Guerre en Ukraine : les prix des carburants risquent d'augmenter "d'environ 7 à 10 centimes dans les prochaines semaines", selon un économiste
Raphaël Boroumand, professeur d'économie et spécialiste de l'énergie, estime samedi sur franceinfo que "si le conflit en Ukraine perdure [...] cela risque de se traduire dans plusieurs semaines" à la pompe.
"Il faut penser à d'autres alternatives et trouver d'autres fournisseurs pour le gaz et le pétrole" à cause de la guerre en Ukraine, a estimé sur franceinfo samedi 26 février Raphaël Boroumand. Le professeur d'économie et spécialiste de l'énergie juge que l'invasion de l'Ukraine par la Russie pourrait "se traduire dans plusieurs semaines sur le prix des carburants", même si la France "dispose de l'équivalent de trois mois de consommation en stocks stratégiques".
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franceinfo : Quel peut être l'impact immédiat de la guerre en Ukraine sur notre approvisionnement énergétique ?
Raphaël Boroumand : Concernant le pétrole, la Russie figure parmi les trois premiers exportateurs et producteurs mondiaux - avec entre 11 et 12% de la production mondiale. C'est l'un des premiers exportateurs vis-à-vis de l'Europe, avec entre 2 et 2,5 millions de barils livrés. Si le conflit perdure, le prix du pétrole va augmenter. Il a déjà atteint près de 100 dollars le baril, le niveau le plus élevé depuis 2015, et pourrait atteindre 115 ou 120 dollars. Mécaniquement, cela risque de se traduire dans plusieurs semaines sur le prix des carburants.
C'est un acteur majeur du marché mais l'offre pourrait être compensée par les acteurs de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) s'ils décident d'augmenter leurs quotas de production, après une réunion qui doit avoir lieu le 2 mars. Il y a des informations qui circulent sur un niveau d'augmentation relativement faible, autour de 400 000 barils par jour. Ce serait insuffisant en cas de perturbations d'approvisionnement, s'il y avait par exemple des sanctions supprimant la possibilité d'importer du pétrole de Russie.
Quid de l'approvisionnement en gaz ?
Le principal exportateur de gaz vers l'Union européenne est la Russie mais la situation est variable selon les pays. Des pays comme l'Allemagne, l'Autriche ou les pays baltes dépendent à plus de 50 ou 60% du gaz russe - ce qui peut poser un problème majeur - alors qu'en France la dépendance est à hauteur de 17% à 20%. La France est donc moins exposée que d'autres pays européens car son principal fournisseur est la Norvège, à hauteur de 35%. Les pays les plus menacés sont ceux qui sont le plus à l'Est, puisque le gaz est difficile à transporter.
Y a-t-il des risques de rupture d'approvisionnement ?
La Franc, grâce à ses autres fournisseurs, est moins exposée pour le gaz. Concernant le pétrole, elle dispose de l'équivalent de trois mois de consommation en stocks stratégiques. Si vraiment la Russie était amenée à être exclue en termes d'approvisionnements gazier et pétrolier, ce qui n'est pas encore à l'ordre du jour, cela pourrait créer des perturbations mais pas au point d'avoir une pénurie de carburants en France compte tenu du niveau des stocks stratégiques. Le gouvernement est déjà en train de travailler sur des options pour diversifier ses approvisionnements gazier et pétrolier. La Russie a également besoin de ces ressources : 15% du PIB russe dépend uniquement du gaz exporté vers l'Europe. Il y a une véritable forme d'interdépendance. La Russie n'a vraiment jamais rompu ses approvisionnements en gaz, même pendant les périodes les plus tendues, notamment en 2014.
Risque-t-on de voir de nouvelles hausses des prix ?
C'est toujours difficile de prédire l'avenir en période de forte incertitude. Le prix du pétrole a augmenté de 20% depuis mi-janvier. Les prix que l'on voit actuellement sur les carburants ne reflètent pas les prix du pétrole actuel mais ceux d'il y a quatre ou cinq semaines. [...] Dans la mesure où le conflit risque de durer, le pétrole à 100 dollars [le baril] risque de durer. Cela veut dire une hausse d'environ 7 à 10 centimes des prix des carburants sur les prochaines semaines.
Les sanctions envers la Russie peuvent-elles provoquer aussi des difficultés d'approvisionnement ?
S'il y a des sanctions poussées, notamment bancaires, cela voudrait dire que le gaz russe ne pourra plus être acheté, puisque la Russie sera complètement exclue du système financier international Swift. Il faut donc penser à d'autres alternatives et trouver d'autres fournisseurs pour le gaz et le pétrole. Le gouvernement y réfléchit. Il y a aussi l'option du gaz naturel liquéfié qui pourrait venir d'Australie, des États-Unis ou du Qatar. Il serait, pour des raisons techniques et économiques, beaucoup plus cher.
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