Pollution plastique : on vous explique les négociations qui s'ouvrent lundi à Paris
La lutte contre la pollution plastique connaîtra-t-elle bientôt un tournant ? Un "événement de haut niveau" pour mettre fin à ce fléau a été organisé, samedi 27 mai, par la France à l'Unesco, avant la délicate session de négociations qui s'ouvre lundi. La ministre des Affaires étrangères, Catherine Colonna, et son homologue à la Transition écologique, Christophe Béchu, ont reçu une quarantaine de représentants d'Etats du monde entier pour tenter de donner une impulsion politique aux débats.
Ceux-ci commenceront véritablement lundi, avec l'ouverture des discussions à proprement parler entre des nations aux ambitions divergentes et soumises à la pression opposée des industriels et des ONG. L'objectif ? "Etablir un traité international visant à mettre un terme à la production et l'utilisation effrénées de plastiques", résume le site d'information Reporterre. Franceinfo se penche sur ces négociations qui dureront jusqu'au 2 juin.
Le cadre : des négociations entre 175 nations
Il y a un peu plus d'un an, à Nairobi (Kenya), un accord de principe a été trouvé pour mettre fin à la pollution plastique dans le monde, avec l'ambition d'élaborer d'ici fin 2024 un traité juridiquement contraignant, sous l'égide des Nations unies. Après une première session de négociations achevée le 2 décembre à Punta del Este (Uruguay), Paris accueille la deuxième session sur les cinq prévues au total. Les questions de gouvernance ont jusqu'à présent dominé les échanges, mais cinq jours de discussions doivent permettre de commencer à tracer de grandes orientations.
"L'enjeu, c'est de se mettre d'accord sur un calendrier – 2040, fin de la pollution plastique –, sur le fait que le traité doit être contraignant, doté de moyens et d'une instance d'expertise, et d'obtenir une sorte de Giec du plastique."
Christophe Béchu, ministre de la Transition écologiqueà franceinfo
"Il y a urgence à se mobiliser pour arrêter d'augmenter cette production [de plastique], pour être capables de réduire et de recycler", a insisté le ministre de la Transition écologique sur franceinfo. "Mais il faut d'abord réduire notre dépendance." La perspective d'aboutir à un traité contraignant reste cependant lointaine. "Nous sommes encore à un stade préliminaire de la négociation", souligne auprès de Reporterre un diplomate français. "Il ne faut pas s'attendre à ce que le traité soit signé dans les prochains jours."
L'objectif : agir face à un fléau mondial
L'enjeu de ces négociations est de taille. Le plastique, dérivé du pétrole, est partout : emballages, fibres de vêtements, matériel de construction, outils médicaux… Sa production annuelle, qui a plus que doublé en 20 ans pour atteindre 460 millions de tonnes (Mt), pourrait encore tripler d'ici à 2060 si rien n'est fait. "Si on ne fait rien, en 2060, il y aura plus de plastique que de poissons dans les océans", résume Christophe Béchu.
Une situation d'autant plus inquiétante que les deux tiers de ce plastique partent au rebut après une seule ou quelques utilisations, et que moins de 10% des détritus en plastique sont recyclés.
Des déchets de toutes tailles se retrouvent dans les océans, la banquise, l'estomac des oiseaux et même au sommet des montagnes. Des microplastiques ont été détectés dans le sang, le lait maternel ou le placenta.
Le plastique pose aussi problème pour son rôle dans le réchauffement climatique : il représentait 1,8 milliard de tonnes de gaz à effet de serre en 2019, soit 3,4% des émissions mondiales, chiffre qui pourrait plus que doubler d'ici à 2060, selon l'OCDE.
Le risque : des intérêts divergents
Les pays les plus ambitieux (54 pays conduits par le Rwanda et la Norvège, notamment les membres de l'Union européenne, le Canada, le Mexique, l'Australie et, depuis vendredi, le Japon) souhaitent désormais une "réduction de l'usage et de la production de plastique". "A notre grande surprise, l'ambition de la France est assez forte", livre auprès de Reporterre Juliette Franquet, directrice de Zero Waste France. "Christophe Béchu (...) ne semble pas tomber dans le mirage du recyclage." D'après le site spécialisé, le ministre défend "l'interdiction de mise sur le marché de certains produits, l'instauration de dispositifs pollueurs-payeurs, l'obligation de transparence et de traçabilité ou encore la prévention des rejets de microplastiques dans l'environnement."
Mais d'autres pays, du côté de l'Asie (l'Inde notamment) ou des Etats-Unis, pourraient se montrer plus timorés et insister sur la nécessité de recycler et de lutter contre les déchets abandonnés. "La Chine, les Etats-Unis, l'Arabie saoudite ont une position qui est à ce jour minimaliste", détaille auprès de franceinfo Julien Rochette, directeur du programme océan de l'Institut du développement durable et des relations internationales. Ces pays "souhaitent rester dans des obligations un peu plus larges, en laissant la possibilité aux Etats de décliner à leur guise les obligations, ce qui réduirait évidemment la portée juridique du texte, mais aussi sa portée matérielle, c'est-à-dire son ambition."
Sans compter la position des industriels sur le sujet. On évoque ici les producteurs de polychlorure de vinyle (PVC), de polyéthylène (PE) ou de polypropylène (PP), les plastiques les plus utilisés dans le monde. Selon Libération, "eux comptent sur une poursuite de la tendance actuelle : une production mondiale exponentielle (elle a doublé entre 2000 et 2019), encore amenée à tripler d'ici à 2060. Peu importe si cela noie la planète sous les déchets (353 millions de tonnes en 2019, soit le poids de 35 000 tours Eiffel, sachant que 81% des produits fabriqués subissent ce sort en moins d'un an)."
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