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Guerre en Ukraine : pourquoi le contrôle de la mer d'Azov est un enjeu stratégique pour la Russie

Contrôlée de facto par la Russie depuis 2014, cette mer permet à Moscou de contrôler plus largement le littoral ukrainien et ses ports, et d'avoir accès à la mer Noire.

Article rédigé par franceinfo
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Un bateau de la marine russe sur la mer d'Azov, devant le port de Berdiansk en Ukraine, le 13 mars 2022. (SPUTNIK / AFP)

Pas de cessez-le-feu en vue. L'armée russe a affirmé, vendredi 18 mars, avoir réussi à pénétrer dans Marioupol, le principal port du sud-est de l'Ukraine, bordant la mer d'Azov. Avant Marioupol, les villes de Melitopol et Berdiansk, situées elles aussi sur les rives de la mer d'Azov, étaient déjà tombées aux mains des forces russes. Samedi, le pouvoir ukrainien a reconnu avoir perdu l'accès à cette mer.

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Depuis plusieurs années, le contrôle de la mer d'Azov est crucial pour la Russie, qui y voit un moyen de faire pression sur l'Ukraine, d'avoir accès à la mer Noire et d'élargir son influence. D'où vient cette volonté de mainmise ? Quelles sont les conséquences pour l'Ukraine ? Franceinfo fait le point.

Une mer contrôlée de facto par Moscou

La mer d'Azov est une mer peu profonde d'une superficie de 39 000 km2, soit environ la surface de la Suisse. Coincée entre la Russie et l'Ukraine, elle est reliée à la mer Noire par le détroit de Kertch, long de 5 km et d'une largeur de 4 à 15 km. Depuis l'annexion de la Crimée par la Russie en 2014, Moscou contrôle à la fois la rive orientale du détroit, sur la péninsule de Taman, et sa rive occidentale, en Crimée.

"Dans les faits, la Russie domine la mer d'Azov puisqu'elle contrôle sa seule porte d'entrée : le détroit de Kertch", rappelle à franceinfo Igor Delanoë, directeur adjoint de l'Observatoire franco-russe, spécialiste de la marine russe.

Capture écran Google Maps de la mer d'Azov. (GOOGLE MAPS)

Pour assurer son accès terrestre à la Crimée, la Russie a fait construire en mai 2018 un pont enjambant le détroit de Kertch, ceinturant ainsi la mer d'Azov et compliquant le passage des navires ukrainiens. La tension s'est accentuée fin 2018, lorsque la marine russe a ouvert le feu sur trois navires militaires ukrainiens tentant de rallier Marioupol par le détroit de Kertch, et les a capturés.

"La supériorité militaire de Moscou sur la mer d'Azov est incontestable."

Igor Delanoë, directeur adjoint de l'Observatoire franco-russe

à franceinfo

"Après cet épisode, les Ukrainiens ont voulu internationaliser le statut de la mer d'Azov, co-administrée jusqu'ici par Moscou et Kiev selon un traité de 2003, en faisant appel aux Occidentaux, mais cela n'a pas abouti", ajoute Igor Delanoë.

Un accès privilégié aux mers du Sud

Si la Russie contrôle de facto la mer d'Azov, pourquoi vouloir contrôler plus largement la bande de terre ukrainienne la longeant ? "Ce sont des symboles. Tout ce qui se passe actuellement a une signification symbolique. Il y a de moins en moins de rationnel. L'objectif est de montrer que la Russie est une grande puissance", estime auprès de l'Agence France-Presse Alexeï Malachenko, directeur de recherche à l'Institut Dialogue des civilisations.

La Russie, dont les débouchés maritimes vers l'ouest et le sud sont limités, a toujours cherché à avoir accès à la mer d'Azov, qui permet de rejoindre la Méditerranée via la mer Noire. Dès le XVIIIe siècle, "sous Pierre le Grand, la Russie a cherché à étendre sa domination vers les mers du Sud, dont la mer Noire. C'est devenu une quête géopolitique perpétuelle", explique Igor Delanoë. Le premier à avoir formalisé cette stratégie est un conseiller de Pierre le Grand dans un texte datant de 1725, explique au Figaro l'historien Martin Motte, directeur d'études à l'Ecole pratique des hautes études. Son objectif était le suivant : "Approcher le plus possible de Constantinople et des Indes. Celui qui y régnera sera le vrai souverain du monde. En conséquence, s'emparer peu à peu de la mer Noire, pénétrer jusqu'au golfe Persique", cite-t-il.

A la chute de l'URSS en 1991, cette volonté d'expansion vers les mers du Sud s'est accrue avec l'indépendance de la Roumanie, de la Bulgarie et de l'Ukraine, qui a entraîné pour Moscou la perte de kilomètres de côtes donnant sur la mer Noire. "Les rives de la mer d'Azov devinrent alors des territoires stratégiques à contrôler", étaye Igor Delanoë.

Une continuité avec la mer Caspienne

La domination de la mer d'Azov permet également à Moscou de renforcer sa continuité maritime avec la mer Caspienne. Située en Asie occidentale, cette mer fermée est reliée à la mer d'Azov via un système de canaux. "Aujourd'hui, des navires russes de taille moyenne, notamment militaires, naviguent entre ces deux mers sur le canal Volga-Don", illustre Igor Delanoë. En affirmant sa possession de la mer d'Azov, la Russie pourrait ainsi être plus libre de faire transiter ses navires militaires d'une mer à l'autre.

Or, la mer Caspienne est un territoire militaire stratégique pour la Russie. En 2015, Moscou a ainsi affirmé avoir tiré des missiles sur des cibles en Syrie depuis ses navires de guerre stationnés en mer Caspienne.

Cette démonstration de force vise également les Occidentaux qui construisent des navires pour la marine ukrainienne. Kiev a déjà reçu des patrouilleurs américains pour ses gardes-côtes et entendait construire une base navale à Berdiansk, au nord de la mer d'Azov. "Les Russes font tout pour contrôler au maximum cet espace", complète le chercheur.

Des conséquences économiques pour l'Ukraine

Dans l'immédiat, c'est toutefois l'économie locale et mondiale qui souffre de la situation en mer d'Azov. De nombreuses marchandises, du blé, des produits métallurgiques et sidérurgiques produits dans le Donbass sont exportés par l'Ukraine via la mer d'Azov. "Les grands ports ukrainiens de Marioupol et Berdiansk représentent 20% des exportations ukrainiennes", rappelait sur France Culture Jean-Sylvestre Mongrenier, chercheur à l'Institut français de géopolitique, avant le début de la guerre.

Le 1er mars, six jours après le début de l'invasion russe en Ukraine, près de 170 navires étaient bloqués en mer d'Azov, certains avec des cargaisons de grain, engendrant un impact immédiat sur les cours mondiaux du blé. Vingt jours plus tard, la situation ne s'est pas améliorée, observe Igor Delanoë. "La navigation en mer d'Azov est très perturbée, de même que le franchissement du détroit de Kertch. Vu les combats, les ports ukrainiens sont inaccessibles."

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