"En temps normal, on fait la route en 3 heures, mais là, on a mis 2 jours" : rencontre avec des civils ukrainiens qui ont réussi à fuir la zone de Marioupol
Le CICR n’a pas réussi à organiser de convoi humanitaire depuis Marioupol mais chaque jour, des civils parviennent à quitter la zone dans leur véhicule ou à bord de bus du gouvernement ukrainien. Une trentaine de bus sont ainsi arrivés de Marioupol à Zaporijié la nuit dernière.
Dans ce convoi croisé sur la route de Zaporijié, des civils qui ont réussi à fuir la ville occupée de Berdiansk, à 80 km à l’ouest de Marioupol. Selon les autorités ukrainiennes, ils sont plus de 3 000 personnes à avoir tenté leur chance en bus et voitures privées. Ils ont accroché des chiffons blancs aux portières et collé sur leur pare-brise une feuille où est écrit "Enfants" en caractère cyrilliques.
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Ces civils n'ont pas pu être évacués par la Croix rouge qui tente après un premier échec, d'organiser une nouvelle évacuation samedi 2 avril. Ils sont pressés de s’éloigner de la zone occupée par les Russes. Mais Yana, une jeune femme blonde, sweat et pantalon noir, accepte de s’extraire du van pour nous raconter leur périple : 17 barrages tenus par les Russes qu’il a fallu franchir. "Sur chacun de ces checkpoints, ils nous ont contrôlés. Ils fouillent les valises, ils vérifient les ordinateurs, nos téléphones", raconte-t-elle.
"Tous les hommes sont obligés de se déshabiller pour vérifier s’ils n’ont pas de tatouages pro ukrainiens."
Yana, une Ukrainienne qui a fui Berdianskà franceinfo
"Entre Berdiansk et Zaporijjie c’est une route de 200 kilomètres. En temps normal on la fait en 3 heures mais là on a mis 2 jours", poursuit Yana. Certains ont été dépouillés, pas elle. Elle trouve la force à présent d’en sourire. "On a eu de la chance, ils ne nous ont pas pris nos téléphones ni nos ordinateurs. Mais pour vous dire… la 2ème armée du monde ! À chaque check point ils nous demandaient du thé ou de l’eau gazeuse et au dernier, ils nous ont dit : ‘Donnez-nous 150 hrivnia’". 150 hrivnia , c’est un peu moins de 5 euros.
Quand Berdiansk sera libérée
La décision de partir n’a pas été facile mais quand les Tchétchènes sont arrivés à Berdiansk, des passeports russes ont été distribués, le rouble a été mis en circulation. Ce fut le signal. Maxime lui a dû abandonner ses terres, où il cultive blé, tournesol et petits pois. C’était devenu trop risqué. Au début, il a manifesté chaque jour contre les occupants. "Les premiers jours, nous étions vraiment très nombreux et les Russes, n’étaient pas tant que ça et ils nous regardaient de loin", se souvient-il.
"Mais chaque jour, il y avait de moins en moins de manifestants, et de plus en plus de soldats russes."
Maxime, un cultivateur ukrainienà franceinfo
"Un jour, ils ont enlevé l’un des orateurs, qui organisait les manifs. Ils l’ont gardé au moins une semaine. Puis ils en ont enlevés deux autres chez eux. Et on a été encore moins nombreux à protester. La dernière manif, les troupes de la garde nationale russe sont arrivées, ils ont utilisé leurs armes." Le récit de Maxime est glaçant. Il explique avoir rapidement rassemblé quelques affaires. Mais comme les autres occupants de son minibus qui lèvent le poing en nous quittant, il n’en doute pas, ils reviendront très vite dans Berdiansk libérée.
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