Oiseaux victimes du fioul du "Grande America" : "Il y a une énorme mortalité qu'on ne voit pas encore" s'alarme Allain Bougrain-Dubourg
Pour le président de la Ligue de protection pour les oiseaux (LPO), de nombreux oiseaux sont morts avant de toucher les côtes.
Les résultats d'analyses sur deux oiseaux mazoutés, retrouvés dans la semaine, à Hendaye (Pyrénées-Atlantiques) et à Messanges (Landes), prouvent bien que le polluant provient du navire Grande America, qui a fait naufrage dans l'océan Atlantique le 12 mars, ont indiqué les préfectures concernées samedi 23 mars. L'un des deux oiseaux est mort, l'autre vivant.
Pour Allain Bougrain-Dubourg, président de la Ligue de protection pour les oiseaux (LPO), il y aura d'autres oiseaux victimes de cette pollution. "Il y a une énorme mortalité qu'on ne voit pas encore, parce que les oiseaux vont sombrer avant de toucher les côtes", a-t-il déclaré sur franceinfo. Allain Bougrain-Dubourg s'est voulu toutefois optimiste : "On a tellement souffert des marées noires qu'on figure parmi les meilleurs au monde pour traiter et être en action préventive".
franceinfo : Est-ce que vous avez connaissance d'autres oiseaux touchés par cette pollution du Grande America ?
Allain Bougrain-Dubourg : Il y a eu pas mal d'oiseaux qui sont arrivés sur les côtes basques ou espagnoles. Des mouettes, des goélands, des fous de Bassan. Pas en grand nombre mais on peut se demander aujourd'hui, depuis le temps que ce naufrage a eu lieu, si les oiseaux, au fond, ne se sont pas cachés pour mourir. En clair, on sait très bien qu'il y a une énorme mortalité qu'on ne voit pas encore, parce que les oiseaux vont sombrer avant de toucher les côtes. On savait que la zone touchée par ce mazout lourd est une zone de concentration d'alcidés, notamment des pingouins ou des guillemots de Troïl, qui sont des oiseaux de haute mer. Beaucoup d'entre eux, par bonheur, on rejoint les côtes pour nidifier, donc ils ne sont pas dans les zones. Mais les jeunes qui ne sont pas encore en mesure de se reproduire sont toujours dans ces zones pleines de mazout. En tout cas, ce qui est sûr, c'est que le Cedre [Centre de documentation, de recherche et d'expérimentations sur les pollutions accidentelles des eaux] a déterminé vendredi que deux oiseaux, l'un mort, du fioul du Grande America avait été retrouvés.
Est-ce qu'on peut évaluer l'impact de ce naufrage sur la faune et la flore globalement ?
C'est très difficile parce qu'en général, les oiseaux arrivent avant les boulettes. On va voir où arrivera le pétrole. (...) Mais il semble actuellement que le pétrole descende vers les Landes, voire directement vers l'Espagne.
Quelles mesures peut-on prendre pour que ce genre de drame ne se reproduise pas ?
Je suis scandalisé, outré. Un oiseau qui meurt, c'est une mort de trop. Mais très honnêtement, il ne faut pas être démagogique. J'ai vécu tellement de marées noires, le Torrey Canyon, l'Amoco Cadiz et évidemment l'Erika. Je constate que, sur le domaine maritime, le transport est en accélération avec des bateaux toujours plus puissants, gigantesques, qui font en longueur deux fois la tour Eiffel, des choses surréalistes. Et pourtant, il y a de moins en moins de naufrages. Donc malgré tout, les mesures prises, les doubles coques, les contrôles dans les ports, ont permis de réduire ces drames. On a tellement souffert des marées noires qu'on figure parmi les meilleurs au monde pour traiter et être en action préventive. La LPO a deux unités mobiles de soins, ce sont des 19 tonnes qui peuvent aller sur site immédiatement et qui peuvent accueillir, chacun, près de 200 oiseaux. Et sur tout l'arc Atlantique, notamment à Biarritz, il y a des centres de soins prêts à accueillir ces oiseaux qu'on pourrait trouver. On a déjà une demande de près de 500 bénévoles prêts à aider. Il y a vraiment une solidarité admirable, c'est le côté émouvant de ce genre de drames.
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