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Reportage En Ukraine, ces intellectuels et artistes engagés dans le conflit : "L'art viendra après"

De nombreux intellectuels ukrainiens sont venus mercredi 5 juillet aux obsèques de l'écrivaine Victoria Amelina, décédée samedi 1er juillet, quatre jours après l'attaque russe contre un restaurant de Kramatorsk, dans l'est ukrainien. Ces artistes n'hésitent pas à s'engager dans la guerre.
Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Les obsèques de l'écrivaine ukrainienne Victoria Amelina ont rassemblé près de 200 personnes en la cathédrale Saint-Michel de Kiev, le 4 juillet. (SERGEI SUPINSKY / AFP)

Près de 200 personnes, proches, famille, soutiens, se sont réunies mercredi 5 juillet dans la cathédrale Saint-Michel de Kiev, pour les obsèques de l'écrivaine ukrainienne Victoria Amelina, 37 ans, tuée dans une frappe russe sur la ville de Kramatorsk, mardi 27 juin. Le missile russe a fait 13 morts et des dizaines de blessés. Cette écrivaine ukrainienne documentait les crimes de guerre russes, elle était "très persévérante, infatigable, c'est une très grande perte pour l'Ukraine" a salué Roman Avramenko, le directeur exécutif de l'ONG Truth Hounds, pour laquelle Victoria Amelina a collaboré.

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À son image, de nombreux artistes et intellectuels ukrainiens, venus rendre un dernier hommage à l'écrivaine, sont eux aussi engagés dans ce conflit, d'une manière ou d'une autre. À la sortie de l'église, Yurko Vovkohon se tient à l'écart, appuyé sur sa béquille, l'avant-bras déformé par une blessure de guerre. Il se présente, dans cet ordre, comme soldat et écrivain. "Je me suis engagé sur le front dès le premier jour de l’invasion, parce que si on n’arrête pas cet ennemi maintenant, notre culture sera de nouveau détruite, comme il y a 100 ans, confie l'Ukrainien. Tant que nous ne sortirons pas de ce cycle, nous aurons encore plusieurs générations humiliées et des milliers de destins brisés."

Certains s'engagent et continuent leurs activités artistiques

Pour défendre l’identité ukrainienne, l’artiste Khalil Khalilov n’a pas pris les armes, mais il est devenu logisticien : il va chercher des voitures d’occasion en Allemagne, qu’il charge de groupes électrogènes. Fin juin, il a profité de son voyage pour réaliser une performance artistique en Pologne. Il estime que mener les deux de front est une évidence, il ne comprend même pas que l'on s'interroge. "C'est une question un peu bizarre, balaie Khalil Khalilov, parce que c'est mon obligation, mon devoir vis à vis de mon pays, et c'est le minimum que je puisse faire."

Volodymyr Yermolenko, philosophe engagé, est du même avis, il était inconcevable pour lui de ne pas aider son pays, d'une manière ou d'une autre."Nous sommes tous des citoyens, comme si on sentait que notre communauté, dans notre pays qui s'appelle Ukraine, est un corps organique, vivant, dit, en français, l'intellectuel ukrainien. On agit comme faisait Victoria Amelina."

Pour l'instant, beaucoup d'artistes et d'intellectuels ukrainiens engagés dans le conflit ont dû mettre entre parenthèses, ou du moins ralentir, leurs activités artistiques. À la sortie du cimetière où a été inhumée l'écrivaine Victoria Amelina, Guenek Ravski, 57 ans, affiche son surnom sur son treillis : "le peintre". L'artiste explique qu'il a beaucoup de mal à se projeter sur l'après-guerre. 

"À vrai dire, je suis complètement vidé. Le moment viendra où je recommencerai à peindre et à créer, mais là, je ne suis pas prêt. Ma vie d'avant la guerre, c'est comme une autre vie. Aujourd'hui, je donne tout pour rester utile malgré mon âge et mon état physique. La priorité, c'est de terminer la guerre, l'art viendra après".

Guenek Ravski, peintre

à franceinfo

En Ukraine, ces intellectuels et artistes engagés dans le conflit - le reportage d'Isabelle Labeyrie

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