Une guerre totale entre la Russie et l'Ukraine est "peu probable" juge Cyrille Bret, professeur de relations internationales à Sciences Po Paris
"Il s'agit d'une dramatisation qui vise à rassembler la communauté nationale ukrainienne contre la menace russe dans la perspective de l'élection présidentielle en Ukraine qui aura lieu en mars 2019", estime Cyrille Bret.
La réaction du président américain Donald Trump, qui menace d'annuler sa rencontre avec Vladimir Poutine prévue en marge du sommet du G20 à la fin de la semaine en Argentine, est une façon de "réitérer la solidarité des Etats-Unis envers l'Ukraine", a expliqué mercredi sur franceinfo Cyrille Bret, professeur de relations internationales à Sciences Po Paris. Ce spécialiste de la Russie rappelle que "ce sont les armées américaines qui entraînent et encadrent les forces d'armée ukrainiennes dans leur combat contre les milices du Donbass", une région de l'est ukrainien, contrôlée par des séparatistes soutenus par Moscou.
Interrogé sur le risque réel d'une escalade pouvant mener à une "guerre totale", comme l'ont évoqué les autorités ukrainiennes, Cyrille Bret estime que cela est "peu probable". Ces propos permettent surtout, selon lui, "une dramatisation qui vise à rassembler la communauté nationale ukrainienne contre la menace russe dans la perspective de l'élection présidentielle en Ukraine", au printemps prochain.
franceinfo : que pensez-vous de la réaction de Donald Trump ?
Cyrille Bret : Il s'agit d'une démonstration de solidarité à l'égard de l'Ukraine. Les Etats-Unis sont très présents en Ukraine d'un point de vue économique, mais surtout d'un point de vue militaire. Ce sont les armées américaines qui entraînent et encadrent les forces armées ukrainiennes dans leur combat contre les milices du Donbass. C'est donc une réitération de la solidarité des Etats-Unis envers l'Ukraine.
Quelle incidence peuvent avoir les propos du président américain ?
Pour le moment, ils peuvent avoir une incidence symbolique, une incidence politique. Toute la question est de savoir si cela préfigure un durcissement supplémentaire des sanctions des Etats-Unis envers la Russie. On sait que depuis l'annexion de la Crimée, le 18 mars 2014, les Etats-Unis et l'Union européenne ont adopté une série de sanctions contre la Russie. Des sanctions qui ont été renouvelées depuis.
Est-ce qu'il y a vraiment un risque de guerre totale comme le dit le président ukrainien ? Que cherche à faire la Russie ?
La Russie cherche à marquer ce qu'elle considère comme son territoire, c’est-à-dire la Crimée. Ce qu'il faut aussi se demander, c'est pourquoi il y a une telle dramatisation de la part des autorités ukrainiennes. L'incident est certes grave, préoccupant, et il augure mal de la liberté de navigation en mer Noire. Mais une guerre totale est peu probable. Il s'agit d'une dramatisation qui vise à rassembler la communauté nationale ukrainienne contre la menace russe dans la perspective de l'élection présidentielle en Ukraine qui aura lieu en mars 2019. Le président est confronté à des difficultés qui nécessitent une mobilisation de son électorat pour éviter que les divisions internes ne l'affaiblissent face à la Russie. Donc cette dramatisation est très compréhensible et légitime, mais néanmoins, loin de la réalité. Les forces ukrainiennes ne sont pas en mesure de mener une guerre complète contre la puissance russe et sur le terrain, personne n'a intérêt à ce que cette ligne de front qui s'est stabilisée ne reparte dans un conflit évolutif.
Dans ce contexte, que signifie l'instauration de la loi martiale ?
C'est, pour les autorités ukrainiennes, un moyen de reprendre en main la sécurité sur les zones frontalières avec la Russie, la Crimée, la Transnistrie. C'est également une façon de mettre sur pied une mobilisation de la société civile contre les incursions russes dans le cyber-espace, dans l'espace maritime, dans l'espace terrestre. C'était nécessaire face aux risques qui viennent de la Russie, mais on n'est pas dans un processus d'escalade rapide débouchant sur la guerre. On est dans un processus où chacun des deux protagonistes marque son territoire, marque ce qu'il estime être son territoire. L'Ukraine défend sa souveraineté et la Russie défend son annexion de la Crimée.
Qu'est ce qui se joue en mer d'Azov ?
La liberté de navigation. La mer d'Azov est un cul-de-sac, au fin fond du cul-de-sac qu'est la mer Noire. Toute la question est de savoir si la côte ukrainienne qui est encore libre en mer d'Azov peut-être desservie par le trafic habituel. C'était un poumon économique pour l'Ukraine et ce qu'essaie de faire la Russie c'est d'étouffer la zone. L'Ukraine essaie de rétablir la liberté de navigation.
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