Quatre questions sur le camp de migrants de Grande-Synthe et son avenir
Le camp de la Linière a été détruit en partie par le sinistre, qui fait suite à une rixe entre Afghans et Kurdes sur le site. Le sort des 1 500 occupants des lieux pose question.
Que faire après l'incendie qui a dévasté une partie du camp de Grande-Synthe (Nord) ? De violentes bagarres entre Kurdes d'Irak et Afghans sont à l'origine des feux allumés dans le camp, qui ont fini par embraser les chalets de bois. Seuls 70 ont réchappé au sinistre, sur les 300 que comptait le site ouvert en mars 2016. Désormais, le sort des 1 500 migrants qui occupaient les lieux fait débat.
Plus de 1 200 personnes ont été "hébergées en urgence dans des salles communales" après l'incendie qui a ravagé le camp de migrants de Grande-Synthe (Nord), ont annoncé mercredi les ministères de l'Intérieur et du Logement.
Où sont hébergés les migrants ?
Trois gymnases ont été mis à disposition à Grande-Synthe, dès lundi, le premier soir, puis le dispositif a été complété par un quatrième à Dunkerque. Au total, un millier de migrants ont passé la nuit dans ces hébergements d'urgence, dans la nuit de mardi à mercredi, mais d'autres ont préféré passer la nuit à la belle étoile.
"La grande majorité des victimes de l'incendie a été mise à l'abri après le sinistre", précise un communiqué commun des ministères de l'Intérieur et du Logement, mercredi, qui assure que plus de 1200 personnes ont été hébergées d'urgence.
Le temps presse, car les lieux devront être libérés à la fin des vacances scolaires. "L'objectif est que le séjour en gymnase soit le plus court" possible, a précisé la ministre du Logement, Emmanuelle Cosse, lors d'un déplacement sur les lieux du sinistre. La priorité est de "mettre à l'abri les migrants qui errent sur les grands axes routiers, précise le préfet du Nord, Michel Lalande, et de consolider un accueil d'urgence".
Pourquoi ces violences à Grande-Synthe ?
Les bagarres sont récurrentes depuis 2002 mais, avec le démantèlement de la "jungle" de Calais, en octobre 2016, "bon nombre d'Afghans se sont retrouvés à Grande-Synthe", explique Jean-Claude Lenoir, président de l'association Salam. Ce camp, jusque-là, était occupé presque entièrement par des Kurdes irakiens. Ceux-ci occupaient les cabanons, tandis que les nouveaux arrivants afghans étaient cantonnés dans les cuisines de la cantine coopérative. "Dès lors que les nationalités sont réparties différemment, il y a une lutte des passeurs", explique Jean-Claude Lenoir.
Le responsable associatif souhaitait donc "un accueil d'urgence sur Calais pour éviter que les gens s'agglutinent sur Grande-Synthe". La surpopulation a joué un rôle important dans les violences, assure également Pierre Henry, directeur général de l'association France terre d'asile. "La population des demandeurs d'asile et des réfugiés avait crû de manière extrêmement importante (...), a-t-il expliqué sur franceinfo. Nous savions qu'il y avait là tous les dangers d'une confrontation entre passeurs kurdes et afghans qui se disputaient le contrôle du camp."
Quelle est la solution à moyen terme ?
Les migrants installés à Grande-Synthe doivent être renvoyés vers des centres d'accueil et d'orientation (CAO). Mais certaines ONG ne cachent pas leur scepticisme. "J'ai entendu parler de transferts vers les CAO, c'est une utopie, résume Corinne Torre, de Médecins sans frontières, dans les colonnes du Monde. Il n'y a pas 1 500 places libres. Ils vont se disperser, et certains iront sans doute aussi à Paris." Une partie d'entre eux devrait également rester sur le littoral, dans l'espoir de gagner le Royaume-Uni, même si le secteur de Calais est très sécurisé.
>> VIDEO. Où seront relogés les migrants de Grande-Synthe ?
"Il va falloir trouver rapidement une solution d'urgence. Je pense qu'ils vont tenter le tout pour le tout et faire en sorte de passer vers la Grande-Bretagne", estime Gilles Debove, du syndicat de police Unité SGP-FO, interrogé par Europe 1. La police belge mène des contrôles accrus dans les transports en commun, explique La Libre Belgique, notamment dans les bus gratuits qui relient la France à la commune belge de La Panne. Un poste de contrôle est également mis en place sur l'autoroute. La Cimade réclame "plus que jamais la nécessité de créer des lieux d'accueil humanitaire sur le littoral" pour "permettre aux personnes migrantes de sortir de l'errance et des graves dangers auxquels elles sont exposées".
Le camp sera-t-il reconstruit ?
"Il sera impossible de remettre des cabanons à la place de ceux qui existaient auparavant", avait indiqué le préfet du Nord, peu après le sinistre. Le ministre de l'Intérieur, Mathias Fekl, est du même avis. En déplacement à Grande-Synthe, il a déclaré qu'il "n'y aura pas de reconstruction de camp ici ou ailleurs" et qu'il faudra, "avec les élus et les associations, trouver les bonnes solutions". Le mois dernier, déjà, le ministre Bruno Le Roux avait fait part de sa volonté de démanteler le camp "le plus rapidement possible", alors que le nombre de migrants installés ne cessait de grimper et que les incidents se multipliaient.
Grand promoteur du camp et de l'accueil des migrants, le maire EELV de la commune n'est pas du même avis. "Qu'est-ce que je fais si dans 72 heures il n'y a pas de solutions ? Je n'exclus rien du tout", a réagi Damien Carême sur franceinfo. Mais pas à n'importe quel prix. "Je suis pour le maintien de ce camp, mais à condition de revenir à sa norme initiale", explique le maire au Monde. A l'origine, le camp était dimensionné pour 700 personnes. Avant l'incendie, il en accueillait deux fois plus.
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