"La perception, c'est que les migrants sont invisibles" : à Lampedusa, la crise des migrants occultée par le coronavirus
Environ 150 migrants vivent actuellement dans le centre d'accueil de l'île italienne, lieu d'arrivée habituel des demandeurs d'asile. Mais la crise sanitaire les a placés au second plan.
Enzo Riso montre sur son ordinateur de bord les points précis où gisent sous l'eau les barques des migrants naufragés. La nuit dernière, ce pêcheur de l'île de Lampedusa a heurté une barque et endommagé son bateau : "Cela arrive souvent, explique-t-il. On peut colmater les brèches et sinon on rachète du matériel. Il nous faudrait une aide !"
Si elle ne fait plus la une des médias, la crise des migrants est pourtant toujours d'actualité. Elle est même renforcée par la pandémie de coronavirus. Sur les plages de l'île italienne, ils arrivent au milieu des 6 500 habitants. Des migrants finalement invisibles, même s’ils sont actuellement plus de 150 dans le centre d’accueil de l’île. "Cela ne m'empêche pas d'accueillir les migrants", poursuit Enzo le pêcheur.
Si je vois une barque en difficulté, je prends en charge les personnes et je rentre directement au port et puis j'assume mes responsabilités.
Enzo, un pêcheur de Lampedusaà franceinfo
Enzo pêche ici depuis 30 ans, comme son père et son grand-père. Il accueillait des migrants chez lui lorsqu'ils pouvaient s'échapper du centre d'accueil, un bunker encaissé entre deux collines dans le cœur de l'île. Mais les migrants, qui n'ont jamais cessé de débarquer sur l'île pendant le confinement, sont très surveillés désormais. "Après toute cette période de Covid et encore aujourd'hui, il n'y a personne dans les rues, aucun migrant, parce que nous avons bien géré leur confinement, assure Salvatore Martello, le maire de Lampedusa. La perception des Lampédusiens, comme des touristes, c'est que les migrants sont invisibles."
Aucun migrant n'a été testé positif à Lampedusa, une seule habitante a été malade pendant trois mois, elle revenait de Bergame. Mais Lampedusa gère seule les arrivées de migrants. Paola La Rosa est membre du forum "Lampedusa solidale" et en veut énormément à l'Europe : "En ce moment ce sont les ONG qui font le travail. C'est même assez beau : qu'elles soient allemande, française, italienne, espagnole... Ce sont les seules qui sont en train de nous sauver, de sauver notre dignité et notre humanité."
Mais ici, tous ne sont pas d'accord. Des barques de migrants ont été incendiées dernièrement et près d'un millier de Lampédusiens ont voté pour la fermeture du centre de migrants, dans une sorte de référendum, mais qui n'a aucune valeur juridique.
>> VIDEO. Les sauvetages de migrants reprennent en Méditerranée après trois mois d'arrêt
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