Elections régionales en Allemagne : pourquoi le parti d'extrême droite AfD peut réaliser des scores historiques dans l'est du pays

Le parti d'extrême droite est crédité de 30% des intentions de vote aux élections de dimanche pour le Parlement régional de Thuringe. Sa victoire serait une première dans l'histoire du pays.
Article rédigé par Fabien Jannic-Cherbonnel
France Télévisions
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Des militants de l'AfD brandissent une pancarte contre le ministre-président de Saxe (Allemagne), lors d'un meeting, le 30 août 2024 à Marienplatz. (SEBASTIAN KAHNERT / DPA / AFP)

Olaf Scholz a connu meilleur été. Le chancelier allemand risque de connaître une déconvenue lors des élections régionales dans l'est du pays, dimanche 1er septembre, si les sondages ne se trompent pas. Le parti d'extrême droite Alternative pour l'Allemagne (AfD) est même donné gagnant par les sondages dans la région de Thuringe, avec 30% des intentions de vote, selon la chaîne allemande N-TV, soit près de 10 points de plus que les conservateurs de la CDU, principal parti d'opposition. En Saxe, les deux partis sont au coude-à-coude.

Après une poussée relative lors des élections européennes du 9 juin, l'AfD apparaît en position de force, portée par une actualité propice à ses thèmes de prédilection. Le parti est bien ancré dans ces régions d'ex-RDA communiste, où il réalise ses meilleurs scores depuis sa création en 2013. "Plusieurs facteurs expliquent cette tendance : depuis la chute du mur de Berlin, l'est cumule des problèmes économiques, moins d'investissement, moins d'industrie, plus de chômage et une forte défiance contre les politiques", détaille Sophie Pornschlegel, directrice de recherche au sein du think tank Europe Jacques Delors à Bruxelles (Belgique), à franceinfo. 

Une focalisation sur l'immigration

L'AfD surfe ainsi sur les mécontentements d'une partie de l'opinion, nourris par l'inflation consécutive à la guerre en Ukraine, et la transition écologique. L'immigration est aussi une cible régulière du parti, dont les plans de "remigration" avaient fait scandale en février. "Ils ont trouvé le bouc émissaire parfait, dans des endroits où il y a peu d'immigrés, mais où le sentiment anti-immigration est très fort", note Sophie Pornschlegel.

Les leaders d'extrême droite ont aussi capitalisé sur l'attaque meurtrière au couteau de Solingen, dont le suspect est un réfugié syrien. L'attentat, qui avait fait trois morts le 23 août dernier, "va inévitablement avoir une influence sur les élections", a ainsi souligné le quotidien conservateur Frankfurter Allgemeine Zeitung. "Le parti instrumentalise très fréquemment les faits divers", confirme Sophie Pornschlegel.

Même s'il gagne en Thuringe, ce qui serait une première pour un scrutin régional, l'AfD ne devrait pas prendre les commandes des Parlements régionaux, car les autres partis excluent toute collaboration avec lui. La petite région abrite l'aile la plus radicale du parti d'extrême droite, avec son leader local Björn Höcke.

Un nouveau parti de gauche radical pourrait réaliser une percée

Traditionnellement faible dans ces régions, le Parti social-démocrate (SPD) d'Olaf Scholz devrait encore reculer, autour de 6%. Ses deux alliés dans la coalition qui gouverne l'Allemagne, les Verts et le Parti libéral-démocrate (FDP), y sont quasi insignifiants. La coalition au pouvoir doit, en plus, faire face à une nouvelle force à sa gauche.

Un parti fraîchement créé par la populaire figure de l'extrême gauche Sahra Wagenknecht, qui a fait sécession de la gauche radicale Die Linke, séduit une partie de l'électorat de l'Est. Sa formation BSW, anti-immigration et conservatrice en mœurs, martèle notamment son rejet de livraison d'armes à l'Ukraine et "a fait campagne sur le thème de la paix avec la Russie", précise Sophie Pornschlegel. Elle est créditée entre 15 et 20% des suffrages, après avoir déjà obtenu 6% pour sa première participation aux Européennes. 

La formation d'un nouveau gouvernement dans ces deux régions semble donc s'avérer très compliquée, notamment car "il est possible que le BSW devienne un [acteur] important", souligne ainsi auprès de l'AFP Marianne Kneuer, professeur en sciences politiques à l'Université technique de Dresde. Un casse-tête pour les conservateurs de la CDU, qui se retrouveraient à devoir négocier avec un parti de gauche radicale eurosceptique, un attelage "presque impossible à mettre en place", s'exclame Sophie Pornschlegel.

Olaf Scholz en mauvaise posture à un an des élections fédérales

Par ailleurs, ces élections s'annoncent comme une nouvelle alerte pour l'impopulaire coalition au pouvoir, un an avant les prochaines élections fédérales, prévues en septembre 2025. La CDU est donnée gagnante à 31% selon l'agrégateur de sondage de Politico, tandis que l'AfD pointe à 18% et les sociaux-démocrates plafonnent à 15%. "Ce n'est clairement pas positif pour les partis au pouvoir, mais il faut aussi voir que la politique régionale est très différente de la politique nationale. Il reste un an avant les élections", temporise Sophie Pornschlegel. 

Mais si les "jeux sont loin d'être faits", la "progression de l'AfD" a un fort impact "sur la droitisation du débat politique, en imposant ses thèmes" de campagne, signale la spécialiste. En retour, "cela force les partis, comme les sociaux-démocrates et les Verts, à adopter des positions plus dures sur l'immigration, ce qui valide et favorise l'AfD", ajoute-t-elle.

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