Reportage "C'est injuste d’être pointés du doigt" : en Ukraine, ces entreprises agricoles se disent contraintes d'exporter du poulet vers l'Europe pour survivre

Depuis la guerre avec la Russie, l'Ukraine est exemptée de droits de douane avec l'UE. Mais cette mesure est menacée par les mouvements des agriculteurs européens, qui dénoncent une concurrence déloyale.
Article rédigé par franceinfo
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Une poule dans la région de la Transcarpatie, dans l'ouest de l'Ukraine. Image d'illustration. (SERHII HUDAK / AVALON / MAXPPP)

Faut-il plafonner, limiter les importations de produits agricoles en provenance d’Ukraine sur le marché européen ? Le sujet fait débat au sommet de l’Union, depuis une semaine. L’Ukraine, depuis qu’elle a été attaquée par la Russie il y a deux ans, bénéficie d’une exemption de droits de douane, une manière pour l’UE de soutenir son économie fragilisée par la guerre. Mais de la Pologne à la France, en passant par l’Allemagne, des mouvements d’agriculteurs européens contestent ces avantages, accusant les importations ukrainiennes de faire une concurrence déloyale à l’agriculture européenne.

Chez Ular, dans l’ouest de l’Ukraine, près de Lviv, on cultive 7000 hectares de terres, on abat 6000 poulets à l’heure : une entreprise ukrainienne calquée sur les standards européens, vante son directeur commercial Igor Svystoun. Il réfute toutefois l’image d’une agro-industrie ukrainienne qui inonderait le marché européen de ses produits. "On exporte moins de 5% de notre production vers l’UE, explique-t-il, et encore 5% vers d’autres marchés, surtout asiatiques. 90% des poulets sont vendus sur le marché ukrainien".

"Nous n’avons plus d’aides publiques"

Avant l’invasion russe, l’entreprise exportait principalement vers l’Afrique, le Moyen-Orient et l’Asie du sud-est, mais la guerre a coupé la route vers ces marchés. L’Ouest, l’Europe, c’est devenu la seule issue pour compenser ces pertes, explique le directeur des opérations Bogdan Poupa.

"On a perdu beaucoup de débouchés sur le marché intérieur, avec les territoires occupés, avec les millions de gens qui ont émigré, donc le marché européen est devenu vital pour nous."

Bogdan Poupa

à franceinfo

Vital, et menacé, si l’Europe cède à la colère des agriculteurs, de la Pologne à la France, qui demandent que soient plafonnées les exportations agricoles ukrainiennes. Igor Svystoun y voit une injustice pour son pays en guerre. "On travaille selon les mêmes normes et aux mêmes prix que les Européens, sauf que nous, en plus, à cause de la guerre, nous n’avons plus d’aides publiques, plus accès à des taux de crédits intéressants, on manque de main-d’œuvre à cause de la mobilisation et de l’émigration. On trouve ça injuste d’être pointés du doigt."

"Une campagne de désinformation" contre l'Ukraine

Quant aux mobilisations d’agriculteurs européens qui ont fait tache d’huile sur des discours anti-ukrainiens. Igor y voit clairement l’influence de la Russie. "On peut supposer qu’il y a derrière une campagne de désinformation organisée pour accuser l’Ukraine de tous les maux. Mais il n’y a rien de sérieux qui montre que l’Ukraine menace le marché européen. Nous tout ce qu’on veut, c’est retrouver nos marchés d’exportation traditionnels, pouvoir travailler normalement dans des conditions de marché normales."

Comme beaucoup d’acteurs de l’agrobusiness ukrainien, Igor et Bogdan ont la sensation d’être les boucs émissaires tout désignés d’une crise agricole européenne qui les dépasse.

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