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Elections législatives en Espagne : pourquoi le pays est plongé dans une crise politique plus vive que jamais

Le Premier ministre socialiste, Pedro Sanchez, n'est pas parvenu à établir une majorité depuis le printemps et a été contraint de convoquer de nouvelles élections. Mais les résultats de ce nouveau scrutin, qui se déroule dimanche, ne devrait pas régler la crise institutionnelle.

Article rédigé par franceinfo
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Le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez, le 10 novembre 2019, à Pozuelo de Alarcon, en périphérie de Madrid.  (OSCAR DEL POZO / AFP)

Les Espagnols retournent aux urnes pour la quatrième fois en quatre ans. Six mois après les législatives d'avril, 37 millions d'électeurs sont appelés depuis dimanche 10 novembre au matin à élire un nouveau Parlement. Incapable de constituer une majorité, et donc de gouverner, le Premier ministre socialiste, Pedro Sanchez, espère briguer un nouveau mandat et mettre fin à une interminable instabilité politique. Les résultats du scrutin sont attendus en fin de soirée.

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Mais tous les sondages indiquent que le chef du gouvernement n'obtiendra pas de majorité. S'il devrait tout de même sortir vainqueur de ce scrutin, il devra, une nouvelle fois, se contenter d'un gouvernement qui ne pourra pas s'appuyer sur des députés acquis à sa cause et négocier des appuis au cas par cas pour adopter un budget ou faire voter des lois. Pourquoi l'Espagne est-elle plongée dans une instabilité politique qui dure depuis 2015 et qui semble aujourd'hui inextricable ? Explications. 

Parce que le bipartisme a volé en éclats 

Historiquement, la vie politique espagnole a longtemps été dominée par deux forces : le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), force de centre-gauche social-démocrate, et le Parti populaire (PP), qui représente la droite conservatrice. Mais ce système bipartite a volé en éclats lors des élections législatives de décembre 2015.

Deux nouveaux partis sont entrés au Parlement pour la première fois : la force de gauche radicale Podemos et Ciudadanos, formation libérale de centre-droit. "Ces partis se sont créés dans le but de mettre fin au bipartisme, qui lassait de nombreux Espagnols. Ils ont réussi, mais ont plongé le pays dans l'instabilité institutionnelle", explique Cyril Trépier, géographe spécialiste de l'Espagne.

A 39 ans, Albert Rivera, leader de Ciudadanos, a longtemps misé sur le dépassement du clivage gauche-droite, avant de droitiser son discours pour s'opposer au PSOE. Finalement, selon les sondages, ni le bloc de gauche (PSOE, Podemos, Mas Pais), ni celui de droite (Ciudadanos, PP, Vox) ne semblent en mesure d'atteindre la majorité absolue dimanche soir.

Parce que la question indépendantiste catalane empoisonne la vie politique

En tant que deuxième région la plus peuplée d'Espagne, avec 7,5 millions d'habitants, la Catalogne permet historiquement de faire et de défaire des gouvernements. Conscients de cet enjeu, le PSOE et le PP se sont appuyés sur les partis nationalistes catalans pour gouverner. 

"Ils ont longtemps servi de partis politiques charnières pour obtenir des majorités. Et, en échange, ces forces ont obtenu des transferts de compétences de Madrid vers les régions", explique Cyril Trépier à franceinfo. "Pedro Sanchez s'est appuyé sur eux pour destituer le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy en 2018, mais les indépendantistes catalans ont bloqué son budget et c'est pour cela que le pays se retrouve dans cette situation", poursuit Barbara Loyer, géopolitologue spécialiste de l'Espagne et enseignante-chercheure à l'université Paris 8.

Maintenant que les nationalistes catalans sont devenus clairement séparatistes, ces compromis sont de plus en plus délicats. Comment gouverner alors qu'une partie des indépendantistes catalans veulent faire imploser la monarchie ?

Barbara Loyer, géopolitologue spécialiste de l'Espagne

à franceinfo

C'est notamment le cas de la Candidature d'unité populaire (CUP), le plus petit et le plus radical des partis indépendantistes catalans qui se présente pour la première fois à un scrutin national. "Notre slogan, c'est 'Ingouvernables', résume Non Casadevall, candidat de la CUP pour la province de Gérone. Nous allons à Madrid avec l'intention de provoquer un court-circuit dans ce système qui ne fonctionne pas. Nous voulons le dynamiter de l'intérieur." Le but, c'est "d'affaiblir les piliers de l'Etat", a proclamé la présidente de l'influente association indépendantiste ANC, Elisenda Paluzie.

Dans ce contexte, le PP et les libéraux de Ciudadanos n'ont cessé d'attaquer Pedro Sanchez sur le dossier catalan en le pressant de suspendre l'autonomie de la région et de destituer son président séparatiste, Quim Torra. Craignant que cette crise en Catalogne ne favorise trop la droite, le leader socialiste a durci son discours, éloignant tout espoir de négociation d'une sortie de crise.

Parce que la gauche n'arrive pas à s'unir 

Le PSOE de Pedro Sanchez n'a pas pu non plus s'appuyer sur le parti d'extrême gauche Podemos pour constituer une majorité. "Là encore, les deux partis sont très divisés sur la question des nationalistes catalans, Podemos étant favorable à un rapprochement avec certains nationalistes", explique Cyril Trépier. En avril, Pedro Sanchez et Pablo Iglesias, le leader de Podemos, n'étaient pas parvenus à s'entendre pour constituer un gouvernement et une nouvelle tentative d'alliance semble désormais difficile.

"Podemos est miné par des problèmes d'ego. Pablo Iglesias est connu pour être une personne très dirigiste", remarque Barbar Loyer. Ces divisions internes ont entraîné la scission du parti avec la création de Mas Pais ("Plus de pays"), dirigé par l'ex-numéro deux de Podemos, Inigo Errejon. De quoi fragmenter encore plus le camp progressiste.

Parce que l'extrême droite est en embuscade

Les images d'émeutes dans les rues de Barcelone, après la condamnation de neuf dirigeants séparatistes à de la prison ferme, ont suscité beaucoup d'émotion en Espagne. Le parti d'extrême droite Vox a fait de cette colère contre les séparatistes catalans son fonds de commerce. Quasiment inconnue l'an dernier, la formation a remporté 24 sièges de députés lors des élections d'avril. Une entrée fracassante au Parlement espagnol dans un pays où l'extrême droite restait profondément marginale depuis la chute de la dictature franquiste en 1975. Les sondages créditent désormais ce parti d'environ 50 sièges sur 350, ce qui en ferait la troisième force politique du pays.

Ultranationaliste, son leader Santiago Abascal prône l'interdiction des partis séparatistes et tient un discours très dur sur l'immigration. Vox est "l'alternative patriotique" face aux autres partis "représentant le consensus gauchiste", a-t-il lancé récemment lors d'un débat télévisé. "Pour certains électeurs, Vox est le seul parti à pouvoir mettre un coup d'arrêt à la crise indépendantiste, analyse Barbara Loyer. Il faut avoir conscience que l'Espagne vient de sortir du conflit avec les indépendantistes basque de l'ETA et que ça a traumatisé beaucoup de monde."

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