Pourquoi les webcams animalières nous épatent-elles autant ?
Les webcams de pandas, d'ours, d'orques ou de macareux moines se sont multipliées ces dernières années. Francetv info s'est penché sur cette tendance qui tend à modifier notre rapport à la nature.
Du matin au soir, ils s'installent les pattes dans l'eau, le regard fixe, patientant jusqu'à ce qu'un saumon s'aventure hors de l'eau. Comme chaque année, les ours bruns du parc national de Katmai, en Alaska (Etats-Unis), ont repris leurs habitudes de chasse et ont envahi les chutes de Brooks. Et pour la quatrième saison consécutive, vous pouvez les observer en direct depuis chez vous. Début juillet, la plateforme Explore.org, spécialisée dans les vidéos naturalistes, a remis en ligne un direct de ce spectacle incroyable, disponible 7 jours sur 7 et 24h/24, raconte The Verge (en anglais). Les internautes bloqués au travail ou à 10 000 km de là peuvent y assister, en remontant le temps si besoin (attention néanmoins au décalage horaire : lorsqu'il est 14 heures à Paris, il est 4 heures du matin en Alaska, et il fait donc nuit...).
Au royaume des lives animaliers, difficile de ne pas trouver son bonheur. Si elles n'ont rien de nouveau, les vidéos de ce genre se sont multipliées ces dernières années. A lui seul, le site Explore, fondé en 2005 par le producteur et philanthrope Charles Annenberg Weingarten, propose pas moins de 100 directs à travers le monde : le festin des ours de Katmai, mais aussi le ballet des orques de l'île Hanson (Canada), les réunions de macareux moines dans le Maine (Etats-Unis), la vie dans un nid d'aigles, la baignade des éléphants ou hippos au Kenya ou encore le sauvetage de chatons à Los Angeles.
Un trafic conséquent pour les établissements
Il faut dire que le succès est phénoménal. Dans le New York Times (en anglais), Jonathan Silvio, chef des nouveaux médias chez Explore, affirme que ses chaînes consacrées aux ours (bruns ou polaires) et aux chiens ont généré plus d'un million de commentaires, et ce à plusieurs reprises. Au Monterey Bay Aquarium, situé en Californie (Etats-Unis), "les webcams représentent un pourcentage important de l'ensemble du trafic" sur le site web de l'établissement, affirme à francetv info Curtis Roman, qui a lancé le dispositif en 2002, mais ne souhaite pas communiquer de chiffres. L'aquarium propose tout de même huit flux en direct, dont ceux des méduses, des loutres de mer, des pingouins ou des requins.
Le zoo de Londres a lui aussi fait l'expérience de la passion des internautes pour les animaux. Grâce à un partenariat avec Google, l'établissement a testé les captations en direct, en utilisant les bandes de fréquences télé inutilisées, entre octobre 2014 et février 2015. Face à l'accueil chaleureux, le zoo a pérennisé l'expérience "avec des moyens plus traditionnels", explique à francetv info Dan John, le responsable de la vidéo. Mais il réfléchit aussi à "se diversifier en utilisant les nouvelles technologies comme les vidéos à 360°" ou encore Facebook Live et Periscope.
"Cela apporte aux gens une autre façon d'entrer en contact avec les animaux, estime Dan John, qui y voit une mission d'abord pédagogique. Cela nous permet d'intéresser le public à notre action et de les éduquer à propos de nos animaux ou du travail de conservation que nous menons. Les lives publiés sur YouTube jouent un rôle important là-dedans."
"Des repaires de zen"
Au-delà de l'aspect pédagogique, les webcams animalières semblent aussi jouer un rôle dans le rapprochement entre les humains et la nature. Plusieurs citadins confient ainsi à BFMTV passer des journées entières à observer les activités de pandas ou de bébés faucons, qu'ils vivent en captivité ou dans leur habitat naturel. Pour le fondateur d'Explore, ces vidéos "sont des repaires de zen. Toute la journée, les gens sont assaillis par les médias qui les stressent. Mais la nature soigne. Regardez ça et vous serez émus et touchés."
Pour le Jane Goodall Institute, une organisation de protection de la biodiversité citée dans l'article, ces webcams constituent une "incroyable opportunité pour les scientifiques et les étudiants" en ce qu'elles les connectent "au règne animal vivant dans les régions les plus lointaines et encore inexplorées" du globe. Le site Explore ne lésine donc pas sur les moyens pour faire voyager ses visiteurs. Ainsi, dans le parc de Katmai, c'est un réseau complexe de caméras à distance, de panneaux solaires et d'éoliennes qui permettent de diffuser en permanence les images des ours gourmands. Cette année, un concours de la meilleure capture d'écran a lieu chaque jour.
Grâce à elles, "on entre dans la vie privée des animaux"
Selon Jérôme Michalon, sociologue spécialisé dans la relation humains-animaux, les webcams modifient surtout notre rapport au monde animal. "Les humains deviennent spectateurs. C'est une relation de contemplation, presque une perspective naturaliste, comme lors d'une balade dans la nature", explique-t-il à francetv info, tout en soulignant qu'aucune étude n'a encore été menée sur notre attrait pour ces vidéos.
Cela témoigne bien de la montée du 'zoocentrisme', à savoir le fait que l'on se soucie des animaux. Avec les webcams, les humains peuvent voir de mieux en mieux les animaux et ces derniers sont de moins en moins dérangés.
Elles vont aussi plus loin que les documentaires animaliers, qui se limitent à une illustration des comportements de l'espèce (comme la prédation ou la reproduction). "Là, on découvre leur espace de vie" depuis notre bureau ou notre chambre, puisque la caméra est reliée à leur habitat direct. Difficile de ne pas s'en "sentir proche" : "On entre dans la vie privée des animaux. Il y a quelque chose de l'ordre du voyeurisme qui se joue. Quand on nous permet d'avoir accès à quelque chose de caché, c'est toujours fascinant."
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