En Inde, le changement climatique pousse la recherche météorologique
Dans le laboratoire du docteur Nakshatra, il doit toujours faire froid pour conserver les sédiments de roches qu’il garde dans ses frigos et qu’il analyse par procédé chimique. Ces morceaux de stalactites lui donnent de précieuses informations sur les climats passés.
"Ces informations viennent de l’eau de pluie. Il y a 3000 ans, quand il a plu, l’eau a formé cette roche et elle nous a laissé des informations sur l’environnement"
La composition chimique de l’air, la présence de gaz à effet de serre se retrouvent dans ces sédiments. Pour compléter leurs informations, un autre chercheur, Omar Shikar, travaille sur les cernes des arbres. Dans son bureau, des coupes de tronc de pins ou de chênes sont passés au microscope. Là aussi cela lui permet de remonter le temps.
"Vous pouvez voir que la croissance des cernes de cet arbre n’est pas uniforme. C’est parce que le climat a changé. Cela nous permet de dater en quelle année il a fait plus chaud. Nous pouvons ainsi remonter grâce à certains arbres du Kerala jusqu’à 500 ans voir 1200 ans pour le plus vieux"
Le deuxième plus gros ordinateur du pays
L’institut indien de météorologie tropicale dispose d’archives météo très fournies, lancées lorsque l’Inde était encore une colonie anglaise. Mais depuis cinq ans, une trentaine de chercheurs a été recrutée spécifiquement pour créer un centre de recherche sur le changement climatique. Ils travaillent dans un bâtiment flambant neuf et disposent surtout du deuxième plus gros ordinateur du pays, qui a coûté plusieurs millions d’euros. Ce supercalculateur qui prend la taille d’une pièce entière doit les aider à préparer le premier modèle climatique indien pour le prochain rapport international des experts du climat en 2018.
Une fierté pour Milan Mujundar l’un des climatologues de ce centre: "L’Inde n’avait pas encore participé aux modèles climatiques du GIEC alors que la Chine l’a fait. Les modèles existants ne sont pas assez précis sur la mousson alors que pour nous c’est une priorité. Donc pour être encore plus précis nous avons besoin de haute résolution, et pour ça il nous fait un ordinateur très puissant."
La mousson, donnée primordiale
En effet les modèles climatiques sont calculés par des ordinateurs en fonction des données que les scientifiques rentrent dans les lignes de code : la taille des gouttes de pluie, les températures de l’air et de l’eau. Ils ont donc parfois des prévisions différentes. Et si la mousson est aussi importante en Inde, c’est parce qu’elle conditionne les réserves d’eau du reste de l’année pour l’agriculture.
"Le maïs et la canne à sucre consomment beaucoup d’eau. Imaginez que dans nos prévisions nous voyons que nous allons vivre une sécheresse et bien nous essayons de convaincre les agriculteurs de changer leurs cultures, par exemple de passer de la canne à sucre à autre chose comme du sorgho" déclare le docteur Despende, chargée de transmettre les prévisions de mousson aux agriculteurs
L’agriculture c’est 75% du PIB de l’Inde donc les pouvoirs publics attendent beaucoup plus de précisions de la part des scientifiques. S’ils pouvaient leur dire à 20 kilomètres près où il va pleuvoir, ce serait encore mieux. Mais malgré cet enjeu économique majeur Pascal Terray, climatologue a l’IRD en poste actuel au centre de Pune, voit bien qu’il n’est pas question de réduire la pollution du pays pour autant.
Prise de conscience
Pour autant les scientifiques l'ont bien vu ces dernières années, l’avis des populations évolue comme l’explique Krishnan Raghavan, le directeur du centre : "Il y a 20 ans quand on disait qu’il y avait une vague de chaleur, les gens disaient oui, ok, on sait c’est déjà arrivé dans le passé. Même les scientifiques. Mais maintenant, les gens sont plus informés. Ils ne disent pas que tout s’explique avec le changement climatique mais ils ont conscience qu’il va falloir s’y adapter et prendre soin de l’environnement."
En 2015, l’Inde a vécu une des années les plus chaudes avec de très fortes sécheresses et des canicules qui ont fait de plus de 2000 morts au printemps dernier. Des personnes qui principalement n’avaient pas accès à l’eau comme près de 100 millions d’Indiens encore aujourd’hui.
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