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Ce que prévoit l'accord sur la Grèce conclu à Bruxelles

Après une nuit de négociation, les chefs d’Etat et de gouvernement de la zone euro ont trouvé lundi matin un accord qui permet de maintenir la Grèce dans la zone euro. Un troisième plan d’aide pourra être négocié en échange de réformes drastiques et rapides. Voici, dans le détail, les conditions posées par les pays de la zone euro et acceptées par le Premier ministre grec Alexis Tsipras.
Article rédigé par Marie Viennot
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
  (A l'issue des négociations, Alexis Tsipras a parlé d'une "bataille âpre" © REUTERS |Eric Vidal)

Un accord a finalement été trouvé lundi matin après une soirée et une nuit de négociations entre les pays de la zone euro. Il fixe les conditions que la Grèce devra respecter pour avoir accès un troisième plan d’aide, qui lui, reste à négocier. Le parlement grec va devoir légiférer vite et dans un sens contraire aux orientations de Syriza.

Voici dans le détail, les exigences des pays de la zone euro avec entre guillemets  les formules utilisées dans l’accord. 

Mesures nécessaires mais pas suffisantes

Le gouvernement grec doit faire passer diverses mesures auprès de son parlement pour "rétablir la confiance" avec ses créanciers. Si ces mesures ne sont pas votées d’ici mercredi, il n’y aura pas de discussions sur un 3ème plan d’aide.  "Rationnaliser le système de TVA" et "élargir sa base" "Améliorer la soutenabilité du système de retraite" et "assurer l’indépendance de ses revenus""Assurer l’indépendance de l’institut statistique ELSAT""Mettre en place une autorité fiscale indépendante et un mécanisme de réduction automatique des dépenses en cas de ratage des objectifs budgétaires"»"Adopter un code de procédure civile"Transposer en droit grec une directive sur le renflouement des banques d’ici le 22 juillet. Analyse : La plupart de ces demandes n’ont rien de nouveau. Elles faisaient partie des conditions énoncées pour le premier plan d’aide en 2010, mais les choses ont peu avancé depuis. La meilleure efficacité de la collecte des impôts est un sujet de préoccupation réccurent pour les créanciers de la Grèce. Pour aller plus loin sur cette thématique >  "La Grèce, malade de ses impôts". 

Réformes d’ampleur

Outre ces mesures préalables, Athènes doit dans la durée s’engager sur des "réformes ambitieuses" telles que : "Un ambitieux programme de réforme des retraites""Des réformes plus importantes du marché intérieur", notamment dans le domaine des soldes, des pharmacies, des boulangeries, de l’ouverture des commerces le dimancheLa privatisation du réseau de transport électrique (ADMIE)Une "modernisation" et un "examen rigoureux" du marché du travail afin "d’aligner les politiques de l’emploi grec sur les standards internationaux et européens"la modernisation de l’administration grecque et notamment sa "dépolitisation" à travers un programme spécifique qui devra être présenté d’ici le 20 juilletun "renforcement du secteur financier" Analyse : Toutes ses réformes étaient contenues dans l'accord du 25 juin sur lequel a porté le référendum du 5 juillet, et pour lequel les Grecs ont dit non. Elles vont également plus loin que les propositions faites vendredi dernier par Alexis Tsipras. Ce sont des réformes longues et difficiles à mettre en oeuvre. Pour certaines, elles font partie du programme électoral de Syriza. Ainsi, pendant la campagne, Alexis Tsipras a souvent promis la réforme d'un "État clientéliste, bureaucratique et corrompu". La dépolitisation de l'administration grecque évoqué dans l'accord fait justement référence à une pratique clientéliste courante jusque là en Grèce. A chaque changement de majorité, le nouveau gouvernement plaçait ses alliés aux postes clefs, afin de mieux contrôler l'administration. 

50 milliards de privatisations à trouver

Mise en œuvre "d’un programme de privatisation plus développé" transfert des "actifs grecs de valeur à un fond indépendant qui les monétisera par des privatisations ou d’autres moyens".Objectif de ce fond : 50 milliards d’euros sur 3 ans. Analyse : Renflouer les caisses de l’Etat grec grâce aux privatisations, l’idée n’est pas nouvelle. En 2012, le deuxième plan d’aide prévoyait 50 milliards d’euros de recettes de privatisation d’ici 2015. 7,7 milliards d’euros ont été réalisés, dont seulement 3,1 milliards d’euros encaissés. Finalement ce fond ne sera pas au Luxembourg comme demandé au départ, mais géré par les autorités grecques sous la "supervision des autorités européennes", ce qui ne garantit pas une meilleure efficacité des privatisations, mais assure leur contrôle.

