Infographies Pétrole : huit graphiques pour tout comprendre sur cette énergie fossile encore centrale en France

Article rédigé par Brice Le Borgne
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7 min
Importations, part du pétrole dans chaque secteur, usages dans les transports... en France, en 2023, le pétrole est encore largement utilisé. (ASTRID AMADIEU / FRANCEINFO)
Importations, consommations, émissions... Franceinfo fait le point sur la place qu'occupe le pétrole dans le pays, continuant de plomber les engagements de réductions d'émissions de gaz à effet de serre.

Le monde n'en a jamais autant consommé. Avec la réouverture post-Covid de la Chine et la progression du trafic aérien, l'année 2023 est en train de battre un nouveau record de consommation de pétrole. En France, la tendance est plutôt à une légère baisse, mais l'or noir a longtemps été une source d'énergie historique pour le pays et reste encore largement utilisé : près de 28% de la consommation d'énergie primaire provient du pétrole, en deuxième position derrière le nucléaire.

D'où vient notre pétrole ? Sous quelles formes le consomme-t-on ? En brûle-t-on vraiment de moins en moins ? Alors que les débats sur l'énergie se concentrent souvent sur les questions liées à l'électricité, l'énergie renouvelable et le nucléaire, franceinfo fait le point sur les ordres de grandeur de cette énergie fossile toujours centrale en France et fortement émettrice de gaz à effet de serre.

Près d'un quart de notre pétrole provient de Russie et d'Arabie saoudite

L'approvisionnement de la France en pétrole brut et en produits raffinés dépend en quasi-totalité de pays étrangers. D'après les données provisoires du Comité professionnel du pétrole (CPDP) pour 2022, la France a importé 40,6 millions de tonnes de pétrole brut, auxquelles s'ajoutent 42,2 millions de tonnes de produits raffinés. Concernant le pétrole brut, nos principaux fournisseurs sont le Kazakhstan, le Nigeria et les Etats-Unis. Pour ces derniers, les quantités importées n'ont fait que croître depuis 2018. En ce qui concerne les produits finis (gazole, kérosène...), les premiers pays d'origine sont la Russie (y compris en 2022), les Pays-Bas et l'Arabie saoudite.

Pour avoir une idée plus globale de l'origine du pétrole consommé en France, nous avons agrégé les données d'importations de ces cinq dernières années, en combinant les chiffres concernant le pétrole brut et les produits raffinés. Ainsi, d'après ces calculs, le pétrole transformé ou consommé en France provient, à hauteur de près de 25%, de Russie et d'Arabie saoudite.

Mais qui a dit qu'en France, on n'avait pas de pétrole ? D'après le CPDP, en 2022 environ 600 000 tonnes de pétrole provenaient en réalité des sous-sols français. Un chiffre divisé par trois depuis la fin des années 1980, période à laquelle les bassins parisien et aquitain étaient à leur pic de production. Aujourd'hui, le pétrole "made in France" représente moins d'1% de la consommation nationale. Les puits actuellement en activité sont opérés en majorité par une filiale de l'entreprise canadienne Vermilion Rep. En 2017, le Parlement a adopté une loi interdisant les nouveaux projets d'exploration d'hydrocarbures.   

D'après les données du CPDP pour 2022, sur les 82,8 millions de tonnes de pétrole importées, 66,2 sont utilisées pour la consommation intérieure, 14,1 sont exportées sous forme de produits raffinés, et 1,2 million de tonnes sont consommées par le trafic maritime international.

Trois ports, sept raffineries et 200 dépôts de stockage en France

Le pétrole brut arrive en France par les trois ports en mesure de l'accueillir et de le stocker : Le Havre (Seine-Maritime), Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) et Marseille (Bouches-du-Rhône). C'est aussi là que l'on retrouve une partie des raffineries transformant le pétrole brut en produits raffinés. L'Hexagone en compte six, exploitées par TotalEnergies (Gonfreville, Donges, Feyzin), Esso (Fos, Gravenchon) et Petroineos (Lavera). Une septième se trouve en Martinique.

Les produits ainsi raffinés traversent ensuite la France au fil des kilomètres d'oléoducs, pour rejoindre les 200 dépôts secondaires permettant de stocker environ 10 millions de m3 de carburant. La France compte aussi 25 dépôts pour accueillir et stocker les importations de pétrole déjà raffiné. D'après l'Union française des industries pétrolières (Ufip) Energies et Mobilités (PDF), les stocks stratégiques permettent de couvrir trois mois de consommation. Certains départements sont mieux dotés que d'autres du point de vue des stocks, comme le montre la carte ci-dessous.

