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Ukraine : "C'est une politique de terreur d'un chef mafieux contesté", analyse le colonel Pierre Servent

Pour le spécialiste des question de défense, le président russe, qui a confirmé ce lundi avoir ordonné des frappes massives sur l'Ukraine, est dans une logique de surenchère guerrière. Une "stratégie terrroriste" déjà employée en Syrie et en Tchétchénie.

Article rédigé par franceinfo
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Vladimir Poutine, le président russe, le 21 septembre 2022. (ILYA PITALEV / SPUTNIK)

Vladimir Poutine a confirmé lundi 10 octobre des frappes massives sur les infrastructures énergétiques de l'Ukraine. L'Union européenne dénonce des crimes de guerre. "C'est une politique de terreur d'un chef mafieux contesté sur son territoire et sur son autorité et qui [s'attaque] aux plus faibles et aux plus fragiles", analyse le colonel de réserve opérationnelle et spécialiste des questions de défense Pierre Servent sur franceinfo. 

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franceinfo : Les frappes en Ukraine ce lundi matin donnent l'impression de revivre les premiers jours de la guerre, en début d'année. Est-ce comparable ?

Pierre Servent : C'est comparable parce qu'on retrouve le même modus operandi du côté de Vladimir Poutine, à savoir que quand il subit des revers importants sur le terrain, quand il est humilié personnellement - puisque la frappe sur le pont traversant le détroit de Kertch, entre la Crimée et la Russie, est vraiment directement adressée à Poutine car il l'avait inauguré lui-même et s'en faisait une fierté - quand on est dans ce cas de figure, Poutine procède toujours de la même façon. D'abord la menace nucléaire et après des frappes punitives, des frappes de rétorsion, de représailles, qui ciblent prioritairement, voire même assez exclusivement, des civils, des habitations, des parcs, des centres énergétiques pour punir et pour essayer de casser le moral des civils ukrainiens puisque Poutine n'arrive pas à casser le dispositif militaire de Kiev.

La stratégie de Vladimir Poutine est-elle de réinstaller un climat de terreur en Ukraine ?

C'est une stratégie terroriste qui est structurelle chez les Russes. Ils l'ont pratiquée en Tchétchénie il y a 20 ans, en Géorgie, en Syrie également. Par exemple, en Syrie, l'aviation russe ciblait les hôpitaux de campagne, les antennes chirurgicales dont ils avaient les coordonnées indirectement via l'ONU. Ces coordonnées remontaient sur l'ONU pour que ces centres médicaux ne soient pas frappés mais les Russes les utilisaient justement pour les frapper. C'est une politique de terreur d'un chef mafieux contesté sur son territoire et sur son autorité et qui réagit comme un chef mafieux c'est-à-dire en s'attaquant aux plus faibles et aux plus fragiles, puisque pour l'instant il n'arrive pas à faire face aux contre-offensives ukrainiennes. C'est un chef terroriste, un ancien du KGB, qui fonctionne comme il a toujours fonctionné.

Quand Vladimir Poutine va-t-il s'arrêter ?

Il faut bien comprendre que Poutine ne lâchera pas son invasion. Il est sous pression depuis le début. Finalement, il est contraint de s'adapter parce qu'il n'avait pas du tout anticipé la capacité de résistance ukrainienne. On retrouve dans son discours la rhétorique classique du Kremlin, qui consiste à accuser les autres de ce qu'il est en train de faire. Il prépare aussi le terrain et les esprits à un crescendo qui devrait le conduire peut-être à décréter la loi martiale et peut-être aussi carrément à déclarer la guerre à Kiev. Il pourrait parfaitement lancer un ultimatum aux "terroristes" de Kiev, selon ses mots, en leur disant de se retirer du "territoire russe". Je pense qu'il est engagé dans un processus où, comme un mauvais joueur de poker menteur, il est obligé de monter sa mise à chaque fois qu'il perd. Je pense que, dans les semaines qui viennent, on va aller vers la déclaration de guerre, une mobilisation encore plus importante, une implication plus forte de la Biélorussie. Il ne va pas arrêter de monter en gamme.

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