Les Suisses ont approuvé dimanche par référendum l'initiative de l'UDC visant à expulser les criminels étrangers
Selon un décompte définitif des voix le "oui" l'a emporté avec 52,9% des voix contre 47,1 % de non. La participation de 53% est supérieure à la moyenne enregistrée lors de ces "votations", qui est de 40%.
Le contre-projet du gouvernement a, quant à lui, été repoussé à 54,2 %, tout comme le projet socialiste d'imposer plus fortement les riches.
Seuls les électeurs de cantons essentiellement francophones dont Genève, le Jura, Bâle-Ville, Fribourg, Vaud et Neuchâtel, ont dit non au tour de vis réclamé par l'UDC (droite).
Un an après le vote sur l'interdiction des minarets, le nouveau projet de l'UDC vise à retirer le droit de séjour des étrangers
Le renvoi des criminels étrangers est déjà possible en Suisse sous certaines conditions mais le texte proposé par l'UDC va plus loin en proposant un retrait automatique du droit de séjour des étrangers inculpés sans prendre en compte la gravité des délits, le renvoi fonctionnant autant pour des crimes graves tels que ""viol, délit sexuel grave", "actes de violence", "trafic de drogue" que pour les cas d'"abus de l'aide sociale".
Tollé dans la presse étrangère, rappel à l'ordre de Bruxelles
Comme pour les minarets, le vote approuvant un texte "anticonstitutionnel et contraire au droit international" a provoqué un tollé dans la presse étrangère, de nombreuses interrogations en Suisse et un rappel à l'ordre de Bruxelles.
"Nous prenons note des résultats d'hier, nous allons étudier comment ces résultats seront mis en oeuvre en Suisse", a déclaré la porte-parole de la chef de la diplomatie de l'UE, Catherine Ashton, se disant confiante "que le gouvernement suisse continuera à respecter ses obligations des traités internationaux".
Plus direct, le président de l'exécutif européen José Manuel Barroso a "exprimé une crainte générale" face à une "poussée nationaliste, chauviniste, xénophobe, parfois même d'un populisme très très agressif" en Europe.
La presse étrangère s'inquiétait d'une "xénophobie croissante". Le quotidien autrichien Die Presse accusait ainsi "l'âme élitiste" et "l'attitude +nous sommes meilleurs que tout le monde+" des Suisses. Pour le quotidien bruxellois Le Soir, le pays a choisi "la voie radicale" et donné "une nouvelle gifle à l'UE".
Plusieurs ONG, dont Amnesty international, sont montées au créneau dès dimanche pour dénoncer "une journée noire" pour la Confédération où les étrangers ont été une nouvelle fois stigmatisés. Des manifestants antiracistes ont protesté dimanche soir dans plusieurs villes de Suisse (Zurich, Berne, Lausanne).
La majorité des médias suisses reconnaissaient lundi un "triomphe" de l'UDC, premier parti de la Confédération depuis 2003.
Berne prix en tenaille
Reste que Berne se retrouve "pris en tenaille" entre un texte non applicable car contraire à la Constitution, au droit international mais aussi aux accords de libre circulation avec l'Union européenne et la nécessité de se conformer au vote populaire, relève le politologue Frédéric Esposito de l'Institut européen de Genève.
L'expulsion automatique réclamée dans le vote n'est pas possible selon la Constitution helvétique qui impose le cas par cas. Pour M. Esposito, il existe "une marge de manoeuvre étroite" pour rendre le texte plus compatible : "Toute la question est de savoir si l'UDC acceptera plus de souplesse".
L'affaire montre en tout état de cause, selon l'expert, "les limites de l'exercice de la démocratie directe helvétique" et signe "un affaiblissement du gouvernement" dans le pays mais aussi face à Bruxelles alors que l'image de la Suisse, longtemps perçue comme un îlot de prospérité, ne cesse de se détériorer.
L'UDC a vu en ce vote "un premier pas sur la voie de la sécurité qui démontre la préoccupation de la population à l'égard de la politique d'émigration de la Suisse", a indiqué le parti dans un communiqué.
La campagne de l'UDC avait donné lieu à une débauche d'affiches ouvertement xénophobes dans un pays qui compte 21,7% d'étrangers. Nombre d'entre elles représentent des "moutons noirs" hautement symboliques. "Ivan S., violeur et bientôt Suisse ?" proclame une autre sur un profil de moustachu musclé à mine patibulaire.
Pour sa part, le Conseil Fédéral (gouvernement) a indiqué que la "majorité des votants ont clairement exprimé que la criminalité des étrangers est pour eux un problème sérieux". Il "exécutera le mandat qui lui a été confié", a-t-il précisé. Néanmoins, la ministre de la justice, Simonetta Sommaruga, a tenu à rappeler que les étrangers "fournissent une contribution essentielle à la vie économique, sociale et culturelle du pays".
C'est pour éviter un nouveau tollé que le gouvernement avait lancé un contre-projet prenant en compte la gravité des délits et sur lequel les Suisses ont également voté, le repoussant à 54,2% des voix.
Deuxième revers pour la gauche
Le deuxième sujet de la votation de dimanche portait sur une initiative du PS, en guerre contre la concurrence fiscale que jouent certains cantons pour attirer les grosses fortunes. Ce projet "Pour des impôts équitables", visant à imposer plus fortement les riches, a été largement rejeté avec 58.5 % des voix contre 41,5% de "oui".
Le parti de gauche réclamait l'instauration d'un seuil minimum de 22 % d'impôt sur la tranche de revenu imposable (net) dépassant 250.000 francs suisses (187.000 euros) pour une personne seule. L'initiative demandait également 0,5 % supplémentaire sur les grandes fortunes imposables de plus de 2 millions de francs.
Dans le pays considéré comme un havre fiscal, la gauche a subi un double revers dimanche en voyant son projet débouté alors que l'UDC l'emportait avec le projet de durcissement du renvoi des criminels étrangers.
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