Reprise des livraisons de gaz russe : "Les sanctions font très mal" à la Russie qui "a besoin de rentrées financières", explique une chercheuse
Après une maintenance du gazoduc Nord Stream, la Russie a repris ses livraisons de gaz vers l'Europe jeudi.
"Les sanctions font très mal" à la Russie qui "a besoin de rentrées financières", a expliqué jeudi 21 juillet sur franceinfo Christine Dugoin-Clément, chercheuse au Think tank CAPE Europe. Gazprom a réduit ces dernières semaines de 60% ses livraisons de gaz via le gazoduc Nord Stream. La maintenance d'une turbine au Canada a été mis en avant par le géant du gaz russe pour justifier cette diminution.
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Vladimir Poutine a assuré mercredi lors d'un sommet en Iran que Gazprom remplira "pleinement" ses obligations vers ses clients. Nord Stream a redémarré ce jeudi matin. Selon Christine Dugoin-Clément, un arrêt total du gaz vers les Occidentaux est peu probable. "ll y aurait de gros problèmes de maintenance" et un "risque de corrosion" dans les pipelines, explique la chercheuse.
franceinfo : Pourquoi Vladimir Poutine rouvre finalement les vannes de son gaz vers l'Europe ?
Christine Dugoin-Clément : Au début, il y avait eu une utilisation, qui avait été qualifiée d'alibi notamment par l'Allemagne, de maintenance de turbines. Il y a cinq turbines de la marque Siemens qui travaillent et qui envoient chacune 30 millions de mètres cubes de gaz par jour. Il y en a une qui s'est retrouvée donc en maintenance au Canada et que le Canada ne renvoyait pas pour cause de sanctions en Russie. Et ça a permis à Gazprom de réduire les exportations de 40%. Ça été clairement pris comme étant un alibi. L'Allemagne a fait pression sur le Canada qui finalement a restitué la turbine après diverses tractations et en essayant de dire que finalement le transport n'était pas sous sanctions.
La Russie utilise le gaz comme une arme ?
La Russie explique que Gazprom veut maintenir ces contrats. Elle a besoin aussi pour d'autres clients de rester un fournisseur fiable et, au contraire, renvoie les Occidentaux aux sanctions qu'ils ont prises. Donc, on est sur un jeu, un petit jeu de dupes. Mais il ne faut pas oublier que la Russie est une économie rentière et que les sanctions lui font très mal et qu'elle a besoin de rentrées financières. Et puis, si jamais vous coupez complètement le gaz, il y aurait probablement de gros problèmes de maintenance, notamment avec des problèmes de condensation qui se feraient et donc un accroissement du risque de corrosion dans ces pipelines, donc, une coupure à 0% paraîtrait relativement compliquée à mettre en place.
À quelle puissance va-t-il le robinet du gaz ?
Ça ne sera probablement pas à pleine puissance. Il y a déjà des bruits, puis des déclarations comme quoi d'autres turbines devraient être mises en maintenance, ce qui permettrait de restreindre encore les productions de gaz. Dans cette espèce de jeu déclaratoire entre eux, "c'est une arme, non pas du tout", il aurait pu y avoir une compensation quelque part. On parle du pipeline Nord Stream, mais il y a d'autres pipelines dont la production aurait pu être augmentée quelque part pour faire une compensation, notamment Brotherhood, par exemple, qui passe par l'Ukraine.
Comment voyez-vous que les sanctions contre la Russie portent ses fruits ?
Vous avez eu aussi récemment une vague supplémentaire de sanctions qui touchaient alors à l'achat d'or. Vous avez besoin notamment de l'or pour essayer de continuer à maintenir les taux, y compris le taux du rouble. Il y a eu des déclarations dans le sommet qui vient d'avoir lieu en Iran de Vladimir Poutine lui-même, expliquant que les sanctions commençaient à avoir un impact fort sur l'économie russe. Il est évident que des sanctions économiques ont un effet sur le long terme. C'était ce qui avait été mis en avant dès les premiers jours du conflit ou des sanctions avaient été prises. Il y a un temps de latence avant qu'il y ait un effet visible.
"Les sanctions à elles seules dans l'histoire des relations internationales, ont rarement suffi en elles-mêmes à mettre fin à un conflit."
Christine Dugoin-Clémentà franceinfo
Les démarrages de conflit et les fins de conflit sont généralement multivectoriels. Néanmoins, le but était d'empêcher la Russie de pouvoir continuer à financer son effort de guerre ou du moins de lui compliquer la tâche. C'est ce que l'on commence à voir, même s'il serait illusoire de croire que la Russie est totalement isolée au niveau international. Les Occidentaux ne sont pas le monde entier et la Russie n'est pas aussi isolée que l'on pourrait le souhaiter.
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