"Une problématique largement méconnue" : à Amiens, une consultation médicale unique en France sur les effets des pesticides sur la santé des enfants
C'est une première en France. Une consultation médicale "pesticides et pathologies pédiatriques" a ouvert au CHU d'Amiens, dans la Somme, le 1er octobre dernier. Elle est destinée aux parents d'enfants atteints de leucémies, de tumeurs cérébrales ou de certaines malformations. Ses pathologies pédiatriques qui pourraient avoir un lien avec les pesticides. Bien que ce lien ne soit pas facile à établir, les parents peuvent être redirigés vers le fonds d'indemnisation des victimes de pesticides.
Emilie fait partie de ces parents potentiellement candidats au fonds d'indemnisation. Il y a sept ans, elle accouche d'un petit garçon, c'est l'un des plus beaux jours de sa vie, mais les sages-femmes constatent très vite une malformation, un "hypospadias distal", une malformation de la verge qui heureusement... ne présente pas de risque vital. Les parents demandent malgré tout des explications au médecin. "Ils m'ont demandé le métier de mon mari agriculteur, rapporte Emilie. Ils lui ont dit que ce n'était pas génétique, que ça pouvait être dû aux pesticides que mon mari utilisait." Cela remonte à 2016, les parents ne sont pas allés plus loin et le bébé a pu grandir comme les autres. "Il s'est fait opérer et aujourd'hui tout va bien", précise sa mère.
Lien scientifique difficile à établir
Mais depuis 2016, un fonds d'indemnisation des victimes de pesticides a été ouvert pour les adultes, ainsi que pour les enfants exposés aux pesticides de façon prénatale. "Mon mari n'accepte pas la chose parce que j'essaie de lui en reparler, je lui ai dit qu'on n'avait droit à une indemnité, raconte Emilie. Il dit que 'de toute façon, nous les agriculteurs, on est les méchants, ils font tout pour qu'on disparaisse'". Malgré l'opposition de son mari, Emilie prend rendez-vous au CHU d'Amiens avec Sylvain Chamot, médecin du travail.
Il est l'un de ceux qui ont créé une consultation pour soutenir les familles dans leurs démarches. "Devant la création de ce fonds et voyant qu'il était peu sollicité, on s'est dit il faut qu'on fasse connaître cette problématique au grand public parce que c'est largement méconnu", regrette Sylvain Chamot qui, depuis octobre dernier, reçoit donc des parents dans son bureau. "Ce sont des consultations qui sont longues dans lesquelles on va faire un bilan de toutes les expositions environnementales par le mode de vie professionnelle des parents, explique-t-il. Et derrière, en fonction de ce qu'on recueille comme information, on va plus ou moins recommander un dossier auprès du Fonds d'indemnisation des victimes de pesticides", précise le praticien.
Mais il reconnaît que le lien scientifique entre pathologies infantiles et produits phytosanitaires est difficile à établir. "Les études disent que oui, appliquer des pesticides est associé à un sur-risque, mais elles ne sont pas beaucoup plus précises que ça", selon le médecin.
"La responsabilité de l'utilisation des pesticides est sociétale."
Sylvain Chamot, médecin au CHU d'Amiensà franceinfo
Le médecin se heurte à la méfiance de certains agriculteurs, mais il assure que le but n'est pas de les culpabiliser : "Les agriculteurs ont un regard très critique sur la consultation. Ils pensent qu'on veut tuer leur profession alors que pas du tout." Pour le moment réservé aux habitants de la région d'Amiens, ce type de consultation pourrait voir le jour dans d'autres CHU.
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