Reportage "Il y avait des vêtements et des corps partout" : le traumatisme des pêcheurs qui ont tenté de sauver des migrants naufragés dans la Manche

Le naufrage d'un zodiac mardi, au large de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), a coûté la vie à 12 migrants originaires de la Corne de l'Afrique. Franceinfo a rencontré les pêcheurs qui ont porté secours au bateau en perdition.
Article rédigé par franceinfo
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Des bateaux dans le port de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), le 3 septembre 2024. (MOHAMMED BADRA / MAXPPP)

C'est le naufrage le plus meurtrier de l'année dans le Pas-de-Calais. 12 migrants originaires de la Corne de l'Afrique ont péri dans le naufrage de leur embarcation surchargée, à cinq kilomètres seulement des côtes françaises, mardi 3 septembre. Le maire de Boulogne-sur-Mer, Frédéric Cuvillier, dénonce "une situation épouvantable", avec des tentatives qui continuent chaque jour malgré le danger et les patrouilles de police et de gendarmerie. Franceinfo a rencontré les pêcheurs qui ont porté secours au bateau en perdition. 

Ils ont repris la mer mercredi matin à 3 heures depuis le port de Boulogne-sur-Mer pour poser leurs casiers, comme si de rien n’était. Moins on en parle, moins on y pense, confie l’un d'eux, tandis qu'un deuxième avoue à demi-mot avoir été traumatisé par ce qu'il a vécu mardi. Les quatre équipiers ont été appelés en fin de matinée pour se porter au secours du zodiac rempli d’une soixantaine de migrants qui était en train de couler à quelques kilomètres de la côte. 

"Le zodiac était en train de couler. On a ramassé les gilets, et en faisant le tour on a vu les cadavres. Il y en avait sept ou huit", raconte le patron pêcheur Gaëtan. "Il y avait des vêtements et des corps partout. On nous a demandé de tourner en rond pour les récupérer. On a récupéré qu'une seule personne, entre 20 et 30 ans, qui était décédée", poursuit son coéquipier Bruno. 
Avaient-ils une chance d'arriver en Angleterre dans ces conditions ? "Vu comment était le zodiac, je ne pense pas. D'habitude, ils arrivent à passer avec ceux-là, mais là il y avait trop de monde. Une embarcation pour 60 personnes, c'est beaucoup trop. Je ne comprends pas pourquoi ils fuient en étant autant sur un seul bateau", ajoute-t-il.

De nouvelles tentatives

L’arrivée des secours a malgré tout permis de sauver 51 naufragés. Il n’est pas impensable que certains tentent à nouveau la traversée, comme Adel, 25 ans, croisé quelques kilomètres plus loin sur la Côte d’Opale. Il ne veut pas dire d’où il vient mais seulement là où il veut aller : l’Angleterre. Une première tentative avortée sur la plage ne l’a pas découragé. "Je veux une nouvelle vie, une vie meilleure, c'est pour ça que je vais en Angleterre. Et ma famille y est déjà." Le risque de naufrage, comme celui de la veille, ne semble pas l'inquiéter. "Je sais, mais dans ce bateau, il n'y aura pas beaucoup de monde", poursuit-il.

"Ce qui est dangereux, c'est quand les passagers sont trop nombreux. Mon bateau n'emmènera que 42 personnes et c'est un grand bateau. Il fait 11 mètres de longueur."

Adel, migrant de 25 ans

à franceinfo

Malgré les dangers, les morts et la surveillance des plages par la police et la gendarmerie, près de 30 000 migrants clandestins avaient réussi à traverser la Manche en 2023, selon les autorités britanniques. Ils sont déjà 21 000 à l'avoir fait depuis le début de l'année.

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