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Les effets inattendus des taxes judiciaires en Espagne

L'Espagne est particulièrement touchée par la crise. Les banques saisissent à tour de bras. Les particuliers ne savent plus à quel saint se vouer, surtout que la Justice est hors de prix, et donc hors de portée.
Article rédigé par Frédérique Harrus
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
 Un couple et leur fille occupent une maison d'un programme immobilier abandonné.
 (AFP PHOTO/ CRISTINA QUICLER)

La crise passe sur toute l'Europe et frappe plus durement certains pays que d'autres. L'Espagne, comme la Grèce ou le Portugal, doit faire face à une situation particulièrement compliquée. Et pour renflouer ses caisses, le gouvernement a créé de nouvelles taxes.

En novembre 2012, Madrid a instauré une taxe dont devait s'acquitter tout citoyen, ou entreprise, pour pouvoir ester en justice. Cette taxe s'est révélée si élevée que les protestations ont été unanimes. En février 2013, le gouvernement a revu sa copie, mais n'a, en réalité, agi qu'à la marge. Saisir la justice reste très (trop) onéreux.

Moins de divorces et moins de mariages
Première conséquence, les couples ne divorcent plus. En cette période de tension entre chômage et difficultés quotidiennes, les esprits s'échauffent et les conflits éclatent plus facilement. Mais les frais de justice pouvant monter jusqu'à 1.200 euros dissuadent de toute action. Entre les frais judiciaires et la nécessité de se loger chacun de son côté, les couples reculent devant la dépense et cohabitent malgré tout. Le nombre de divorces à chuté de 20%. Pour être honnête, les mariages aussi. On se marie moins et on divorce moins. Tout ce qui peut entraîner des frais est évité.

Deuxième conséquence, les organismes comme l'électricité, les compagnies téléphoniques et autres fournisseurs de prestations diverses se retrouvent avec des factures en souffrance, dont ils ne demandent pas réparation en justice. Saisir cette dernière revient plus cher que le dû !

Madrid (Espagne), en juillet 2012: «recouvreur en frac» sonnant à la porte d'un mauvais payeur.
 (REUTERS/Andrea Comas)

Troisième conséquence, d'étranges personnages apparaissent dans les rues. En queue de pie et haut de forme, tenant une mallette sur laquelle leur raison d'être est affichée, ils suivent une personne dans la rue. Ces hommes, impossibles à rater, s'appellent des cobrador del frac (des recouvreurs en frac) et sont là pour désigner un mauvais payeur à l'opprobre générale.

Le système fonctionne depuis très longtemps. Mais désuet, il était en perte de vitesse. Maintenant que saisir la justice est devenu beaucoup trop cher, surtout pour récupérer des sommes modestes, les particuliers peuvent payer ces hommes, de 30 à 300 euros. Ils se chargent d'amener le mauvais payeur à régler sa dette. Il est évident que ce système est plus performant dans les petites villes où tout le monde se connaît, et où le qu'en-dira-t-on peut être ravageur.

Le législateur à mis en place cette taxe pour dissuader les gens d'abuser des cours de justice. Mais en la fixant beaucoup trop haut, il a éloigné le citoyen espagnol de ses droits élémentaires.

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