Cet article date de plus d'onze ans.

Londres à l'UE : "I love you, moi non plus"

David Cameron, le Premier ministre britannique, promet la tenue d'un référendum sur le maintien du Royaume-Uni dans l'UE d'ici à 2017. Démonstration d'un regain d'euroscepticisme triomphant Outre-Manche. Mais les relations entre Londres et Bruxelles ont souvent été compliquées, voire houleuses. Retour sur 40 ans d'ambivalence.
Article rédigé par Cécile Quéguiner
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Franceinfo (Franceinfo)

1973, Londres entre dans la CEE

C'est un des principaux traits de caractère de la Grande-Bretagne : l'euroscepticisme. Depuis son entrée dans la CEE, Communauté économique européenne (ancêtre de l'UE), Londres n'a de cesse de menacer de claquer la porte. Il faut dire que ses relations avec l'Europe sont parties sur de mauvaises bases.

Hostile à la politique agricole commune, mal embouché aux yeux du général de Gaulle, le Royaume-Uni voit sa candidature rejetée deux fois, avant son accès au club en 1973. Consultée par référendum deux ans plus tard, la population britannique adhère, mais Londres fait rapidement bande à part : en 1979, le gouvernement Callaghan refuse de participer au système monétaire européen proposé par Helmut Schmidt et Valéry Giscard d'Estaing, s'excluant de fait de la première entreprise européenne vers l'union monétaire. 

Thatcher, 1988 : "I want my money back"

Paradoxalement, c'est Margaret Thatcher qui demeure l'icône historique des eurosceptiques. Pour avoir en 1984 demandé et obtenu un "rabais britannique " au budget (toujours en vigueur) : "I want my money back ", dit-elle alors dans un discours devant le Conseil européen de Fontainebleau. Pour avoir surtout fixé le cadre, dans le resté célèbre discours de Bruges en 1988 : "Si nous avons réussi à faire reculer chez nous les frontières de l'État, ce n'est pas pour les voir réimposées au niveau européen, avec un super-Etat européen exerçant à partir de Bruxelles une domination nouvelle ", lance-t-elle.

Mais la Dame de fer affirme aussi en préambule : "La Grande-Bretagne ne rêve pas d'une existence cosy et isolée aux marges de la communutauté européenne. Notre destin est en Europe, comme membre de cette communauté ". 

Sous l'ère Thatcher, pas question donc d'envisager sérieusement la sortie. L'euroscepticisme d'alors est bien moins vindicatif que celui d'aujourd'hui. D'ailleurs, dans le quotidien britannique The Guardian, une source affirme qu'un tel discours dans la bouche de David Cameron provoquerait la démission d'au moins 25 députés du parti conservateur. Pourtant, ce discours sera considéré longtemps comme le texte de référence des eurosceptiques et va nourrir une profonde et persistante ambivalence. Le marché commun, OK. Mais l'Europe politique, pas d'accord, semblent dire les Britanniques.

Dans cette droite ligne, John Major, son successeur, signe le traité de Maastricht, mais à nouveau sous condition, obtenant notamment une clause d'exemption de la monnaie unique. C'est à cette époque dans les années 90, que se radicalise aussi la presse britannique, très influente au vu de ses tirages. A l'exception de deux titres comme The Independent et The Guardian , qu'elle soit populaire ou de qualité, elle plonge tête la première dans l'euroscepticisme, en particulier après la crise de la vache folle et la mise au ban du boeuf britannique.  

Blair, 1999 : "Être ou ne pas être en Europe, tel est la question"

1997 marque un tournant, avec l'arrivée au pouvoir du New Labour. Tony Blair est europhile. Il plaide pour que le Royaume-Uni soit un "pont " entre l'Europe et les États-Unis et surtout envisage un référendum pour adopter l'euro. Mais il n'ira jamais au bout, se heurtant à l'euroscepticisme ambiant et à la résistance du Chancelier de l'Échiquier (ministre des Finances), Gordon Brown. Commentaire ironique de Tony Blair en 1999 : "On en revient toujours au même dilemme. Être ou ne pas être en Europe, telle est la question ". Quand son ministre Gordon Brown lui succède, la parenthèse europhile se referme.

Cameron ou la marche vers le Brixit

David Cameron, l'actuel Premier ministre, n'est, dit-on, ni europhile, ni europhobe. Pourtant, c'est bien lui qui semble conduire aujourd'hui la Grande-Bretagne vers un inéluctable Brixit, comme "British exit", en proposant la tenue d'un référendum sur le maintien ou non de la Grande-Bretagne dans l'UE d'ici à 2017. "Il est temps pour le peuple britannique d'avoir son mot à dire , a-t-il déclaré mercredi matin. Il est temps pour nous de régler cette question au sujet de la Grande-Bretagne ". 

> Lire aussi Le Royaume-Uni dans ou hors de l'UE ? Cameron veut un référendum d'ici à 2017

Londres in fine reste logique avec elle-même, entrant en résistance contre cette Europe intégrée qui l'effraye depuis le premier jour, et refusant les "intrusions" de Bruxelles dans de nombreux domaines de compétence, comme l'environnement, la justice, le temps de travail. En outre, David Cameron craint de se faire doubler par sa droite. Par l'UKIP, Parti de l'indépendance, qui d'après un sondage pourrait reléguer les conservateurs à la troisième place lors des élections européennes de 2014. Reste enfin l'opinion britannique, favorable à 63% à la tenue de ce référendum "in or out", selon un sondage ComRes publié dans le Sunday People

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.