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Pourquoi Elisabeth II est toujours populaire après 60 ans de règne

La reine d'Angleterre, entrée en fonction en 1952, fête aujourd'hui le jubilé de diamant de son accession au trône. FTVi vous explique pourquoi son prestige est au zénith.

Article rédigé par Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Elisabeth II à King's Lynn, dans le Norfolk (Angleterre), le 6 février 2012. (CHRIS RADBURN / AFP)

"Aujourd'hui, alors que je célèbre mes 60 ans de règne, je vous écris pour vous remercier du formidable soutien et des encouragements que vous m'avez apportés, à moi et au prince Philip." Elisabeth II célèbre, lundi 6 février, le jubilé de diamant de son accession au trône. Et elle a tenu, à cette occasion, à délivrer, sur Twitter, un message chaleureux à ses sujets, sa "priorité".

Depuis son accession à la tête du Commonwealth, le 6 février 1952, Elisabeth II a traversé des phases de tumulte qui ont parfois mis à mal son prestige. Mais elle est aujourd'hui au sommet de sa popularité et reste le symbole de la monarchie britannique. Quelles sont les raisons d'un tel succès ? FTVi fait le point.

• Parce qu'elle règne depuis longtemps

A 85 ans, Elisabeth II est déjà la plus âgée des monarques britanniques. Elle n'a pas encore battu le record de longévité sur le trône, détenu par la reine Victoria (qui a été reine du Royaume-Uni de 1837 à 1901), mais elle n'en est pas loin : si tout va bien, elle dépassera les 63 ans de règne en 2015.

Philippe Chassaigne, spécialiste de l'histoire de la Grande-Bretagne, qui compare les fins de règne des deux souveraines, trouve des similitudes entre les deux périodes. "Comme Victoria en son temps, Elisabeth II a traversé les âges : les Britanniques peuvent maintenant la juger sur l'ensemble de son règne, explique-t-il à FTVi. La longévité est une des premières clés de la popularité." 

"Si tous les Anglais ne sont pas monarchistes, en revanche tous sont fans d’Elisabeth II", analyse sur Le JDD.fr Isabelle Rivère, journaliste et auteure d'un livre-portrait sur la reine, qui paraîtra en mai aux éditions Fayard.

Cet attachement vaut aussi pour les pays du Commonwealth. "Par exemple, lorsque la reine se déplace en Australie, les citoyens se redécouvrent monarchistes", affirme Philippe Chassaigne. Expert de la constitution britannique, Vernon Bogdanor explique de son côté, au quotidien The Australian (article en anglais), "qu'au lieu d'entraver les progrès, le règne remarquablement long de la reine a 'rendu les changements plus acceptables'".

 • Parce qu'elle incarne la stabilité 

"En soixante ans de règne, elle a traversé toutes les tempêtes la tête haute. [Elisabeth II] incarne la stabilité, la continuité du royaume", affirme Isabelle Rivère. "Elle a assuré son rôle de souverain au-dessus des partis et ses devoirs de monarque sans se laisser aller à des prises de position", décrypte Philippe Chassaigne. 

Ce recul lui vaut le respect de ses sujets. Elle a dû surmonter les épreuves. Notamment celles de voir les unions de trois de ses enfants s'achever par des divorces houleux, ce qui a durablement nui à l'image de la famille royale, placée sous le regard constant des médias en quête de scandales.

La reine d'Angleterre a aussi traversé la seconde guerre mondiale (elle n'était alors que princesse héritière), vu la dissolution de l'Empire britannique et connu douze Premiers ministres sans sourciller. "Elle est restée au-delà de la mêlée politique et on ne l'a jamais entendu faire le moindre jugement (...). Personne ne sait ce qu'elle pense", commentait déjà Marc Roche, journaliste au Monde, dans un chat sur le site du journal en avril 2006. "Toujours dévouée, toujours résolue et toujours respectée, elle représente la sagesse et la continuité", résume le Premier ministre David Cameron dans un message rendant hommage à la reine, à l'occasion de son jubilé de diamant.

• Parce qu'elle a su écouter les reproches et reconquérir ses sujets

La relation entre Elisabeth II et ses sujets n'est pourtant pas un long fleuve tranquille. La mort de la princesse Diana, en 1997, a failli sceller le divorce entre la reine et son peuple. Aucun drapeau n'avait été hissé en signe de deuil à Buckingham palace, et sa froideur vis-à-vis de celle qui ne faisait plus partie officiellement de la famille royale avait alors creusé un fossé d'incompréhension avec les Britanniques, très touchés par la mort de Lady Di. "Show Us There's a Heart in the House of Windsor" (Montrez-nous qu'il y a un cœur à Windsor), avait titré le tabloïd The Sun pour interpeller la reine.

Mais la souveraine a su rebondir, notamment en rendant un hommage à la princesse Diana lors d'une allocution télévisée depuis Buckingham. "Les événements qui ont suivi - la mort de la reine mère et la célébration de ses 50 ans de règne - l'ont aidée à remonter la pente", juge Philippe Chassaigne. Preuve en est, les 200 lettres de Britanniques qu'elle reçoit chaque jour, selon Jacques Cardoze, le correspondant de France 2 à Londres. 

Elisabeth II, toujours populaire après 60 ans de règne (FTVi / Jacques Cardoze France 2 )

"Elisabeth II est la figure représentative du souverain constitutionnel. Partant de ce constat, même les pays du Commonwealth tentés par une république, comme l’Australie, le Canada et la Nouvelle-Zélande, ne se détachent pas de la reine. Qu'auraient-ils à gagner avec un président de la République ? Ils ont déjà un Premier ministre fort", poursuit l'historien, 

Mais la popularité de la reine Elisabeth a aussi des limites. Elle pourrait faire de l'ombre au prince Charles. "Un nouveau monarque peut raviver la famille royale ou, au contraire, être son baiser de la mort", analysait le Montréalais John Curtin en 2009 dans son documentaire After Elizabeth II : Monarchy in Peril. Le seul danger pour la monarchie, aujourd'hui, c'est qu'à la mort de la souveraine, le prince Charles sorte de la neutralité politique. "Il faut voir comment il se glissera dans l'habit du roi, relativise Philippe Chassaigne. Les Britanniques ne le regarderont pas de la même manière que sa mère, mais c'est aussi parce qu'ils ne connaissent pas très bien. Ils pourront le découvrir quand il sera au pouvoir, comme ils l'ont fait avec Elisabeth II durant 60 ans."

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