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Guerre en Ukraine : un an après le sabotage des gazoducs Nord Stream, où en est l'enquête ?

Article rédigé par franceinfo
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La fuite de gaz due au sabotage du gazoduc Nord Stream 2 photographiée le 27 septembre 2022 dans la mer Baltique. (DEFENSE DANOISE / AFP)
Une première explosion avait endommagé l'une des conduites de Nord Stream 2, le 26 septembre, avant que d'autres ne détruisent des tronçons de Nord Stream 1, quelques heures plus tard. Des enquêtes ont été ouvertes en Suède, au Danemark et en Allemagne, mais leurs conclusions n'ont pas encore été dévoilées.

Les eaux de la mer Baltique n'ont pas encore révélé leur mystère. Un an après les explosions provoquées sur les gazoducs Nord Stream 1 et Nord Stream 2, les responsables de l'un des plus grands sabotages du siècle n'ont toujours pas été identifiés. Cette opération, complexe, a été menée dans les zones économiques de la Suède et du Danemark, où des enquêtes ont été ouvertes. Fin juin, le procureur suédois Mats Ljungqvist a déclaré qu'il avait rencontré son homologue allemand, et que l'enquête approchait de "sa phase finale". L'espoir était alors de conclure les investigations "à l'automne", avec de premières mises en examen.

Des rejets de gaz issus d'une fuite sur une conduite du gazoduc Nord Stream 1, photographiés depuis un avion des garde-côtes suédois le 27 septembre 2022 près de l'île danoise de Bornholm. (HANDOUT / GARDE-COTES SUEDOIS / AFP)

Deux mois plus tôt, Mats Ljungqvist avait déjà déclaré que l'hypothèse principale des enquêteurs était une action d'un Etat ou d'un groupe soutenu par un Etat. A cette époque, déjà, plusieurs médias avaient avancé la piste d'une opération ukrainienne, en citant des sources anonymes. Selon les informations du groupe audiovisuel public néerlandais NOS, en collaboration avec les médias allemands ARD et Die Zeit, les services de renseignement militaire néerlandais avaient eu connaissance d'une possible opération menée par une petite équipe de plongeurs, depuis un voilier, sous le commandement direct du général Valeri Zaloujny. Avertis par les Pays-Bas, les Etats-Unis auraient alors fait part de leur désapprobation auprès de Kiev. En vain.

Un voilier suspect

Plusieurs médias, dont Libération, ont également diffusé en juin des images exclusives de la conduite explosée de Nord Stream 2. Ce projet de gazoduc reliant la Russie à l'Allemagne, fortement dépendante du gaz russe, a été achevé fin 2021 mais n'a jamais été mis en service. Plusieurs éléments interpellaient alors les experts interrogés par le quotidien. L'observation des dégâts, notamment, suggère une attaque plus localisée et précise que celle menée sur Nord Stream 1 à environ 80 km de là. Ce qui suppose deux techniques de sabotage distinctes. Pour ajouter au mystère, l'explosion du gazoduc Nord Stream 2 a été enregistrée dix-sept heures avant celles qui ont coupé Nord Stream 1. Pourquoi un tel laps de temps entre ces deux événements ?

La thèse d'une opération de sabotage a pris davantage de relief avec une enquête des médias allemands ZDF et Der Spiegel qui ont retracé l'étonnant parcours d'un voilier nommé Andromeda. Ce dernier a été loué le 6 septembre 2022 à Rostock (Allemagne) sur les fonds d'une entreprise opaque dirigée par une habitante de Kiev. L'un des membres d'équipage avait alors présenté un passeport roumain, dont le numéro correspond à un ancien document d'un citoyen moldave, aujourd'hui expiré. Sauf que le sexagénaire en question est tombé des nues quand il a reçu la visite des journalistes. Celui-ci n'a pas le profil, en effet, du vingtenaire photographié à Rostock. Der Spiegel affirme que cet homme, Valeri K., est un militaire de la 93e brigade mécanisée de l'armée ukrainienne.

L' Andromeda a ensuite accosté à Wiek, sur l'île allemande de Rügen, et l'équipage était composé de cinq hommes et d'une femme, selon le directeur du port. Il a ensuite disparu "pendant une longue période", selon les informations de Der Spiegel, avant de réapparaître dix jours plus tard vers l'île danoise de Christianso, proche du lieu des détonations, puis de faire halte une douzaine d'heures à Kolobrzeg (Pologne). Les explosions surviennent quelques jours plus tard, le 26 septembre. Le quotidien allemand évoque le possible recours à un détonateur à retardement ou à distance.

De nombreuses hypothèses

Ces derniers mois, plusieurs pays ont été tour à tour accusés d'avoir commandité l'opération. En février, un journaliste américain, Seymour Hersh, avait accusé les Etats-Unis d'être à la manœuvre derrière cette opération. Cette version a rencontré un large écho en Russie, mais l'auteur s'appuyait sur une unique source anonyme, et plusieurs parties de son récit se sont révélées erronées par la suite.

Des médias de plusieurs pays nordiques ont aussi évoqué des mouvements de navires russes en mer Baltique, près de la zone du sabotage, peu avant les explosions. Un navire SS-750, qui inclut un petit sous-marin, aurait été identifié à l'est de l'île de Bornholm, quatre jours avant le 26 septembre, assurait en avril le quotidien danois Information, qui cite une source au sein de son armée.

Moscou, récemment, a de nouveau accusé les enquêteurs suédois, danois et allemands de ne pas partager les informations dont ils disposent. A la fin de l'année 2022, le consortium Nord Stream, dont le russe Gazprom est l'actionnaire majoritaire, avait envoyé un navire civil sous pavillon russe dans les zones suédoise et danoise pour une inspection. La Russie avait soumis une demande d'enquête indépendante auprès de l'ONU, en février dernier, mais la résolution avait été rejetée.

La question est hautement sensible, alors que l'avenir de l'Ukraine dépend en partie des livraisons d'armes occidentales. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky, pour sa part, a toujours affirmé qu'il n'était pas impliqué dans l'explosion des gazoducs et qu'il ne croyait pas non plus que d'autres responsables ukrainiens aient pu jouer un rôle.

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