Trois questions sur l'enquête visant l'épouse du Premier ministre espagnol, Pedro Sánchez

Depuis l'annonce, mercredi, de l'ouverture d'une enquête préliminaire pour "trafic d'influence" et "corruption" contre son épouse, Begoña Gómez, le Premier ministre avait suspendu ses activités publiques. Lundi, il a mis fin au suspense concernant une éventuelle démission, en déclarant rester à la tête du gouvernement.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Le Premier ministre espagnol, Pedro Sánchez, au Congrès des députés, le 10 avril 2024 à Madrid (Espagne). (THOMAS COEX / AFP)

Le Premier ministre espagnol, Pedro Sánchez, a mis fin, lundi 29 avril, à cinq jours d'incertitude. "J'ai décidé de continuer", a lancé, sur un ton grave, le dirigeant socialiste de 52 ans, dans une allocution solennelle de neuf minutes prononcée sur le perron du palais de la Moncloa, à Madrid. 

Cette annonce intervient après une "campagne de discrédit" organisée, selon le Premier ministre, par l'opposition de droite à la suite de l'ouverture d'une enquête préliminaire contre son épouse Begoña Gómez pour "trafic d'influence" et "corruption". Franceinfo vous résume cette affaire.

1 Pourquoi Begoña Gómez est-elle visée par cette enquête ?

Le 16 avril, une enquête préliminaire pour trafic d'influence et corruption est ouverte par le tribunal supérieur de justice de Madrid visant Begoña Gómez, l'épouse de Pedro Sánchez, à la suite d'une plainte de l'association Manos limpias ("Mains propres"). "Officiellement, il s'agit d'un syndicat de fonctionnaires, mais en réalité, c'est une structure proche de l'extrême droite et des milieux franquistes", résume Antoine de Laporte, expert de la vie politique espagnole, associé à la fondation Jean-Jaurès.

Selon le média en ligne El Confidencial, cette enquête porte sur les liens noués par Begoña Gómez avec le groupe de tourisme Globalia, propriétaire de la compagnie aérienne Air Europa, au moment où l'entreprise était en pourparlers avec le gouvernement pour obtenir des aides publiques durant la pandémie de Covid-19. Cette compagnie a touché, en novembre 2020, 475 millions d'euros, rapporte le quotidien El País, issus d'un fonds de 10 milliards destiné à soutenir les entreprises stratégiques en difficulté à cause de la pandémie. Mais des dizaines d'autres ont bénéficié d'une aide, dont plusieurs de ses concurrents.

Le parquet a demandé jeudi le classement de cette enquête, alors que le juge en charge du dossier n'a pas encore dévoilé ses intentions. De son côté, l'association Manos limpias a reconnu que sa plainte était uniquement basée sur des articles de presse, sans savoir si ces informations étaient fondées.

2 Comment cette affaire a-t-elle affecté Pedro Sánchez ?

Depuis l'annonce de l'ouverture de l'enquête, Pedro Sánchez s'est muré dans le silence et a suspendu tous ses déplacements et activités publiques. Dans une lettre ouverte publiée sur le réseau social X, le dirigeant socialiste expliquait le 24 avril qu'il envisageait de démissionner pour protéger sa famille. "Il a traité les affaires courantes avec son directeur de cabinet, mais il a vécu reclus avec comme seule consigne : pas de son et pas d'images", résume Antoine de Laporte.

Dans ce courrier, Pedro Sánchez dénonce une plainte sur des faits "inexistants" et une campagne de "harcèlement" contre son épouse, menée par des médias "ultraconservateurs" et soutenue, selon lui, par le Parti populaire (droite) et Vox (extrême droite). Le Premier ministre fustige également une instrumentalisation politique de cette affaire et une campagne de déstabilisation : "Je suis conscient du fait qu'ils portent plainte contre Begoña non pas parce qu'elle a fait quelque chose d'illégal (…) mais parce qu'elle est mon épouse."

A la tête d'une coalition hétéroclite et fragile allant des socialistes aux indépendantistes basques et catalans, Pedro Sánchez est la cible récurrente des critiques de la droite et de l'extrême droite. Mais d'après Antoine de Laporte, cette affaire marque une nouvelle étape dans la polarisation de la classe politique.

3Pourquoi a-t-il renoncé à démissionner ?

Jusqu'à l'allocution de Pedro Sánchez, lundi, l'Espagne était tenue en haleine par sa décision. "Le jour de la publication de la lettre, il était dans une optique claire : démissionner, analyse Antoine de Laporte. Son entourage proche l'a convaincu de prendre le temps de la réflexion, de se poser et de réfléchir calmement avec sa famille."

Moins de deux jours avant l'annonce de sa décision, Pedro Sánchez a reçu un soutien des militants et des cadres du Parti socialiste. Une manifestation s'est tenue devant le siège du parti, rassemblant des milliers de sympathisants du Premier ministre.

Au cours de cette journée de mobilisation, les dirigeants du parti se sont succédé à l'estrade pour renouveler leur soutien à leur leader. "Pour répondre à toutes les calomnies et à cette campagne, vous pouvez compter sur la direction [du Parti socialiste] et, bien sûr, Pedro, sur mon soutien", a assuré le chef du gouvernement de la communauté autonome de Castille-La Manche, Emiliano García-Page. "De nombreux observateurs expliquent que la vie politique de Pedro Sánchez est marquée par des coups d'éclat, mais c'est vraiment la mobilisation de son électorat et de son parti qui lui permet de revenir", analyse l'expert de la Fondation Jean-Jaurès.

Dans son discours, le Premier ministre a nié tout "calcul politique" et expliqué que sa pause de quelques jours était destinée à pousser le pays à entreprendre "une réflexion collective" sur la polarisation de la vie politique, afin d'empêcher "l'intox de diriger le débat" public.

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