Droit de véto et retour de la Troika

La Grèce va devoir revoir certaines des mesures adoptées par le gouvernement d’Alexis Tsipras depuis son arrivée. Le texte ne précise pas lesquelles, mais est souvent évoquée la remise en place de la télévision publique ERT, qui avait été fermée par un précédent gouvernement.

L’accord prévoit aussi que la Grèce "normalise ses relations avec les institutions (Commission, BCE, FMI) y compris lors du travail sur le terrain à Athènes". Elles auront en outre un droit de regard sur certains projets de loi ou référendum. Le FMI reste associé au programme grec, y compris au-delà de l’échéance de mars 2016, date à laquelle il devait s’achever.

Analyse : Cette partie de l'accord est certainement l'une des plus symboliquement humiliante pour Alexis Tsipras et son parti. Sur la forme, l’accord réaffirme le rôle central de la Troika (BCE, commission européenne, FMI); même si l’intitulé devient « institutions » comme le formule le nouveau pouvoir grec. C’est donc un camouflet total pour Alexis Tsipras qui a construit une partie de sa popularité sur la condamnation de la Troika et son départ définitif. Sur le fond, la possibilité de remettre en cause toute décision politique prise par le nouveau gouvernement grec depuis son élection en janvier signe la perte totale de son pouvoir, mais aussi du parlement qui a voté ces lois, d’où la critique récurrente de mise sous tutelle de la Grèce avec cet accord.

Pas d'accord sur la restructuration de la dette 

L’accord ne prévoit pas formellement de revoir la dette grecque, contrairement à ce qu’Alexis Tsipras a retenu dans son communiqué officiel lundi matin (en anglais ici). De fait, l’accord renvoie cet examen à plus tard. "L’Eurogroupe est prêt à évaluer des mesures, si nécessaire, des mesures additionnelles (allongement des délais de grâce et des maturités)", seulement si la Grèce a respecté ses engagements.

Analyse : A quel moment jugera-t-on que la Grèce a respecté ses engagements? Après le vote par le parlement grec des diverses mesures et réformes pré-citées ou après un contrôle de leur mise en oeuvre et de leurs résultats effectifs? La différence entre les deux peut se compter en années, or aucun calendrier n’est à ce jour prévu pour cette discussion. De plus, il y a un  véritable désaccord entre la France et l’Allemagne à ce propos. François Hollande a évoqué un "reprofilage"  de la dette par un "par un allongement des échéances, des maturités et par une négociation des intérêts ", alors qu’Angela Merkel va mettre en avant devant son parlement le fait qu’aucune restructuration n’est encore envisagée. 

Qu'a obtenu la Grèce alors ? 

L'accord conclu ce lundi matin – après approbation des parlements nationaux dans la semaine – va permettre le lancement des négociations d'un troisième plan de sauvetage évalué à 80 milliards d'euros, mais on ne sait pas encore exactement comment. Ce plan doit passer par le Mécanisme Européen de Stabilité mais diverses sources européennes estiment que ce troisième plan ne pourra pas être élaboré avant 4 semaines. Ce qu'a confirmé le directeur du mécanisme européen de stabilité, Klaus Regling: 

"Nous savons que le temps est compté pour la Grèce mais il n'y a pas de raccourcis possibles ".

Le temps presse. Le 20 juillet, la Grèce doit rembourser 4.2 milliards d'euros à la BCE, puis encore plus de 3 milliards à la mi-aout. Au total les besoins urgents sont estimés à 12 milliards d'euros avant la fin de l'été. C'est aux ministres des finances de la zone euro que revient cette nouvelle négociation (qui ne sera pas facile). Elle a donné lieu lundi à une réunion de deux heures qui n'a rien donné.

"C'est très complexe, nous n'avons pas encore trouvé la clef " a commenté Jeroen Dijsselbloem, le patron de l'Eurogroupe. Les ministres des finances de la zone euro ont décidé de créer un "groupe de travail" qui devra rendre ses conclusions "dans les plus brefs délais". 

La Grèce devrait aussi bénéficier d'un programme d'investissement de 35 milliards d'euros par l'intermédiaire du plan Juncker, mais là encore rien de concret n'est sur la table. 

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