Echec de la formation d'un gouvernement en Allemagne : "C'était une coalition des impossibles"
Le secrétaire général du Comité d'études des relations franco-allemandes (Cerfa) de l'Ifri, et professeur à la Sorbonne, Hans Stark, décrypte le rapport de force entre la CDU de Merkel et les autres partis.
Le Parti libéral-démocrate allemand (FDP) a quitté, dans la nuit du dimanche 19 au lundi 20 novembre, les négociations afin de former un gouvernement issu des législatives de septembre, faisant ainsi échouer les perspectives d'une coalition de quatre partis. Le spécialiste de l'Allemagne Hans Stark, secrétaire général du Comité d'études des relations franco-allemandes (Cerfa) de l'Ifri, et professeur à la Sorbonne, a estimé lundi sur franceinfo, que cet échec n'est pas une surprise, et a qualifié ce projet de gouvernement de "coalition des impossibles." Pour lui, "il y a aura forcément de nouvelles élections ou des élections anticipées". "Je pense, in fine, que Merkel n'a pas d'autre choix que de se tourner vers le SPD", a ajouté Hans Stark.
franceinfo : Comment expliquer une telle déconvenue pour Angela Merkel ?
Hans Stark : Le Parti libéral-démocrate a d'emblée, dès la soirée électorale du 24 septembre, laissé apparaître des doutes très forts sur sa volonté de s'engager dans une nouvelle coalition avec la CDU d'Angela Merkel. Il faut rappeler que le Parti libéral a été éjecté du Parlement après une coalition avec la CDU entre 2009 et 2013, ce qui l'a littéralement traumatisé. Le deuxième aspect, c'est que c'était une coalition des impossibles, qui a opposé, non seulement la CDU [chrétiens démocrates] et la CSU [centre droit], qui, sur des questions migratoires, ont connu pas mal de divergences, mais surtout, les libéraux et les Verts. Les libéraux aujourd'hui se situent clairement à droite et les Verts viennent de la gauche, d'une gauche parfois plus idéologique encore que le SPD, même si les écologistes auraient aimé participer à ce gouvernement. C'était la quadrature du cercle et ça n'a pas fonctionné.
Le problème vient-il d'Angela Merkel ou plutôt de ses choix politiques récents ?
Il est vrai qu'Angela Merkel rencontre pas mal d'opposition dans son propre camp du fait de sa politique migratoire, du fait de sa décision en 2015, de laisser les frontières ouvertes, mais il y a aussi pas mal d'électeurs chrétiens-démocrates qui, justement, votent pour Mme Merkel pour cette raison-là. Elle a toujours su gagner des voix au centre en délaissant un peu la droite conservatrice, mais si elle se tourne vers la droite conservatrice, elle va perdre des voix au milieu. Finalement, elle est devant un véritable dilemme. Je ne crois pas un instant que la CDU va se refaire une santé en changeant de leadership.
Quelles solutions pour la CDU ? Un gouvernement minoritaire, ce qui serait inédit en Allemagne ?
Inédit et très improbable, parce que ce serait une coalition entre CDU-CSU et un deuxième partenaire, soit les Verts, soit les libéraux. Des partenaires qui, eux-mêmes, ne s'entendent pas sur pas mal de choses, donc je n'y crois pas un instant. [En cas de nouvelles élections], le risque est que ces élections reproduisent le même résultat que ceux du 24 septembre (…). Je pense, in fine, que Merkel n'a pas d'autre choix que de se tourner vers le SPD. On verra peut-être après des élections anticipées qui leur donneront peut-être 1% ou 2% de plus, leur permettant de sauver leur honneur, que les sociaux-démocrates retourneront, par responsabilité d'Etat, dans une coalition qui serait de nouveau une grande coalition. Ce n'est pas une bonne chose pour l'Allemagne, mais au moins, l'Allemagne pourrait être gouvernée pendant les quatre ans qui viennent.
Ce ne sera pas non plus une très bonne nouvelle pour Emmanuel Macron…
Non, parce qu'il attend toujours une réponse à son discours important sur l'Europe du 27 septembre dernier. L'Europe était absente du débat entre les quatre partis durant les quatre dernières semaines.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.