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Manifestations contre le gouvernement en Roumanie : "Un mouvement inédit par son ampleur"

Des centaines de milliers de personnes ont défilé mercredi en Roumanie pour protester contre un assouplissement de la législation anti-corruption. Du jamais vu "depuis la chute des Ceausescu", selon Jean-Arnault Dérens, directeur du Courrier des Balkans.

Article rédigé par franceinfo
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Des manifestants défilent dans les rues de Bucarest, en Roumanie, mercredi 1er février 2017.  (DANIEL MIHAILESCU / AFP)

En Roumanie, le gouvernement est sous pression : plus de 250 000 personnes ont manifesté mercredi 1er fevrier dans tout le pays pour protester contre un décret gouvernemental qui entend assouplir la législation anti-corruption. Le texte dépénalise certains délits d'abus de pouvoir ou de corruption. Il est perçu par les Roumains comme un recul juridique sans précédent depuis l'entrée du pays dans l'Union européenne, en 2007. Le président Klaus Iohannis faisait partie des manifestants, et il a saisi jeudi la Cour constitutionnelle pour contester
le décret. "C'est un mouvement, qui par son ampleur est effectivement inédit", a commenté mercredi sur franceinfo le journaliste Jean-Arnault Dérens, directeur du Courrier des Balkans.

franceinfo : L'importance de la mobilisation en Roumanie est-elle inédite ?

Jean-Arnault Dérens : On n'avait jamais vu une telle foule depuis la chute des Ceausescu en 1989. De soir en soir, le nombre des manifestants augmente. Il y avait au moins 100 000 à 150 000 personnes à Bucarest [mercredi]. Mais le mouvement a aussi pris de l'ampleur dans toutes les villes importantes du pays. C'est donc un mouvement qui est effectivement inédit.

Est-ce normal que le président roumain, Klaus Iohannis, fasse partie des manifestants ?

C'est un homme de droite qui s'oppose au gouvernement de Sorin Grindeanu, théoriquement social-démocrate. On est dans une situation de cohabitation très musclée. Klaus Iohannis se positionne comme un défenseur des valeurs en politique. Il est dans son rôle. Mais il faut savoir que les pouvoirs du président sont très limités. Il n'a pas, constitutionnellement, les moyens de bloquer une ordonnance comme celle adoptée mardi soir.

Le décret du gouvernement vise à assouplir la loi contre la corruption. Est-ce un mal endémique en Roumanie ?

C'est comme dans beaucoup de pays d'Europe. Il n'y a pas de particularité roumaine. Mais elle est importante en Roumanie. Le pays est régulièrement épinglé dans tous les rapports, tant des organisations non-gouvernementales que de l'Union européenne. 

Le principal problème est le sentiment d'impunité d'une large part de la classe politique. Depuis la chute du communisme, il y a une élite politique qui se croit libre de faire tout ce qu'elle veut.

Jean-Arnault Dérens, directeur du Courrier des Balkans

à franceinfo

C'est un problème particulier à la Roumanie. Modifier la loi par décret est une manière d'éviter toutes les procédures parlementaires et de rendre extrêmement difficile les recours. Il n'y a que la Cour constitutionnelle qui puisse bloquer le processus, mais selon une procédure assez compliquée.

Est-ce que l'on assiste à un retour à la Roumanie d'il y a 15 ans, comme le craignent les Roumains ?

Il faut faire attention à ce genre de formule. Ce décret est un scandale démocratique, personne ne le conteste. Il faut bien comprendre que la Roumanie, qui a rejoint l'Union européenne il y a 10 ans, continue à faire partie des pays les plus pauvres de l'Union. Elle fait partie de cette Europe du Sud, de cette Europe de seconde catégorie, confrontée à des problèmes de bonne gouvernance, de fonctionnement de l'Etat de droit, et à des problèmes économiques très profonds, malgré la croissance qu'elle a connu ces dernières années.

Est-ce que la justice roumaine est indépendante?

Non. Elle n'est pas indépendante parce qu'il n'y a pas de culture ni de longue tradition d'indépendance, et parce que les juges sont très mal payés. Il n'y a pas les conditions matérielles et techniques pour qu'elle puisse être indépendante. L'indépendance, c'est aussi les conditions dans lesquelles la justice peut fonctionner. Cela renvoit à l'ensemble d'une société et d'un pays.

Manifestation en Roumanie : "Un mouvement inédit par son ampleur", selon Jean-Arnault Dérens, directeur du Courrier des Balkans

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