Guerre en Ukraine : trois questions au général Trinquand sur l'utilisation par l'Ukraine d'armes occidentales sur le territoire russe

L'Ukraine demande à franchir une nouvelle étape dans son combat contre la Russie : lancer des missiles occidentaux sur des cibles sur le territoire russe pour éviter le départ d'avions ou de missiles. Une stratégie qui divisent au sein des pays qui soutiennent l'Ukraine. Le général Dominique Trinquand explique ces différentes positions.
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Le général Dominique Trinquand, ancien chef de la mission militaire française auprès de l'ONU à New York, le 19 avril 2023 sur franceinfo. (FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Emmanuel Macron s'est déclaré favorable à l'utilisation de missiles occidentaux par l'armée ukrainienne pour neutraliser des sites militaires en Russie. Cette position n'est pas partagée par les États-Unis et l'Allemagne, notamment, qui y restent opposés. L'Ukraine plaide le droit à la légitime défense et explique devoir frapper le sol russe sur une plus grande distance, car son armée sait d'où les missiles et les avions de combat sont lancés et pourrait les détruire en amont des frappes.

Le général Dominique Trinquand, ancien chef de la mission militaire française auprès de l'ONU, auteur de Ce qui nous attend, analyse ces différentes prises de position.

Franceinfo : Comment interpréter l'écart de position entre la France et certains de ses alliés, dont les États-Unis ?

Dominique Trinquand : Pour les Européens, cette guerre est existentielle. Elle ne l'est pas pour les États-Unis, qui prennent un peu de recul. En plus, ils sont en période électorale, donc c'est compliqué.

La position de la France est une position réaliste. On ne peut pas donner des armes et demander de ne pas les utiliser. On peut émettre des restrictions, c'est à dire que bien sûr, ils obéissent aux lois de la guerre et ne frappent que des cibles militaires. La position des États-Unis est un peu différente parce que, depuis le début de la guerre, ils ont peur de se retrouver face à la Russie. Et comme ils ont une mauvaise perception de ce que pourrait faire Poutine, ils ont un peu peur de leur ombre. Quant aux autres Européens, je crois que les Britanniques sont sur la même position que les Français et ce sont les seuls qui fournissent des armes à longue portée.

Je voudrais rappeler que le 24 février 2022, lorsque la Russie a attaqué l'Ukraine, la première réaction des Américains a été de retirer leur ambassade, leurs conseillers, demander à Zelensky s'il voulait venir avec eux. C'est à dire qu'ils avaient pas envie du tout de cette guerre, contrairement à ce que dit la propagande pro-Poutine. Ils sont dedans et ils y rentrent avec beaucoup de précaution, même s'il y a des moyens considérables, en particulier dans le domaine de l'armement, qui aident l'Ukraine. Mais dans l'administration américaine, les opinions divergent : Monsieur Blinken n'est pas du tout sur la même position que monsieur Biden.

Faut-il y voir une peur de la réaction de Vladimir Poutine et d'une "escalade permanente" ?

Cette crainte existe depuis deux ans et à chaque fois, on a repoussé les limites. Les Russes disent déjà depuis quinze jours qu'il y a des ATACMS (missiles de longue portée américains) qui frappent le territoire russe. Est-ce vrai ou pas ? Je pense que ce n'est pas vrai, mais le fait qu'ils l'annoncent marque qu'ils acceptent d'une certaine façon. Donc je ne comprends pas qu'on continue à avoir ces frayeurs.

Dès le départ, Poutine a été fort de nos faiblesses et il s'agit d'arrêter cette dégringolade de la faiblesse. Je vais reprendre les paroles du pape Jean-Paul II : "N'ayez pas peur". Et c'est la position qu'on devrait avoir depuis deux ans et demi parce que Poutine ne parle et n'escalade qu'en paroles. Poutine a-t-il escaladé face aux Occidentaux ? Jamais ! Ah si, sur les réseaux sociaux, avec des cyberattaques, mais concrètement, avec des armements, jamais.

Est-ce une obligation pour l'Ukraine de viser justement les sites militaires russes, notamment les sites qui permettent à la Russie d'envoyer ses missiles sur l'Ukraine ?

L'Ukraine frappe dans le territoire russe depuis longtemps. Elle frappe sur des intérêts stratégiques, en particulier les raffineries, pour couper un peu le carburant de l'armée russe. On a aussi vu un radar qui a été frappé, qui était à 1 800 kilomètres de la frontière ukrainienne, donc ils réussissent assez bien. Et il faut qu'ils continuent à taper, en particulier sur les sites logistiques derrière Belgorod et les PC. Mais les missiles sont souvent lancés par des avions à partir du territoire russe. Donc il s'agit à ce moment-là de frapper sur des bases aériennes, ce qu'a déjà fait l'Ukraine.

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