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La fin annoncée de l'accord sur l'exportation des céréales ukrainiennes "engendre une phase d'incertitude" susceptible d'entraîner "une hausse des cours", selon un expert

Pour Arthur Portier, en mettant fin à l'accord sur l'exportation de céréales ukrainiennes, Vladimir Poutine mène une "guerre psychologique" avec les Occidentaux.
Article rédigé par franceinfo
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Récolte dans la région d'Odessa en Ukraine le 23 juin 2023. (IGOR TKACHENKO / EPA)

"C'est une guerre psychologique. Vladimir Poutine essaye de mettre une grande partie des pays importateurs, notamment du continent africain derrière lui", a analysé lundi 17 juillet sur franceinfo, Arthur Portier, consultant chez Agritel, cabinet de conseil spécialisé dans les marchés agricoles et agro-industriels, après la fin annoncée par Moscou de l'accord sur l'exportation des céréales ukrainiennes. Selon Arthur Portier, "la suspension actuelle engendre une nouvelle phase d'incertitude. Qui dit phase d'incertitude sur les marchés dit généralement fermeté et hausse des cours".

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franceinfo : Quelle est la réalité des livraisons de céréales aux pays africains ?

Arthur Portier : Il est vrai que sur les 33 millions de tonnes de grains qui ont été exportés via le corridor, une grande partie est allée à destination notamment de la Chine, puis de l'Espagne, puis de la Turquie, donc des pays qui n'étaient pas considérés par le Kremlin comme des pays à forte nécessité. Maintenant, il faut prendre de la hauteur sur ce débat puisque ce corridor a engendré une dépréciation des prix sur la scène internationale. Le fait de livrer la Chine, l'Espagne et d'autres pays, ça a permis de passer en juillet dernier de 350 € à 230 € la tonne aujourd'hui, si je prends les prix du blé en Europe. Cette baisse des prix a donc profité indirectement aux acheteurs internationaux.

Ça veut dire qu'une suspension de cet accord, en tout cas, son expiration sans renouvellement immédiat, aurait des conséquences immédiates ?

La suspension actuelle engendre une nouvelle phase d'incertitude. On le sait, qui dit phase d'incertitude dans les marchés dit généralement fermeté et hausse des cours. Maintenant, il faut bien l'entendre, l'Ukraine a développé des alternatives pour exporter, notamment le ferroviaire, le routier. Donc oui, le corridor a une importance majeure, mais on est loin de l'euphorie sur les cours que l'on avait à l'été dernier.

L'Ukraine, par la voix de son président Volodymyr Zelynsky se dit prête aujourd'hui à maintenir ses exportations sans la Russie. Est-ce que c'est possible ?

C'est jouable d'un point de vue pratique. Maintenant ce qu'il faut bien noter, c'est que la zone mer Noire redeviendrait une zone de conflit majeur et donc le coût assurantiel, le coût du fret maritime serait beaucoup plus important. Donc oui, d'un point de vue pratique, c'est réalisable. Maintenant, attention à ce que le coût assurantiel ne soit pas exorbitant. Ce qui engendrerait une hausse des prix pour les pays importateurs.

Comment interpréter le jeu de Vladimir Poutine dans cette négociation ?

C'est une guerre psychologique. Vladimir Poutine montre que lorsqu'il suspend le corridor, il y a une réaction immédiate sur les grains, même si elle est moins importante sur les prix qu'elle ne l'a été par le passé. Et il dit aux pays importateurs 'Regardez, sans moi, sans poursuite du corridor, les prix montent et de ce fait, vous allez être dans la panade', 'Regardez, les Occidentaux ne respectent pas l'accord, donc nous sommes obligés de suspendre le corridor'. Donc c'est de la psychologie de marché. Nous sommes aujourd'hui dans un jeu, un rapport de force qui est fait entre les différents pays. Vladimir Poutine essaye évidemment de se mettre une grande partie des pays importateurs, notamment du continent africain derrière lui.

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