L'Ukraine a besoin "d'hommes, de matériels, de munitions" et de "stratégie", observe un ancien colonel

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky en déplacement à Washington, puis en Europe, peine à récolter de nouveaux soutiens financiers.
Article rédigé par franceinfo
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En déplacement à Washington le 12 décembre 2023, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a fait face à un Congrès réticent à poursuivre son aide financière, malgré le soutien de Joe Biden. (MANDEL NGAN / AFP)

L'Ukraine a besoin "d'hommes, de matériels et de munitions" et de "stratégie", a observé Peer De Jong vice-président de l'institut Themiis et ancien colonel des troupes marines, sur franceinfo jeudi 14 décembre, alors que l'aide occidentale, indispensable à l'Ukraine pour mener sa guerre face à la Russie n'arrive pas, malgré la venue du président ukrainien Volodymyr Zelensky à Washington, aux États-Unis.

franceinfo : D'un point de vue militaire, peut-on dire que l'Ukraine est en train de perdre la guerre ?

Peer De Jong : C'est un peu trop rapide. La contre-offensive s'est arrêtée il y a environ un mois. On ne peut pas considérer que l'Ukraine va perdre la guerre de façon un peu abrupte. Mais on voit bien, et Volodymyr Zelensky s'en est rendu compte, qu'il y a des clignotants rouges un petit peu dans tous les domaines, dans le domaine économique, militaire ou politique. Et donc, bien évidemment, il y a une inquiétude qui commence à apparaître au sein du gouvernement ukrainien.

L'armée ukrainienne est-elle en manque de munitions ?

L'armée ukrainienne manque de munitions, de matériels, mais elle a aussi un manque de stratégie. Et c'est ça aussi le cœur du sujet. La contre-offensive a échoué, elle s'est arrêtée. Il ne se passe plus rien concrètement sur le terrain. Cet échec stratégique qu'elle a eu en attaquant sur trois sites à la fois, fait qu'elle a consommé des hommes, du matériel, des munitions. Aujourd'hui, elle a des besoins dans ces trois domaines, bien évidemment.

À Bruxelles, l'Union européenne (UE) va discuter d'une possible enveloppe de 50 milliards d'euros. Si l'Ukraine veut gagner cette guerre, il faut forcément un accord des 27 pays de l'UE ?

C'est vital. Si l'Europe n'accepte pas de poursuivre son effort au profit de l'Ukraine, l'ensemble du monde se posera des questions, et en premier les Américains, qui aujourd'hui sont extrêmement réticents à financer cette guerre.

Peut-on dire que si on ne vote pas dans les jours qui viennent cette aide de 50 milliards à l'Ukraine, on condamne le pays finalement à la défaite ?

50 milliards d'euros, ce n'est pas une somme considérable, d'autant plus qu'elle est étalée sur quatre ans, soit 12,5 milliards d'euros par an. Donc, on ne va pas considérer que c'est décisif, mais c'est extrêmement politique. C'est la deuxième fois, après Les républicains la semaine dernière au Congrès, qu'une communauté internationale refuse ou en tout cas discute son aide à l'Ukraine. Depuis deux ans, l'aide massive a toujours été massive, sans discussion. Aujourd'hui, on entre dans le dur, parce qu'il y a un débat européen. On parle des Hongrois, mais aussi des Pays-Bas, des Polonais… On voit bien qu'il y a toute une série de problèmes qui apparaissent. Et pourquoi ? Parce que la guerre est dure : dure sur le terrain bien évidemment, mais également dure en Europe, parce que l'Union européenne a de grandes difficultés aujourd'hui, à financer ce conflit qui paraît être sans fin.

Au moment où les 27 vont se réunir en sommet à Bruxelles, Vladimir Poutine, lui, va tenir sa traditionnelle conférence de presse devant des centaines de journalistes et d'officiels. Est-ce qu'il va en faire une tribune pour revendiquer ses récentes avancées militaires ?

On voit bien qu'il y a aujourd'hui une espèce de contrepartie à la faiblesse ukrainienne. La semaine dernière, Vladimir Poutine a été dans les Émirats arabes unis, il était en Arabie saoudite. C'est la première fois qu'il sort du pays depuis deux ans. Il est plutôt sur un modèle ascendant. Son armée est à l'offensive, elle avance sur les trois fronts de l'Est de l'Ukraine. Le deuxième point, c'est que l'économie russe s'est transformée de façon drastique, on parle de 20% du PIB qui serait consacré aux affaires de défense. Ça fonctionne et ça ne va pas s'arrêter. Troisième point, l'opinion publique russe est totalement derrière Poutine, environ 80% selon les sondages. Il est donc sur un discours qui est beaucoup plus prometteur pour la Russie que l'année dernière.

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