"Où va-t-on maintenant ?" Après le Brexit, les Anglais s'interrogent sur leur avenir
Dans le sud-est de l'Angleterre, les habitants ont largement voté en faveur d'un divorce avec l'UE, sans bien savoir quelles seront les conséquences.
C'est presque un matin comme les autres pour "Tony the milkman". Au volant de son fourgon, ce livreur de lait multiplie les arrêts devant les maisons endormies. Il y dépose, sur le pas de la porte d'entrée, les bouteilles de ses clients, pour leur petit-déjeuner. Mais ce vendredi 24 juin est différent. Il fait soudainement beau à South Benfleet, après un jeudi dantesque. Et, surtout, ce qui ravit le plus Tony : le Royaume-Uni a voté en faveur d'une sortie de l'Union européenne. "On en avait marre de se faire dicter les choses, lance-t-il. On est l'Angleterre et on va pouvoir agir en tant que telle !"
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Sur ce morceau de côte à l'est de Londres, où se jette la Tamise, on se sent anglais avant tout, puis britannique. Et pas vraiment européen. La circonscription de Castle Point a offert au camp du Brexit son troisième meilleur score à l'échelle nationale, avec 72,7% des voix. "L'UE est devenue un monstre avec trop de pouvoirs", estime Antony, informaticien dans un cabinet d'avocats londonien.
#Brexit Antony file à Londres dans sa Mercedes. Il attend les résultats officiels pour être sûr mais espère un Leave pic.twitter.com/KQuiybgHHV
— Yann Thompson (@yannthompson) 24 juin 2016
Comme beaucoup d'habitants ici, ce quadragénaire laisse chaque matin sa berline allemande sur le parking de la gare et part au travail en train. Nombre de travailleurs aisés de Londres ont choisi l'Essex pour son cadre de vie rurale et sa proximité du cœur de la capitale, à 50 minutes en train. Signe de la richesse locale, plus d'un foyer sur dix possède au moins trois voitures.
"Une décision difficile qu'il fallait prendre pour le pays"
Les grosses cylindrées continuent de défiler devant l'horodateur. "En tant que travailleur dans la finance à la City, ce résultat est une mauvaise nouvelle, glisse un partisan du Brexit, qui souhaite rester anonyme. Mais en tant que Britannique, c'est une bonne nouvelle !"
Consultante à Londres, Nicky a aussi voté pour le "Leave", mais peine à se réjouir du verdict des urnes. "On ne peut pas être contents, affirme-t-elle, en retirant ses épaisses lunettes de soleil. C'est une décision difficile, qui entraînera de l'instabilité, mais qu'il fallait prendre pour le pays." Presque un sacrifice, pour sauver le Royaume-Uni, "non pas de l'Europe, mais de l'Union européenne et de ses forces non élues".
Salarié de la banque HSBC, Matt est l'un des rares à avoir voté en faveur du maintien dans l'UE. "J'étais tenté par certains arguments du 'Leave', j'ai hésité, mais j'ai trouvé le risque trop grand et je me suis dit qu'il valait mieux essayer de changer l'UE de l'intérieur, explique-t-il. J'ai peur maintenant. Ce matin, au réveil, je me suis dit : 'Merde, on va où maintenant ?'"
"On veut savoir ce que cela veut dire de sortir"
"Attends maman, on prend des cerises !" Sur le chemin de l'école, Isabelle s'arrête au pied d'un cerisier pour une cueillette matinale. Sa mère, Christine, de bonne humeur, la laisse faire. Elle a voté "Leave" et est surprise de se retrouver dans le camp des vainqueurs. "L'UE ne nous imposera plus ses règles maintenant, que ce soit sur les cerises ou les bananes", sourit-elle. Une allusion à une des polémiques de la campagne sur la prétendue interdiction par Bruxelles des bananes mal courbées.
#Brexit En route vers l'école avec sa fille Isabelle, Christine est contente mais "surprise" de la victoire du Leave pic.twitter.com/M99jbpm1Jr
— Yann Thompson (@yannthompson) 24 juin 2016
Mais elle aussi confie ses craintes. "Maintenant que c'est fait, on veut savoir ce que cela veut dire de sortir, dit-elle. Avec la chute de la livre, il y aura sûrement des conséquences, sur notre système de santé, sur les retraites."
La matinée est désormais bien avancée. Le gros des troupes de Londres est parti au travail. Tony, le livreur de lait, a sans doute terminé sa tournée. Avant de redémarrer, tout à l'heure, il a promis qu'une chose ne changerait pas : "La tradition du livreur de lait."
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