Réchauffement climatique : le coup de chaud à la surface des océans est une "bombe à retardement"
L'océan est en surchauffe. Selon les données de l'observatoire américain NOAA, la température à la surface des mers a battu un record pour un mois d'avril et se maintient depuis à des niveaux inédits. Ce phénomène, alarmant mais sans surprise pour les scientifiques, illustre surtout comment les activités humaines ont transformé les océans en "bombe à retardement" du réchauffement climatique.
Début avril, la température moyenne à la surface des océans, à l'exception des eaux polaires, a atteint 21,1°C, battant le précédent record de 21°C en mars 2016. Si la moyenne a commencé à redescendre un peu fin avril – cycle naturel à la sortie de l'hiver austral –, les températures se maintiennent depuis six semaines au-dessus des records de saison.
Des "incendies sous-marins" qui dévastent les algues
Comment expliquer un tel record ? Les océans du globe ont connu trois années consécutives de La Niña, phénomène cyclique climatique qui refroidit les eaux de surface. Or le phénomène inverse, El Niño, semble s'installer en 2023 et la transition, avec la fin de l'effet refroidissant de La Niña, pourrait s'être conjuguée au réchauffement de long terme pour produire ce nouveau record.
Dans l'immédiat, cela "se traduit au niveau régional par une multitude de vagues de chaleur marines" qui "agissent tels des incendies sous-marins, pouvant dégrader de manière irréversible des milliers de kilomètres carrés de forêts sous-marines, par exemple de laminaires, d'herbiers de posidonie ou de coraux", décrit l'océanologue du CNRS Jean-Baptiste Sallée. "Il n'est pas surprenant que les océans se réchauffent, on l'observe d'année en année à un rythme absolument faramineux", rappelle toutefois cet auteur du Giec joint par l'AFP, car "l'océan, telle une éponge, absorbe plus de 90% de l'augmentation de chaleur causée par les activités humaines".
Les effets ne se limitent pas à la biodiversité marine. "Il y aura une évaporation accrue et un fort risque de cyclones plus intenses", explique à l'AFP l'océanologue Catherine Jeandel. Des eaux plus chaudes "fonctionnent comme une barrière qui freine les échanges de gaz", ajoute la géochimiste : "La pompe à oxygène de l'océan va moins bien fonctionner" et "il en ira de même pour la pompe à CO2". Cela risque d'accélérer le réchauffement, parce que cela réduit l'absorption par l'océan des gaz à effet de serre produits par notre consommation de charbon, de pétrole et de gaz. "A force de le chauffer, l'océan devient un peu comme une bombe à retardement", résume Catherine Jeandel.
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