Le Liechtenstein, son prince et son paradis fiscal
«La dernière dictature d’Europe occidentale», titrait récemment Le Point sur cette principauté (160,5 km2) de langue allemande, avec le franc suisse comme monnaie. Celle-ci est gouvernée par une monarchie héréditaire avec à sa tête le prince Hans-Adam II von und zu Liechtenstein. Argument du journal : loin d’être un souverain d’opérette, ce dernier peut opposer un droit de véto aux décisions du gouvernement ou du Parlement, et aux votations (référendums) des électeurs.
Au-dessus des votations
Hans-Adam II ne s’en est d’ailleurs pas privé : en 2011, avant la votation sur l’avortement, il avait fait savoir qu’il refuserait sa légalisation. Les citoyens l’ont finalement suivi à 52,3 %. Résultat : les femmes de la principauté (une cinquantaine chaque année) doivent continuer à aller en Suisse pour y subir une IVG. D’une manière générale, la parité hommes-femmes a pris du retard au Liechtenstein où le catholicisme est religion d’Etat: ces dernières n’ont obtenu le droit de vote… qu’en 1984.
Une initiative populaire devrait donc être déposée pour statuer sur le droit de véto du prince sur les votations. A l’initiative du projet, un comité de citoyens intitulé «Oui, pour que ta voix compte». Problème : ces citoyens préfèrent souvent ne pas être cités, et leur porte-parole veut rester anonyme… Dans le même temps, deux partisans du projet ont reçu des lettres de menaces, rapporte le journal suisse La Liberté. «Cela relève du sensationnalisme», commente Walter-Bruno Wohlwend, un ancien journaliste partisan du prince, pour qui «l’initiative (…) provoque des turbulences inutiles», ajoute-t-il. Selon lui, Vaduz (capitale de la principauté) a bien d’autres soucis en tête. Notamment «l’avenir de sa place financière».
Scandale au paradis
Il faut dire que les services financiers occupent une place plus qu’importante dans la vie de la principauté : officiellement, ils représentent 31 % du PIB. Le Liechtenstein accueillerait ainsi entre 45.000 et 80.000 holdings (selon les sources) et il y aurait plus de sociétés enregistrées que d’habitants ! Ces entités y apprécient notamment l’absence d’impôt sur les bénéfices.
Bref, le Liechtenstein est un paradis fiscal au cœur de l’Europe, où le PIB est l’un des plus élevés au monde (140.300 francs suisses par habitant en 2007). Un paradis où l’ancien chef du gouvernement israélien Ehud Olmert, poursuivi par la justice de son pays pour une dizaine d’affaires de corruption, a obtenu l’asile… politique.
Le petit Etat alpin aurait ainsi pu continuer à couler des jours heureux. Mais en 2008, il est ébranlé par un scandale : les services secrets allemands mettent au jour un important réseau d’évasion fiscale en direction de la principauté. Des centaines de personnalités du monde des affaires ou du sport d’Outre-Rhin, parmi lesquelles le président de la Deutsche Post, Klaus Zuwinkel, y auraient dissimulé 4 milliards d’euros dans des fondations opaques.
Au cœur de la crise : la banque LGT Group, propriété du prince Hans-Adams II, la plus grande du pays. En 2010, le parquet de Hambourg ouvre une enquête sur le frère cadet de Hans-Adams, Max, président de LGT Group, soupçonné d’avoir perçu des commissions de nombreux clients pour assurer la confidentialité de leurs comptes. Notons au passage que la fortune de la famille von et zu Liechtenstein s’élèverait entre 5 et 6 milliards d’euros.
Les réactions de la presse européenne au scandale
France 24, 28-2-2008
Dans le contexte de crise financière qui secoue le monde occidental, Bruxelles a demandé des efforts au petit Etat. Lequel figure sur la «liste noire» des paradis fiscaux «non-coopératifs» dressés en 2009 par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) à la demande du G20. En mars 2009, les autorités de Vaduz ont fini par «reconnaître» les standards de l’OCDE, notamment en acceptant de fournir des informations sur les comptes bancaires.
Où en est-il aujourd’hui ? Si le Liechtenstein a réalisé des «progrès rapides dans le développement des mécanismes d'échange d'informations», il ne respecte pas encore les normes internationales contre la fraude fiscale, estimait en septembre 2011 le Forum mondial sur les paradis fiscaux (sous la houlette de l’OCDE). Dur, dur de s’amender…
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