300 milliards pour relancer l'économie en Europe
Les grands organismes économiques sont tous d’accord. L’absence de croissance en Europe fait peser un risque sur l’économie mondiale. Dernière en date, l’OCDE, jusque là peu connue pour ses emballements keynésiens, vient d’affirmer que la zone euro fait peser un «risque majeur» sur l’économie mondiale… tout en qualifiant de «justifiés» les choix budgétaires de la France et de l’Italie, deux pays dans le rouge budgétaire.
Une Europe en panne de croissance
Après de nombreuses années de débat – on se souvient que pendant la campagne présidentielle, François Hollande avait milité pour une initiative de croissance en Europe – l’Union Européenne semble décidée à se lancer dans une politique budgétaire offensive.
Dans une UE en pleine morosité économique (les derniers indices montrent que la croissance plafonne partout, même en Allemagne) et toujours paralysée dans ses débats sur l’austérité, la nouvelle commission présente un plan d’investissement d’environ 300 milliards d’euros sur cinq ans, visant particulièrement les secteurs de l’énergie, des transports et du numérique.
Retard dans les investissements
«Entre 2007 et 2013, malgré une première phase où l’investissement a relativement bien résisté, la zone euro a accumulé un retard important vis-à-vis des Etats-Unis. L’Espagne et l’Italie notamment connaissent un reflux très marqué de l’investissement dans toutes ses composantes», estime une note signée Fabien Dell, Pierre Douillard, Lionel Janin et Nicolas Lorach.
Ce retard dans les investissements est porteur de handicaps à venir au niveau de la compétitivité des entreprises. «A moyen-terme, le sous-investissement public est néfaste à l'attractivité du site zone euro et donc à sa capacité à attirer les investissements», note France Stratégie.
C'est sur ces bases que l'UE devra déterminer la nature des investissements à faire, vers quels pays et quels secteurs.
Un financement garanti
La Banque européenne d'investissements (BEI) sera à la manœuvre du plan avec pour véhicule un fonds européen d'investissement dont une partie sera tirée du budget européen, principalement des crédits alloués au mécanisme pour l'interconnexion en Europe sur la période 2014-2020. La dotation n'a pas encore été arrêtée et le chiffre de 21 milliards publié dans la presse a été lancé comme «ballon d'essai pour voir les réactions», a commenté une source diplomatique européenne.
«La nouveauté est le fait que la BEI va pouvoir réaliser des investissements à risques, car elle aura la garantie du budget européen», a expliqué ce responsable.
Effet de levier à confirmer
L'effet de levier doit permettre de mobiliser 300 milliards sur les cinq prochaines années. Une somme que certains jugent optimiste. «La Commission estime très sérieusement que les projets mis en œuvre auront un effet de levier de 15. Un euro versé par la Commission et la BEI devrait donc finir par créer 15 euros pour l'économie européenne grâce à l'apport des investissements privés qui vont s'agréger aux projets initiés par Bruxelles. En tout, donc, on devrait avoir 315 milliards d'euros d'investissements supplémentaires dans l'UE», ironisait La Tribune.
«Il y a énormément de liquidités dans le système, mais elles ne sont pas investies en raison de l'incertitude du secteur privé face à l'Europe», estiment, optimistes, plusieurs sources européennes.
Si la Commission avait injecté 315 milliards d'euros directement dans cette économie sur trois ans, cela aurait représenté 0,55 % de ce PIB de l'UE par an en moyenne, ce qui est déjà en deçà de la moyenne des plans de relance. «Mais du moins y aurait-il eu une vraie tentative, capable de créer ce fameux « choc de confiance » en ouvrant de vraies perspectives aux entreprises. Mais ces 21 milliards d'euros d'argent concrets, répartis sur trois années, pourront-ils avoir le même effet ? Rien n'est moins sûr», ajoutait La Tribune.
On a vu avec les difficultés des «abenomics» au Japon que le calibrage de la relance n'était pas simple à gérer, entre la politique monétaire et budgétaire. Mario Draghi, le patron de la Banque centrale européenne, avait affirmé en août 2014 que la politique monétaire ne pouvait pas tout et qu'il fallait aussi une relance budgétaire. Aujourd'hui, le budget de l'Europe devrait contribuer à la relance. Mais, prévient l'économiste en chef de l'OCDE Catherine Mann, «un appui monétaire plus important est essentiel sans quoi une période prolongée de faible inflation voire même de déflation est au bout du chemin».
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