Du pétrole brûlé dans les transports, mais pas uniquement

Si notre consommation d'énergie dépend pour un tiers du pétrole, les secteurs d'activité sont très inégaux en termes de dépendance à cette énergie. En pole position : les transports, qui reposent à 90% sur du pétrole en raison de l'usage de carburant. Suivent l'agriculture et la pêche, avec une part du pétrole de 70%, comme le montre le graphique ci-dessous. Les secteurs tertiaire, industriel et résidentiel (logement, habitat) ont réduit leur dépendance à cette énergie fossile depuis les années 1990, avec, en 2022, entre 9 et 12% de leur consommation d'énergie provenant du pétrole. Ces trois secteurs consomment également beaucoup de gaz, autre énergie émettrice de gaz à effet de serre. 

Logiquement, ce sont donc les transports qui consomment également la part la plus importante des produits raffinés en France, à hauteur de 60%. C'est ce que montre le graphique suivant, avec en jaune et en vert la consommation annuelle de gazole et d'essence en France, et en bleu ciel les carburants aéronautiques, appelés carburéacteurs. Mais ces produits ne représentent pas la totalité de ceux obtenus à partir du pétrole brut. La pétrochimie consomme aussi environ 10% de l'ensemble des produits pétroliers. Cette industrie transforme, selon les statistiques du ministère de la Transition énergétique (PDF), les matières premières en produits chimiques ou en plastique, entre autres. Le fioul domestique, dont l'utilisation pour chauffer les logements est en passe de disparaître, voit sa part se réduire progressivement mais occupe aujourd'hui toujours plus de 6,3% de la consommation. 

Le graphique ci-dessus permet aussi de constater les grandes évolutions de produits issus du pétrole, dans leur globalité, au fil de l'empilement de l'ensemble des courbes. Alors que dans les années 1970, l'utilisation du fioul lourd faisait grimper la consommation totale au-delà des 100 milliards de tonnes, ce chiffre a diminué jusqu'en 1985. Porté par la généralisation de l'automobile, le recours aux produits issus du pétrole a alors de nouveau augmenté jusqu'en 2001. "La consommation totale baisse tendanciellement depuis, note le ministère de la Transition écologique. Cette tendance de long terme est principalement imputable à l'industrie, au résidentiel et au tertiaire".

Le gazole et l'essence bien ancrés dans nos usages

Dans le secteurs des transports, le recours au pétrole ne diminue presque pas. Et pour cause : d'après nos calculs à partir des données du ministère de la Transition écologique, en 2022, le parc automobile des véhicules particuliers était composé à 97,7% de voitures roulant au diesel ou à l'essence. Au global, la taille de ce parc automobile est en constante augmentation. Et l'on constate un renversement de tendance entre le gazole, longtemps favorisé par une politique fiscale avantageuse, et l'essence. Le premier représentait 64% du parc en 2015 mais se réduit progressivement au profit de l'essence, passée de 35 à 42% ces six dernières années. 

Dans le graphique ci-dessous, vous pouvez comparer les proportions de chaque source d'énergie au sein du parc automobile, mais aussi au sein des nouvelles immatriculations. Parmi ces dernières, la part de voitures électriques est en forte augmentation mais elle est très loin de renverser la tendance dans l'ensemble du parc. Au global, selon les données du ministère de la Transition écologique, la consommation de carburant routier en France est stable depuis le début des années 2000. 

Le défi de la réduction des émissions de gaz à effet de serre

Rapport après rapport, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) le répète : les activités humaines, notamment la combustion des énergies fossiles telles que le pétrole (qui est, avec le charbon et le gaz, responsable de 64% des émissions de CO2, selon le Giec), ont conduit à une augmentation inédite de la concentration de CO2 dans l'atmosphère et à un réchauffement de la température moyenne sur Terre.

Sans surprise, les secteurs émettant le plus de CO2 sont ceux qui consomment le plus d'énergies fossiles. D'après le Haut Conseil pour le climat (PDF), les transports sont ainsi responsables de 31% des gaz à effet de serre en France, dont la moitié provient de la voiture. Pour l'instant, la France tente de respecter ses engagements de réductions d'émissions de gaz à effet de serre : les émissions depuis 2019 calculées par le Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique (Citepa) étaient bien en-dessous de la limite fixée dans la deuxième Stratégie nationale Bas-Carbone (2019, en orange ci-dessous), mais bien au-dessus du seuil fixé en 2015 par la première (en rouge).

"Tout l'enjeu, c'est de convaincre les gens de consommer moins", explique Jean-Nicolas Fiatte, du CPDP. "A part le signal prix, et donc alourdir les taxes sur le pétrole, je ne vois pas comment on pourrait faire". Les particuliers ne sont pas les seuls à convaincre. "On a du mal à faire des politiques drastiques sur les carburants, car c'est un énorme réservoir d'argent pour l'Etat", explique de son côté Anna Creti, professeure d'économie à l'Université Paris Dauphine.

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