: Reportage "Il faut nous ravitailler en hommes" : en Ukraine, des soldats "fatigués" espèrent une relève sur le front
Dans le Donbass, Oleksandr est assis sur un vieux matelas, posé sur le sol sans carrelage. Au moins, dans cette maison spartiate, vidée de ses habitants, il fait chaud. Ce soldat ukrainien arrive du front qui est tout près, à une poignée de kilomètres. Avec ses compagnons, épuisés, ils se posent ici quelques jours avant d'y retourner. Ces soldats réclament une relève sur le front. Leurs familles manifestent aussi pour obtenir leur retour du front et leur remplacement par de nouvelles recrues. Volodymyr Zelensky assurait mardi 19 décembre que l’armée lui avait recommandé la mobilisation de 450 à 500 000 hommes supplémentaires, semant le trouble parmi les mobilisables.
Sur le champ de bataille, les troupes sont exténuées. "Il nous manque des hommes et la santé. Combien de temps encore peut-on tenir ? Les hommes ne sont pas fabriqués en fer", estime Oleksandr. À Avdiivka, où les soldats se battent, ils tombent par milliers depuis un mois, de part et d’autre de la ligne de front. Sur le terrain, les munitions sont économisées. On attend l’aide promise, mais même si elle vient, Sacha sait que cela ne suffira pas : "Dans ce cas-là aucun blindé ou arme ne sera efficace, tout simplement parce que les hommes sont crevés".
Pour les fêtes, Sacha s’est contenté d’appeler sa fille de 11 ans, un appel laconique de seulement quelques minutes, simplement pour dire "ça va" alors qu'il était épuisé après plusieurs jours au front. "Les gars sont tous fatigués moralement, pas physiquement", explique Beha, 22 ans, qui est le plus jeune.
"On nous a dit que toutes nos permissions de cette fin d’année étaient annulées car il n’y a pas d’hommes, il n’y a aucune relève. Il n’y a personne pour faire la guerre".
Beha, un jeune soldat ukrainienà franceinfo
Ici, il n'est pas question de s’étourdir les soirs où on s’éloigne du front, l’alcool est interdit dans le Donbass. Ils y font attention, il faut pouvoir durer. Sur une position un peu plus au nord, à l'orée d'une forêt gelée, près de la tranchée aux bords coupants de glace où il entraîne ses hommes, le sous-officier Arthur serre les mâchoires. "La première chose qui nous manque, c'est le facteur humain. On a besoin d'hommes, c'est tout. Il faut nous ravitailler en hommes. Ce serait bien si tous ceux qui sont à l'arrière ou ceux qui se sont enfuis à l'étranger, revenaient et nous aidaient ici", indique-t-il.
Voir l’arrière vivre normalement, voir tant d’hommes échapper à la conscription, voir des faux certificats médicaux, tout cela abîme le moral des soldats. Lucides, ils savent que la victoire n’est désormais plus à portée de main. Déterminés malgré tout, ils sont sûrs qu'elle reste possible si les armes arrivent et si chacun s’y met pour venir, enfin, les relever.
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