: Témoignage Guerre en Ukraine : "La mort, c’est la seule pensée qu’on avait en tête", témoigne ce père de famille qui a réussi à fuir la ville assiégée de Marioupol
Après trois semaines d'horreur, des civils peuvent enfin fuir la ville du sud-est de l’Ukraine, pilonnée sans relâche par l’armée russe. franceinfo a pu rencontrer l'un de ces premiers évacués.
Il a beau faire - 4 degrés et neiger légèrement, Sergueï préfère rester dehors, profiter de l’air libre et d’un ciel sans bombe. Il a passé la majeure partie de ces trois dernières semaines terré dans un sous-sol de Marioupol.
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C'est dans cette ville, assiégée par les troupes russes depuis des semaines, que le théâtre de la ville a été bombardé au 23e jour de l'offensive lancée par le Kremlin. L’ONG "Human Rights Watch" évoque le nombre d'"au moins 500 civils" présents dans le bâtiment lors du bombardement, où selon une photo satellite, le mot "enfant" était écrit en grand sur le sol, en cyrillique, aux abords du bâtiment.
Sergueï n'était pas dans cette zone à ce moment-là. Mais il confie que dans cette ville de l'est de l'Ukraine, il ne se passait pas dix minutes sans un tir d’artillerie. Avant de lâcher que sa hantise, c’était le raid aérien. "Il y a d’abord le son de l’avion à réaction. Et puis cinq ou dix secondes plus tard, les explosions des bombes. C’était toutes les demi-heures ou toutes les heures. Le jour et la nuit. La mort, c’est la seule pensée qu’on avait en tête : la bombe suivante est peut-être la nôtre.", souffle Sergueï.
"C’était tout simplement un cauchemar"
Dans la morgue où il travaille, il a vu 48 morts, rien que pour les trois premiers jours de bombardements. La mairie en déplore désormais plus de 2 000, comme après le bombardement d'une maternité. Le médecin légiste raconte les cadavres qui restent dans la rue, certains enterrés dans des cours d’immeuble… et son quartier ravagé . "Autour de nous, il y a eu des maisons détruites, des immeubles de huit étages en feu… 70% des habitations n’ont plus de fenêtre. C’était tout simplement un cauchemar."
Serrés à 25 dans les 40 m2 de leur abri, Sergueï, sa famille et ses voisins ont rationné leurs vivres : plus d’électricité, plus de gaz. Ils ont fait des feux dehors pour cuisiner un peu. L’eau aussi a vite manqué.
"On a tout fait pour trouver de l'eau, dans des puits abandonnés… On a aussi fait fondre la neige, mais on a surtout pris l’eau du système de chauffage"
Sergueïà franceinfo
Résultat : un chauffage inexistant. Alors, il raconte que chacun s’emmitoufle pour résister aux cinq degrés de l’abri.
Là, ils sont coupés du monde, sans réseau. Impossible de s’informer sur un éventuel corridor humanitaire. Mardi matin, la famille de Sergueï prend malgré tout la route. "C’était une décision risquée. On était dans une colonne de quelques centaines de voitures. A 40 km de la ville de Zaporijia, il y a eu des tirs de roquettes sur le convoi. J’ai vu passer une dizaine d’ambulances.", lâche-t-il.
Après avoir mis sa femme et ses deux grands enfants à l’abri, le père de famille veut retourner travailler dans le Donbass. En 2014, il avait déjà dû fuir Donetsk. Mais à ses yeux, la guerre d’il y a huit ans, "c’est 1% de ce qui se passe aujourd’hui".
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