1936. Il y a 80 ans, les JO de Berlin : Sport, Reich et Führer
Quand, en 1931, le CIO (Comité Olympique International) attribue les Jeux Olympiques de 1936 à Berlin, il pense faire revenir l’Allemagne dans le concert des nations après la guerre de 14-18 et ne peut imaginer l’arrivée d’Hitler au pouvoir. Mais quand le chef du parti nazi deveint le chancelier du Reich et commence la mise en œuvre de sa politique raciale (sans parler de la répression ou de la suspension des libertés), ils sont très peu à vouloir remettre en cause ces jeux.
L'olympisme commence alors à devenir un phénomène populaire. Les médias suivent de plus en plus les épreuves.
«L'Allemagne organisa habilement la promotion des Jeux olympiques avec des affiches colorées et des pages entières dans les magazines. L'imagerie sportive établissait un lien entre l'Allemagne nazie et la Grèce antique. La civilisation allemande supérieure se présentait comme l'héritière légitime de la culture "aryenne" de l'Antiquité classique. Cette vision de l'antiquité classique insistait sur l'idéal du type racial "aryen": héroïque, blond aux yeux bleus et aux traits fins», note le site du Mémorial de l'Holocauste.
Echec des tentatives de boycott
En Europe, l’opposition aux jeux de Berlin a très peu concerné le mouvement sportif à l’exception des deux Internationales sportives ouvrières, socialiste et communiste, associées à la Ligue internationale contre l’antisémitisme et au Comité mondial de la jeunesse. Le mouvement de boycott connaît son apogée à Paris avec l’organisation de la «Conférence internationale pour le respect de l’Idée olympique» par les organisations communistes (6 et 7 juin 1936). Il échoue le 19 juin lorsque Léon Blum et Léo Lagrange autorisent et soutiennent financièrement la venue des athlètes français à Berlin.
Des jeux grandioses pour Hitler
Avant, il y a eu la propagande. Le 1er août, place à la mise en scène, grandiose et parfaite. Pour la façade, architecture, statuaire, graphisme, décorum mettent en avant le culte du corps cher à l’lympisme et au nazisme. «Le jeune Allemand doit être mince et élancé, agile comme un lévrier, résistant comme le cuir et dur comme l’acier de Krupp», affirmait Adolf Hitler en 1924 dans Mein Kampf.
Derrière, l’ordre nazi sait se faire relativement discret un peu avant les jeux et pendant l’olympiade pour ne pas choquer les bonnes consciences. «Pendant les jeux mêmes, le régime modéra sa rhétorique et ses actions antisémites. Il fit même enlever certaines pancartes placées dans des lieux publics où il était inscrit "Juifs indésirables"», rapporte le site américain sur la mémoire de la Shoah.
Tout est donc prêt pour qu'Hitler inaugure les Jeux et salue les délégations. Nombreuses sont celles qui saluèrent le Führer le bras tendu. Parmi celles-ci, la délégation française qui passe le bras levé devant Hitler. Salut nazi, salut olympique? «La question est toujours ouverte», explique André Gounot. En tout cas, ce salut «olympique» fut une première et une dernière...
Les jeux furent un succès pour Hitler et l'Allemagne. Sur son site officiel, le CIO tente de relativiser ce succès en écrivant: «Le monde se souvient des Jeux de Berlin comme d'un échec cinglant de la volonté d'Adolf Hitler de démontrer la supériorité de la race aryenne. Le héros de ces Jeux est un Afro-américain : l'athlète Jesse Owens, vainqueur de quatre médailles d'or.» Les historiens se montrent beaucoup plus prudents. «D'après des recherches allemandes, ces JO ont été plutôt un succès de la propagande nazie à l'étranger», relativise André Gounot. Deux ans plus tard, le succès de la propagande ne se dément pas avec le triomphe des Dieux du Stade, le film de Leni Riefenstahl.
Dès 1937, l'antisémitisme d'Etat revint en force. En novembre 1938, la nuit de Cristal montra le vrai visage du régime. Loin de l'image des dieux du stade.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.