Rapport du Giec sur le climat : "La sortie de route a déjà eu lieu, l'enjeu est désormais de réduire le nombre de tonneaux", presse un auteur du rapport
"L'urgence aujourd'hui c'est de développer des mécanismes d'adaptation aux impacts du changement climatique", insiste François Gemenne, chercheur et co-auteur du rapport du Giec publié lundi.
"La sortie de route a déjà eu lieu, l'enjeu est désormais de réduire le nombre de tonneaux", a déclaré lundi 28 février sur franceinfo François Gemenne, chercheur et co-auteur du rapport du Giec publié le même jour. Le Giec recommande d'accélérer les efforts sur la "politique d'adaptation" au réchauffement climatique, dont les effets sont déjà visibles dans le monde entier. "On a parfois l'impression que nous cherchons des prétextes pour regarder ailleurs", dénonce le chercheur, qui appelle à mettre en place "des infrastructures de protection, notamment face aux inondations ou au risque de submersion."
franceinfo : Dans ce rapport, le tableau est dramatique, pessimiste même sur l'avenir. Quelle est l'urgence ? Que faut-il faire rapidement ?
François Gemenne : L'urgence aujourd'hui, y compris pour la France et pour l'Europe, c'est de développer des mécanismes d'adaptation aux impacts du changement climatique. Nous avons longtemps cru, en tout cas en Europe, que les impacts du changement climatique se produiraient d'abord ailleurs, que ce seraient les autres qui seraient touchés ou que notre tâche face au changement climatique, c'était uniquement de réduire nos émissions. Pourtant, nous voyons que les impacts du changement climatique sont déjà en cours, ne nous épargneront pas et donc il y a urgence à mettre le turbo sur les processus d'adaptation. Ça implique d'abord des plans de réaménagement du territoire, notamment face à la hausse du niveau de la mer ou face aux changements dans l'agriculture. Ça implique également des infrastructures de protection, notamment face aux inondations ou au risque de submersion. Je pense ici aux zones côtières en particulier. Cela implique aussi des mesures de prévention des populations face aux évènements extrêmes du changement climatique. Cela implique enfin des services de protection civile, des mesures d'alerte précoce et d'évacuation des populations en cas de crise.
Ce sont des sujets difficiles à aborder, encore plus en ce moment avec la guerre en Ukraine. Avez-vous l'impression qu'on n'en parle pas assez ?
Très clairement, on n'en parle pas assez et effectivement, c'est un sujet qui est éclipsé par d'autres polémiques un peu inutiles, comme des sujets identitaires, des questions de guerres culturelles. On a parfois l'impression que nous cherchons des prétextes pour regarder ailleurs. Pour le reste, il y a certainement un problème de coordination au niveau mondial. Si vous êtes seul à agir contre le changement climatique, votre action est inutile. J'espère que ce rapport pourra mettre ça en lumière. D'autant plus qu'il y a un lien très fort avec les inégalités sociales. Nous montrons bien comment les impacts du changement climatique ont creusé les inégalités au sein d'une société, ce qui, en retour, va aussi rendre cette société davantage vulnérable aux impacts du changement climatique.
Est-ce que ça ne veut pas dire, au fond, qu'il faut un changement culturel pour ne pas dire politique ?
ll faut en tout cas rééquilibrer très clairement le cours des choses. Il faut se rendre compte que les impacts du changement climatique, ce ne sera pas uniquement pour les autres, mais pour nous aussi. Il faut aussi se rendre compte que les impacts du changement climatique sont déjà en cours un peu partout dans le monde. Dans plusieurs secteurs, nous atteignons les limites de l'adaptation et donc, en même temps qu'il faut à la fois réduire le plus possible nos émissions de gaz à effet de serre, il faut aussi nous adapter davantage, nous préparer davantage aux impacts du changement climatique. L'enjeu n'est pas uniquement d'éviter la sortie de route, mais aussi de réduire le nombre de tonneaux parce que la sortie de route, elle, a déjà eu lieu.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.