Guerre en Ukraine : ce que l'on sait des attaques de volontaires russes pro-Kiev sur le territoire de la Russie
Une démonstration de force et une opération de déstabilisation, à trois jours de l'élection présidentielle russe. Moins d'un an après une première incursion, trois groupes de volontaires russes combattant pour l'Ukraine ont affirmé s'être infiltrés de l'autre côté de la frontière, dans les régions de Belgorod et Koursk, dans la nuit du lundi 11 au mardi 12 mars.
Cette incursion a eu lieu en même temps que de multiples attaques de drones ukrainiens visant des sites énergétiques russes. "Tout cela se passe sur fond d'échecs [ukrainiens] sur la ligne de front", a commenté auprès de la chaîne Rossia 1 et l'agence de presse Ria Novosti le président Vladimir Poutine, largement favori du scrutin, faute d'opposant. Voici ce que l'on sait de ces attaques.
Une incursion mise en scène pour dénoncer le "dictateur sanguinaire" Vladimir Poutine
Mardi matin, le ministère russe de la Défense a affirmé que des combattants venus d'Ukraine avaient tenté de pénétrer dans les régions frontalières de Belgorod et de Koursk, équipés de chars et de blindés et après un "pilonnage intensif" durant la nuit. De leur côté, ces trois bataillons pro-ukrainiens, le Bataillon sibérien, la légion Liberté de la Russie et le Corps des volontaires russes (RDK), ont annoncé dans la matinée avoir traversé la frontière depuis l'Ukraine, se mettant en scène dans des vidéos réalisées à l'aide de caméras embarquées et de drones. Sur l'une d'entre elles, on peut voir trois blindés rouler dans le noir sur un chemin de campagne.
La légion Liberté de la Russie a revendiqué sur Telegram la prise du village de Tiotkino, dans la région de Koursk, assurant avoir "détruit" un blindé russe et avoir contraint les forces de Moscou à quitter "rapidement" le village en abandonnant des armes lourdes. Sur une autre vidéo, on peut voir des images de soldats que les forces pro-ukrainiennes présentent comme des Russes captifs. Une affirmation qui n'a pas pu être vérifiée de manière indépendante.
"L'effet de surprise était complètement de notre côté, l'armée russe a battu en retraite. Pour l'instant, les combats se sont calmés. La situation est en suspens", déclare l'un des miliciens filmés. "Les gars, dites coucou à votre patrie natale", s'amuse un autre. Toujours dans ces vidéos, un soldat du bataillon sibérien lance : "Les gars, il n'est pas nécessaire de voter aux élections avec des bulletins de vote, votons avec du calibre 7,62."
"Nous sommes les mêmes Russes que vous", déclare de son côté le commandant adjoint de la légion Liberté de la Russie, Maksimillian Andronnikov, dans un discours posté sur les réseaux sociaux. "Nous avons également le droit d'exprimer notre volonté. Et notre volonté est de ne pas reconnaître un dictateur sanguinaire comme Vladimir Poutine."
Moscou assure avoir repoussé l'offensive avant le franchissement de la frontière
Les autorités russes ont nié que l'assaut ait franchi la frontière. Le ministère russe de la Défense a déclaré que les soldats de l'armée et les gardes-frontières avaient "perturbé une tentative de percée de Kiev sur le territoire des régions de Belgorod et de Koursk", rapporte l'agence de presse nationale RIA, citée par le New York Times. Le gouverneur de la région russe de Koursk a toutefois confirmé que les forces pro-ukrainiennes s'étaient approchées de Tiotkino et que la ville était bombardée. "Un groupe de sabotage et de reconnaissance a tenté de percer la ville. Il y a eu une fusillade, mais il n'y a pas eu de percée", a-t-il déclaré dans un message vidéo posté sur Telegram.
Moscou affirme avoir infligé de lourdes pertes à son adversaire. Selon l'agence de presse russe Tass, les forces russes ont tué 234 soldats et détruit sept chars et trois véhicules de combat Bradley. Là encore, cette affirmation n'a pas pu être vérifiée de manière indépendante.
L'offensive pro-ukrainienne a fait un mort et dix blessés côté russe, selon les autorités locales. "Dix civils ont été blessés, six d'entre eux sont hospitalisés (…) un membre de notre défense territoriale est décédé", a indiqué le gouverneur de la région de Belgorod sur Telegram.
Une attaque menée par des miliciens déserteurs de l'armée russe et des nationalistes
Deux des trois groupes, la légion Liberté de la Russie et le RDK, avaient déjà effectué des raids dans la région frontalière de Belgorod en mai et en juin pour affronter la patrouille frontalière et l'armée russe.
Un porte-parole de la légion Liberté de la Russie, surnommé "Caesar", se décrivait en janvier 2023 comme un "nationaliste de droite", dans un entretien à Radio Svoboda. Ce représentant très médiatisé admettait également avoir été membre du Mouvement impérial russe, une organisation paramilitaire d'extrême droite classée comme terroriste en Russie, qu'il a quittée peu avant 2014 et les combats dans le Donbass.
Le RDK est quant à lui composé de citoyens russes vivant depuis plusieurs années en Ukraine. Son idéologie est radicale et extrémiste. La structure a été créée officiellement en août 2022, mais elle intègre des éléments ayant déjà combattu en 2014. Son fondateur, Denis Kapoustine, né à Moscou, est plus connu sous le nom de "White Rex". Ancien hooligan et organisateur de tournois de MMA, il a lancé en 2008 une marque de vêtements arborant un soleil noir, symbole prisé par les groupes néonazis.
Selon Le Monde, la légion Liberté de la Russie et le Corps des volontaires russes œuvrent aussi au sein de l'armée ukrainienne. "Les deux unités sont intégrées et font partie de la défense territoriale. Elles sont tenues de respecter les injonctions de l'état-major ukrainien, mais il arrive que ses leaders fassent preuve d'une certaine autonomie, comme ça a été le cas à Belgorod" au printemps dernier, expliquait à franceinfo le chercheur Adrien Nonjon, spécialiste des mouvements d'extrême droite et nationalistes en Ukraine.
Quant au Bataillon sibérien, il est incorporé au sein de la Légion internationale, l'unité des milliers d'étrangers ayant rejoint l'Ukraine. Selon l'AFP, il compte dans ses rangs une cinquantaine de recrues aux origines variées, opposants politiques à Vladimir Poutine, Russes caucasiens et membres de groupes ethniques minoritaires, comme des Iakoutes et des Bouriates, qui vivent pour la plupart dans l'Extrême-Orient russe. Ce bataillon partage des liens avec Kiev. Les volontaires de cette unité rebelle russe sont volontaires et sous contrat militaire avec les forces armées ukrainiennes, explique un de ses porte-paroles à l'AFP.
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