L'extrême droite est-elle la même partout en Europe?
Marian Kotleba, ancien instituteur de 36 ans, affiche des sentiments anti-européens. Parlant de l’OTAN comme d’une organisation «terroriste», il a fait essentiellement campagne «contre l’establishment politique slovaque ‘‘corrompu’’ et ‘‘incompétent’’ et contre les Roms» (qualifiés de «parasites»), note Le Monde. «Sa xénophobie antitzigane ainsi que son antisémitisme sont les moteurs de son parcours politique», ajoute le quotidien français. Le nouveau gouverneur est un admirateur de l’ancien président slovaque Jozef Tiso. Lequel avait accepté d’envoyer des dizaines de milliers de juifs dans les camps de la mort à l’époque où la Slovaquie était un Etat fantoche sous la coupe de l’Allemagne nazie.
Autant d’éléments qui expliquent la réaction du Congrès juif européen, basé à Paris. Celui-ci a appelé les responsables de l’UE à lancer un plan d’action contre les partis politiques néonazis «avant qu’il ne soit trop tard».
Discours europhobes et anti-immigrés
Dans le même temps, une partie de l’extrême droite européenne, qui se proclame «droite patriotique», entend unir ses forces pour les élections européennes de mai 2014. Et ainsi remettre le Vieux continent «dans le droit chemin», a expliqué le 18 novembre le chef du parti autrichien FPÖ, le populiste Heinz-Christian Strache. Des représentants du Front national français, de la Ligue du Nord (Italie), des Démocrates suédois, du Vlaams Belang (Belgique) et du SNS slovaque (différent du parti de Marian Kotleba), se sont retrouvés à l'initiative du FPÖ le 15 novembre à Vienne, pour discuter d'une alliance.
Le parti néerlandais PVV de Geert Wilders n'était pas présent, mais une rencontre devait être organisée entre les dirigeants de cette formation et du FPÖ. La réunion de Vienne est intervenue deux jours après la rencontre à La Haye le 13 novembre entre Marine Le Pen, présidente du FN, et Geert Wilders, qualifiée d'«historique» par les deux dirigeants.
Cette ébauche d’alliance au niveau du Vieux continent plaide pour «le maintien de la souveraineté nationale contre le centralisme de Bruxelles» et une «conservation des identités culturelles des peuples européens, contre une immigration massive et une islamisation de l'Europe», a annoncé le chef du FPÖ, insistant sur les origines chrétiennes du Vieux continent. «Nous ne sommes pas contre l'Europe (…), mais (nous ne voulons) pas d'un super-Etat centraliste qui s'éloigne des citoyens», a martelé Heinz-Christian Strache. Lequel s'est prononcé pour une «correction» de l'évolution actuelle du bloc des 28 pays membres de l’UE, avec notamment un retour aux monnaies nationales. Par ailleurs, tous ces partis se retrouvent «dans un discours populiste, qui propose des solutions simples – en apparence seulement – souvent en contradiction avec les droits de la personne», observe Rue89.
Dans l’ex-RDA, «les idées d’extrême droite s’enracinent»
D’une manière générale, «une majorité d’Etats européens, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’Union européenne (…), ont aujourd’hui une composante d’extrême droite ou populiste dans leurs représentations nationales ou locales», ajoute le site. Voire carrément au sein du gouvernement, comme en Hongrie dont le premier ministre conservateur Viktor Orban, «semble s’être transformé en apprenti autocrate». «Historiquement, il y a une grande perméabilité entre droite et extrême droite hongroises», note un chercheur cité par Libération. Aujourd'hui, le parti d'extrême droite Jobbik multiplie les provocations antisémites. Longtemps accusé de complaisance envers ces dérapages, le gouvernement d'Orban entend désormais combattre l'antisémitisme.
Pour le reste, à l’intérieur de l’UE, on peut citer, pour la Grèce, Aube Dorée, parti néonazi, accusé de nombreuses violences, entré au Parlement grec en 2012 et démantelé fin septembre-début octobre 2013 par les autorités. Pour la Grande-Bretagne, on peut évoquer le British National Party et l’English Defense League. Pendant l’été 2013, à la suite de l’assassinat du soldat Lee Rigby par des islamistes fanatiques à Londres, ces deux formations avaient organisé une série de manifestations dont certaines avaient dégénéré. En Allemagne, le NPD est représenté dans certains partis régionaux. Et à l’est du pays, «les idées d’extrême droite s’enracinent» dans l’ancienne RDA communiste.
A l’extérieur de l’UE, on trouve le Parti du progrès norvégien dans lequel a milité Andres Breivik, l’auteur du massacre de l’île d’Utoya en 2011. En Suisse, le parti populiste UDC (pour Union démocratique du centre) s’était fait connaître à l’étranger en 2007 par une campagne xénophobe avec une affiche sur des moutons blancs chassant d’un pré un mouton noir…
Le facteur crise et les autres
Pour expliquer la montée de l’extrême droite et du populisme, les observateurs mettent en avant le facteur crise. On constate ainsi «en France une forte corrélation entre le vote FN et la précarité», explique dans Le Figaro le chercheur Stéphane François. Dans le même temps, «il y a un ensemble complexe de facteurs, qui tiennent à l’histoire de chaque pays, à l’histoire économique et sociale, à l’offre de partis disponible», précise un autre chercheur, Yves Camus dans 20 Minutes.
Ainsi, en Espagne, le Parti populaire, où l’on retrouve des héritiers du franquisme, a réussi à empêcher le développement de l’extrême droite en captant ses voix. Et aux Pays-Bas, rappelle Stéphane François, une formation comme le PVV estime qu’une population maghrébine installée dans le pays représenterait «une menace aux valeurs modernes et libérales occidentales, tels que les droits des homosexuels». Pas sûr que les autres partis de l’extrême droite européenne soient nombreux à mettre en avant la défense des droits des homosexuels…
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