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Guerre en Ukraine : pourquoi les référendums d'annexion sont jugés illégitimes par la communauté internationale

Crimes de guerre, déplacements de population, intimidations... Les scrutins organisés dans les régions de Donetsk, Louhansk, Kherson et Zaporijia souffrent de nombreuses limites.

Article rédigé par Pierre-Louis Caron
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Un militaire dans un bureau de vote à Kramatorsk, dans l'est de l'Ukraine, le 11 mai 2014. (TALI MAYER / NURPHOTO / AFP)

Des scrutins aussi précipités que controversés. Les autorités séparatistes de quatre régions ukrainiennes (celles de Donetsk, Louhansk, Kherson et Zaporijia) ont annoncé, mardi 20 septembre, la tenue de "référendums d'annexion" trois jours plus tard, du vendredi 23 au mardi 27 septembre.

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Mais ces consultations populaires se heurtent déjà à un mur : ni Kiev, ni la communauté internationale n'ont l'intention de les reconnaître. Ils sont d'ailleurs qualifiés de "parodie" par le président Emmanuel Macron et décrits comme "illégaux" par l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Franceinfo vous résume les raisons de ce rejet massif.

Parce que le flou règne sur leur organisation

Les combats continuent de faire rage en Ukraine et les quatre régions concernées par les référendums ne sont pas épargnées. Cela fait ainsi peser un sérieux doute sur la bonne tenue des scrutins. "Le vote aura lieu là où il n'y a pas d'affrontements, là où les membres de la commission électorale pourront se déplacer, donc dans les zones réellement contrôlées [par les forces russes ou les séparatistes prorusses]", explique Alexandra Goujon, maîtresse de conférences en science politique à l'université de Bourgogne et spécialiste de l'Ukraine.

Pour cette chercheuse, les consultations prévues à partir de vendredi souffriront des mêmes limites que le référendum d'annexion organisé en Crimée en 2014 : absence d'observateurs internationaux indépendants, déplacements de population au préalable, faible surveillance du vote... "On peut aussi citer le dernier référendum organisé en Russie en juillet 2020, où l'on avait vu des chiffres suspects et des urnes dans des coffres de voiture", souligne Alexandra Goujon. Elle évoque aussi des "manœuvres d'intimidation régulières" contre les Ukrainiens perçus comme nationalistes.

Parce que le droit international est bafoué

Le contexte extrêmement violent de ces nouveaux référendums est loin de jouer en faveur de Moscou et des séparatistes prorusses. "On est face à une invasion d'un pays souverain, qui se poursuit par l'enlèvement et la disparition des leaders locaux, par la rééducation forcée des enseignants, des directeurs d'école", rappelait Anastasiya Shapochkina, maîtresse de conférences en géopolitique à Sciences Po et spécialiste des relations Europe-Russie, sur franceinfo au début du mois d'août.

"Cette invasion s'accompagne d'une politique criminelle, y compris dans les zones occupées où l'on retrouve des fosses communes, des salles de torture..."

Alexandra Goujon, spécialiste de l'Ukraine

à franceinfo

Comme le précise la spécialiste, ce "crime d'agression" au regard du droit international fait que "toute action militaire, mais aussi politique, sur ces territoires est considérée comme illégale"

Parce que la situation est similaire à la Crimée

Les précédents référendums organisés par des séparatistes prorusses en Ukraine continuent de faire polémique sur la scène internationale. Huit ans après l'annexion de la Crimée, seule une poignée de pays – dont la Syrie, Cuba ou la Corée du Nord – reconnaissent ce rattachement de la péninsule à la Russie. A l'inverse, de nombreux pays et organisations internationales, comme l'Union européenne, ont critiqué cette annexion et voté des sanctions contre la Russie et le régime de Vladimir Poutine

Quant aux républiques autoproclamées de Donetsk et de Louhansk, elles n'ont été clairement reconnues que par la Russie, la Syrie et la Corée du Nord. "Ce sont des Etats de facto, qui ont une population, un territoire, un gouvernement, mais qui ne sont pas reconnus par la communauté internationale", nuance Alexandra Goujon. Les politiques de "russification" qui y sont entreprises depuis huit ans, à travers la langue, l'administration, la délivrance de passeports, devraient "faciliter la tenue de référendums dans ces régions", estime la spécialiste, mais restent bien insuffisantes pour légitimer ces scrutins aux yeux de la communauté internationale.

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