Guerre en Ukraine : cinq questions sur la plus importante salve de sanctions américaines contre la Russie
"Il faut que Vladimir Poutine paye un prix élevé pour son agression contre l'Ukraine", a écrit Joe Biden, une semaine après la mort d'Alexeï Navalny et à la veille du deuxième anniversaire du début de la guerre en Ukraine. Le président des Etats-Unis a annoncé vendredi 23 février la plus importante salve de sanctions américaines depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Selon Washington, ces sanctions ciblent "des individus liés à l'emprisonnement de Navalny", mais aussi le "secteur financier russe, l'industrie de défense, les réseaux d'approvisionnement et les auteurs de contournement des sanctions, à travers plusieurs continents".
Au total, le Trésor et le département d'Etat ont ciblé plus de 500 individus et organisations dans 26 pays, bloquant leurs avoirs aux Etats-Unis et restreignant leur accès aux visas. Le département du Commerce a par ailleurs ajouté 93 entreprises à sa liste noire. Franceinfo fait le point sur ces nouvelles sanctions et celles déjà prononcées depuis le début de la guerre.
1 Pourquoi ces nouvelles sanctions ?
Cette nouvelle salve de sanctions, la plus importante depuis le début de la guerre, intervient en réponse à la mort de l'opposant russe Alexeï Navalny, à 47 ans, dans une colonie pénitentiaire où il purgeait une peine de 19 ans de prison pour "extrémisme". Ces mesures ne sont "que le début", a déclaré John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche. "Vous pouvez compter sur plus de mesures de la part du gouvernement pour faire rendre des comptes au Kremlin pour la mort de Navalny."
L'objectif principal des sanctions prononcées par les Etats-Unis reste néanmoins de limiter les ressources financières dont dispose Moscou pour financer la guerre contre l'Ukraine. "Nous prenons des mesures pour continuer à réduire les revenus du secteur de l'énergie russe et j'ai demandé à mes équipes de renforcer le soutien à la société civile, aux médias indépendants et à tous ceux qui se battent pour la démocratie autour du monde", a déclaré le président des Etats-Unis en annonçant ces nouvelles sanctions.
2 Qui visent-elles ?
Parmi la longue liste d'entités sanctionnées par les Etats-Unis, des entreprises technologiques des secteurs des semi-conducteurs, de l'optique, des drones, ou encore des systèmes d'information, et même un institut de mathématiques appliquées. Le système russe de paiement Mir, qui permet aux Russes d'effectuer des règlements et de retirer de l'argent dans certains pays étrangers, figure lui aussi sur la liste. Selon le département américain du Trésor, son développement "a permis à la Russie de construire une infrastructure financière qui lui permet d'échapper aux sanctions et de reconstituer les liens rompus avec le système financier international".
Washington affirme en effet cibler "les personnes situées en dehors de la Russie qui facilitent, orchestrent, participent ou soutiennent de toute autre manière le transfert de technologies et d'équipements critiques vers la base militaro-industrielle russe". Le Trésor américain avertit dans un communiqué que des sanctions continueront d'être imposées "aux personnes, où qu'elles se trouvent, qui permettent à la Russie de se reconnecter aux marchés financiers mondiaux en utilisant des canaux illicites". Des sanctions ont ainsi été prononcées contre des personnes qui se trouvent notamment en Chine ou encore en Allemagne. Les Etats-Unis ont par ailleurs sanctionné 14 pétroliers d'une "flotte fantôme" utilisés par la Russie pour échapper aux prix plafonnés de son pétrole.
3 Comment la Russie réagit-elle ?
Le vice-président du Conseil de sécurité russe Dmitri Medvedev a réagi à ces nouvelles sanctions américaines en jurant que la Russie se vengerait des sanctions occidentales. "Qu'ils [les Occidentaux] souffrent tous là-bas. Il faut qu'on se souvienne de ça, qu'on se venge d'eux partout où c'est possible. Ce sont nos ennemis", a écrit l'ancien président russe, habitué aux déclarations va-t-en-guerre, sur la messagerie Telegram.
Dmitri Medvedev a également appelé à mener des opérations secrètes sur les territoires des pays occidentaux, alors que la Russie est déjà régulièrement accusée d'opérations d'espionnage, d'influence et d'assassinats ou tentatives d'assassinats et que Moscou les dément systématiquement. Il faut aussi "mettre en œuvre sur leurs territoires des activités d'un certain type, dont on ne peut pas parler publiquement. À la guerre comme à la guerre", a-t-il affirmé.
4 L'Ukraine a-t-elle reçu d'autres aides ?
Les sanctions américaines ne sont pas isolées. Les annonces de sanctions se sont multipliées au sein des pays occidentaux à l'approche du deuxième anniversaire de l'invasion de l'Ukraine. Le 21 février, les pays de l'Union européenne se sont ainsi mis d'accord sur un treizième paquet de sanctions, tandis que le Royaume-Uni a pris des mesures contre plus de 50 personnalités et entreprises. Elles visent aussi des "sources clés de revenus pour la Russie", avec le commerce de métaux, de diamants et de ressources énergétiques, afin de "couper les financements de la guerre illégale de Poutine de tous les côtés possibles". Le Royaume-Uni a aussi annoncé de nouvelles livraisons de missiles aux Ukrainiens.
L'Ukraine salue ces sanctions mais appelle avant tout à la livraison de nouvelles armes pour débloquer la situation sur le front, où l'armée russe progresse. "La chose la plus importante est de débloquer le ciel. La défense antiaérienne et les avions y contribueront", estime Volodymyr Zelensky. En visite en Ukraine, Justin Trudeau a lui annoncé que le Canada fournirait 2,2 milliards de dollars d'aide à l'Ukraine en 2024 dans le cadre d'un accord bilatéral de sécurité. Le Premier ministre canadien a par ailleurs accusé Vladimir Poutine d'être directement responsable de "l'assassinat" d'Alexeï Navalny.
5 Ces sanctions ont-elles un effet ?
Au total, plus de 4 000 entités ont été visées par les sanctions américaines depuis le début de la guerre. A cela s'ajoutent celles prises par les autres pays occidentaux durant ces deux années. Pour rappel, les Etats-Unis et ses alliés avaient prononcé dès le début de la guerre une série de sanctions visant à fragiliser l'économie de la Russie. Les 10 et 11 mars 2022, les dirigeants européens avaient adopté un quatrième volet de sanctions à Versailles, dont les effets, six mois plus tard, sur l'économie russe s'étaient fait sentir. Deux ans plus tard, les sanctions des Européens semblent ne plus avoir le même impact, alors que la Russie a entièrement réorienté son économie vers une économie de guerre.
Malgré la multitude de sanctions occidentales, la Russie a en effet enregistré une croissance de 3,6% de son PIB en 2023. Pour Janet Yellen, la secrétaire américaine au Trésor, Vladimir Poutine "a hypothéqué le présent et l'avenir du peuple russe" alors que "le Kremlin choisit de réorienter son économie pour fabriquer des armes pour tuer ses voisins au plus vite, aux dépens de l'avenir économique de sa propre population". A l'annonce du douzième paquet de sanctions européenne à son égard, la Russie avait annoncé avoir l'intention de les contourner. Ce paquet de mesures interdisait notamment l'importation de diamants russes, considéré par les Vingt-Sept comme une source de financement de l'offensive russe en Ukraine.
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