de juillet.
Le volume de données collectées est gigantesque et représente un travail colossal. Les satellites de Copernicus ont fourni quelque 7,9 petabytes de données en 2022, selon un rapport de la Commission européenne. Pour avoir un ordre de grandeur, 1 petabyte représente 1 million de gigaoctets (Go) et le jeu Zelda : Tears of the Kingdom (2023) a besoin d'environ 18 Go d'espace libre pour pouvoir être installé sur une console.
Le place de Copernicus est majeure. Les premiers signes du retour du phénomène météorologique El Niño ont été observés grâce au satellite Sentinel-6. Le rapport 2022 sur l'état du climat en Europe a été élaboré par l'Organisation météorologique mondiale (OMM) et le service changement climatique de Copernicus. Avant cela, les travaux du programme européen ont été utilisés pour des événements-phares, comme lors de la COP21 et la signature de l'accord de Paris. L'influence de Copernicus est amenée à perdurer, avec une couverture qui va encore s'étoffer : il diposera d'une trentaine de satellites d'ici 2030.
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